Des coquilles Saint-Jacques, à Bessin-Huppain (Calvados), en octobre 2018. / JOEL SAGET / AFP

Pliez les gaules ! Le mot d’ordre est lancé dans la baie de Granville, dans la Manche, où la pêche aux coquilles Saint-Jacques s’achève fin mars. Une pêche miraculeuse ! Dans cette baie, beau filon français de ce coquillage, comme ailleurs en Normandie, ou en Bretagne, les bateaux sont rentrés, cette année, les cales pleines à craquer. « En Normandie, on devrait passer de 17 000 tonnes ramassées lors de la saison 2017-2018 à près de 30 000 tonnes pour 2018-2019 », estime Arnauld Manner, directeur de Normandie Fraîcheur Mer.

Et pourtant, l’activité est, a priori, réglée comme du papier à musique. Le coup de sonde de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer donne le tempo, avant la ruée. « En baie de Seine, la saison n’a commencé que le 13 novembre [2018] », explique M. Manner. Et les chalutiers ont, pour draguer, un temps compté : de quarante-cinq minutes à trois ou quatre heures par jour, quatre jours par semaine. Sans oublier quotas journaliers et jachères. Un parcours tracé pour éviter que le chemin des Saint-Jacques ne se termine en impasse écologique.

Des règles strictes

Des règles strictes qui mettent, parfois, le feu aux poudres entre les flottes française et britannique. Fin août 2018, un nouvel épisode de cette bataille navale a éclaté, attisée par les moindres contraintes imposées aux esquifs britanniques. Cette gestion de la ressource, couplée à des conditions météorologiques favorables, a favorisé le repeuplement.

Revers de la coquille : avec l’abondance, les cours ont plongé. « Le prix a baissé de 50 % en deux ans. Le kilo, qui se négociait à plus de 3 euros, est tombé à moins de 2 euros. C’est frustrant de voir que les efforts de gestion ne sont pas récompensés par le marché », constate Jérôme Lafon, délégué pour les filières pêche et aquaculture de l’organisme public FranceAgriMer. Même à Noël, à la criée, la coquille Saint-Jacques a été décriée. D’autant que, pour compenser ce reflux des cours, les bateaux ont été tentés de continuer à donner du chalut.

Indication géographique protégée décrochée par le bulot

A l’inverse, le bulot sort du lot. « En dix ans, son prix est passé de 1,75 à 2,40 euros le kilo », estime M. Manner. Et le bulot n’a pas dit son dernier mot. Il vient de décrocher, en février, une indication géographique protégée dans son fief de Granville. Pas mal, pour un mollusque longtemps utilisé comme simple appât par les terre-neuvas. Cuit, il a conquis les plateaux de fruits de mer, jetant par-dessus bord la praire, trop chère. Victime de son succès, il a failli être enterré dans les sables normands. Allait-on sonner le tocsin pour le buccin ? Plutôt canaliser la pêche industrielle.

« A Granville, on est passé de 12 000 à 6 000 tonnes en vingt ans », dit M. Manner. D’autres zones côtières ont pris le relais pour un total de 13 000 à 14 000 tonnes. Appâtés, les pêcheurs bretons ont lancé leurs casiers. Et, depuis peu, le bulot est aussi boulonnais. Il est également importé de Grande-Bretagne. Il débarque incognito, même pas identifié par les douaniers, simplement classé dans les mollusques et crustacés. Une entrée sur la pointe du pied pour satisfaire les appétits français. Avec de la « mayo », en apéro, on boulotte le bulot…