« Free Solo » : Alex Honnold, au risque de l’escalade
« Free Solo » : Alex Honnold, au risque de l’escalade
Par Catherine Pacary
Le documentaire a suivi l’alpiniste deux ans, jusqu’à son ascension historique, sans corde, d’El Capitan.
« A la moindre erreur, vous mourrez ? », demande abruptement une journaliste américaine. « Vous avez tout compris », sourit Alex Honnold. Le frêle jeune homme de 33 ans, américain, pratique le « free solo », ou solo intégral, c’est-à-dire l’alpinisme sans corde ni matériel. Ainsi débute Free Solo, documentaire au titre simple et efficace consacré à l’un des as de cette discipline ultime de l’escalade, et à son ascension, le 3 juin 2017, d’El Capitan, paroi de 915 mètres située dans le parc national de Yosemite en Californie – une première historique.
Pendant deux années, une équipe restreinte de cameramen et techniciens emmenée par le réalisateur Jimmy Chin – tous alpinistes confirmés – a suivi les préparatifs jusqu’à l’exploit. Une proximité qui permet, dans un premier temps, de mieux cerner la personnalité « minérale » de l’athlète, sans dévier de l’essentiel : le « free solo » est potentiellement mortel. « N’importe qui peut mourir n’importe quand. En solo intégral, c’est juste plus présent et plus immédiat. » Alex Honnold en a fait sa philosophie.
« Une armure mentale »
Tommy Caldwell, vainqueur avec Kevin Jorgeson des 900 m du Dawn Wal du Capitan en 2015, et ami proche d’Alex, livre quelques clés. Ainsi, en « free solo », on ne parle jamais de ses projets à l’avance, et on se bâtit « une armure mentale » vitale. Que toute relation amoureuse peut fragiliser. Or justement… Alex Honnold fréquente depuis peu Sanni.
Sur l’amour comme sur la mort, Alex Honnold reste de marbre : « [Les filles] disent tenir à moi, mais si je meurs elles en trouveront un autre. » Même froide sincérité au sujet de ses parents, divorcés. Alex se décrit ainsi comme un enfant « sombre, mélancolique (…), et ringard », qui a pratiqué l’escalade en solitaire parce qu’il ne connaissait personne. « Presque ne compte pas », lui répétait sa mère, qui ne l’a jamais pris dans ses bras. Aujourd’hui, « peu importe ce que je fais, ce n’est jamais assez bien, dit-il. Ça m’a clairement motivé à faire du “free solo” ».
Alex Honnold lors de l’ascension d’El Capitan, dans le parc de Yosemite (Californie). / JIMMY CHIN / NATIONAL GEOGRAPHIC
Au-delà de l’analyse psychologique du « Pourquoi pratique-t-on un sport extrême ? », le documentaire apporte une réponse scientifique intéressante, à découvrir à l’issue d’une IRM. Avant d’aborder – enfin, à dix-sept minutes de la fin ! – l’ascension proprement dite.
Images vertigineuses
« Main gauche sur la poignée, inverser les mains… » Freeblast (300 m), la zone la plus glissante, Teflon Corner (700 m), Boulder Problem… A force de passer jour après jour par le même passage, Alex a en tête une carte mentale de toutes les difficultés. A Enduro Corner, Tommy Caldwell détourne le regard.
Les images vertigineuses sont superbes. Un océan minéral semble refluer comme les vagues sur une plage, pour laisser apparaître un point rouge : le tee-shirt d’Alex Honnold. Des scènes dont l’intensité dramatique a valu à Free Solo de décrocher l’Oscar 2019 du meilleur documentaire. Le spectateur ne la ressent pas forcément sur petit écran, connaissant l’issue heureuse. Les plans sur les visages des amis et techniciens en revanche rappellent la peur réelle du présent. S’imaginer à leur place paraît alors insoutenable.
« Le pire des scénarios, expliquait un des cameramen avant le départ, est que l’un d’entre nous fasse quelque chose qui cause sa mort. (…) Et personne ne veut ça. » « Je ne sais pas », avait posément rétorqué Alex Honnold.
Free Solo - Trailer | National Geographic
Durée : 02:28
Free Solo, de Jimmy Chin et Elizabeth Chai Vasarhelyi (EU, 2018, 97 min). Rediffusion le 31 mars à 5 h 25, le 7 avril à 17 h 10. Disponible sur MyCanal jusqu’au 15 mai.