Humour : Blanche Gardin, une femme puissante
Humour : Blanche Gardin, une femme puissante
Par Sandrine Blanchard
L’humoriste était sur la scène du Zénith à Paris pour un spectacle au profit des mal logés, un monologue d’une liberté jubilatoire.
Décidément, Blanche Gardin est un phénomène. Plantée derrière son micro, sans le moindre décor ni débauche de lumières, cette reine du stand-up a tenu en haleine, dimanche 31 mars, six mille spectateurs au Zenith de Paris à la seule force de son verbe et de son humour existentiel.
C’est la première fois que cette humoriste, qui joue à guichets fermés à travers la France depuis plusieurs mois son spectacle Bonne nuit Blanche, se produisait sur une si grande scène. Elle l’a fait pour la bonne cause : tous les bénéfices de cette soirée unique ont été reversés à la Fondation Abbé Pierre et l’association Les Enfants du Canal pour lutter contre le mal logement. « Tout l’honneur me revient alors que c’est vous qui donnez », a résumé la comédienne après être arrivée par la salle, enveloppée d’un peignoir de boxeuse prête à monter sur le « ring ».
Devant un Zenith bondé, cette femme puissante, élégamment corsetée dans une robe bleue de princesse, sagement coiffée d’un chignon, ne bougera plus mais livrera pendant une heure et demie un monologue d’une liberté jubilatoire. « Je suis une femme blanche, hétéro, âgée de 41 ans, consommatrice d’anxiolytiques : ce n’est pas une identité, c’est un cercueil », explique-t-elle pour justifier avec autodérision qu’elle avait besoin de trouver une cause à défendre. « Qu’est-ce qu’on fera quand il y aura de plus en plus de gens à la rue ? Un parcours santé ? », ironise-t-elle en dénonçant ce « scandale humanitaire ».
Une féministe qui aime les hommes
Fidèle à sa passion de l’écriture et son besoin de ne pas figer son récit, la comédienne a modifié la première partie de son spectacle pour confier son ressenti sur ce qui agite la société française. Elle avoue son « inconstance » sur les gilets jaunes : « je n’ai pas le fantasme de la société civile au pouvoir. Personnellement, je n’ai pas le temps ». Les référendums ? « Pourquoi pas, mais pas tout le temps car il ne faut pas oublier que la majorité des gens sont des cons. Et je me mets dedans ». Quant au grand débat, elle doute de son utilité : « est-ce que l’opinion n’est pas déjà une denrée excédentaire ? » s’interroge-t-elle avec ironie en fustigeant une époque où les réseaux sociaux amènent les internautes à exprimer « sans filtre, leurs premières pensées » en oubliant la différence entre « réaction et réflexion ».
Puis Blanche Gardin, cette féministe qui aime les hommes, reprend ses thèmes de prédilection : les rapports hommes-femmes, la sexualité, le vieillissement du corps, les traumatismes surmontés, la perspective de la mort… Et elle fait mouche à chaque fois, captant la complexité de la nature humaine, plongeant dans l’intime et l’introspection pour livrer des pensées sans fard sur nos drôles d’existences et démontrant que oui, on peut rire de tout pourvu que ce soit habilement écrit.
Elle a parlé d’un trait, sans boire la moindre goutte d’eau, concentrée mais le regard pétillant, visiblement heureuse d’être dans l’arène du Zenith. Mais pas question pour elle de faire une tournée de ces grandes salles, de s’éloigner d’une forme d’intimité que requiert son spectacle.
Après son Molière de l’humour décroché en 2018, Blanche Gardin enchaîne les triomphes. Le 21 mars, son seul en scène, diffusé en direct depuis le théâtre de l’Européen à Paris dans 337 salles de cinéma en France, a été vu par 92 000 spectateurs. Un record. Elle terminera sa tournée fin mai à La Cigale (toutes les dates sont complètes) et ce sera irrévocable. Parce que cette perfectionniste, qui a « honte » de se répéter, a aussi un scénario de film à écrire.