A la veille de l’acte XX des « gilets jaunes », Emmanuel Macron a passé quant à lui, vendredi 29 mars, à l’acte XII de ses rencontres avec les élus de toutes les régions, comme il s’y était engagé, en recevant à l’Elysée cent cinquante élus des Hauts-de-France. Moins quelques places vides. Non seulement parce que la maire de Lille, Martine Aubry, s’était fait excuser et que les représentants du Rassemblement national et de La France insoumise avaient décidé de boycotter la rencontre, mais aussi parce que le train conduisant une poignée de maires à Paris était stoppé à Hazebrouck à cause d’une panne de motrice, les privant des spécialités du Nord – chicons, volaille de Licques et maroilles – servies au menu.

A la table d’honneur, en face du chef de l’Etat, le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand. Au préalable, les deux hommes s’étaient entretenus en tête à tête. Dans Le Figaro, le matin même, l’ancien ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy avait donné un entretien dans lequel il estimait que « le système de gouvernance français est à bout de souffle » et plaidait pour « une forme de new deal entre l’Etat et les collectivités locales ».

Un « deal » qui semble s’esquisser, en tout cas, en ce qui concerne les propositions avancées par Xavier Bertrand. L’une d’entre elles, notamment, bénéficie d’une écoute bienveillante de l’exécutif puisqu’elle est aussi poussée par plusieurs membres du gouvernement. Il s’agirait de remettre au goût du jour l’idée du conseiller territorial, soit un même élu siégeant à la fois au conseil départemental et au conseil régional. Nicolas Sarkozy en avait fait adopter le principe par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, avant que François Hollande ne la fasse abroger dès son arrivée à l’Elysée, en 2012, sans qu’elle ait eu le temps de s’appliquer.

Dans un entretien accordé au site de La Tribune, vendredi, le ministre chargé des collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, ardent partisan de ce conseiller territorial, tout en reconnaissant que « les nouvelles grandes régions ont nécessairement changé la donne », estimait qu’« il faut l’expertiser ». « On est prêt à y aller dès 2021 », date des prochaines élections des conseils départementaux et des conseils régionaux, répond Xavier Bertrand. Le président des Hauts-de-France assure avoir consulté les présidents des cinq départements de la région (Aisne, Oise, Nord, Pas-de-Calais, Somme). Selon lui, cela permettrait de réduire d’un tiers à 40 % le nombre d’élus, en fonction du mode électoral retenu, et les collectivités y gagneraient en efficacité, notamment grâce à la mutualisation d’un certain nombre de services. « D’une certaine façon, cela conforte le département », ajoute Xavier Bertrand, pour lever les réserves qui peuvent s’exprimer de ce côté-là.

« Ça ne suit pas »

Interrogé récemment à ce sujet, le président de l’Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, avait jugé cette proposition « gadgétesque et ubuesque ». « Une des raisons pour lesquelles j’ai quitté le gouvernement de François Fillon, en novembre 2010, était justement l’instauration du conseiller territorial », rappelait-il. Joint par Le Monde, il tempère son opposition. « A titre personnel, je suis très réservé, mais je ne suis pas sûr d’être majoritaire chez mes collègues présidents de département, explique le président du conseil départemental de Charente-Maritime. S’il y a un projet, je les consulterai officiellement et je me rallierai à la position majoritaire. »

Autre sujet de discussion entre le président de la République et celui des Hauts-de-France, l’évolution, ou plutôt le retard pris dans l’évolution de grands chantiers qui ont reçu un avis favorable de l’Etat, mais pour lesquels les financements tardent à être débloqués, comme le canal Seine-Nord ou le TGV Roissy-Picardie. « Même quand vous donnez votre feu vert, derrière, on voit bien que ça ne suit pas », déplore Xavier Bertrand, interpellant Emmanuel Macron. « Il y a des opérateurs de l’Etat qui considèrent qu’ils ne sont pas liés par les engagements de l’Etat, a reconnu celui-ci. Mais nous allons les tenir. L’Etat sera au rendez-vous. Nous ne pouvons pas nous dédire. »

Si Xavier Bertrand, à l’issue de cette rencontre, se disait satisfait de l’ouverture affichée par le chef de l’Etat à ses propositions, il se voulait toutefois prudent. « Je suis un ancien assureur. Tant que le contrat n’est pas signé et payé, rien n’est fait, glissait-il ainsi dans un sourire. Aujourd’hui, le volontarisme ne suffit plus. Les gens attendent des actes. » C’est bien toute la difficulté, à présent, de la sortie de ce grand débat national.