Sept jardins potagers exceptionnels à visiter dès le printemps
Sept jardins potagers exceptionnels à visiter dès le printemps
Par Lucien Jedwab
Un vendredi sur deux, le service Culture du « Monde » propose aux lecteurs de « La Matinale » un choix d’événements ou de lieux à découvrir autour d’un thème.
LA LISTE DE LA MATINALE
Châteaux, abbayes ou domaines ont entretenu de tous temps des jardins vivriers. Et si certains ont pu être négligés, ils sont aujourd’hui l’objet de toute l’attention de leurs propriétaires, publics ou privés. Se promener parmi les plants de légumes et les arbres fruitiers, dans les potagers exceptionnels de Versailles, de La Roche-Guyon ou encore de Prangins, en Suisse, est dépaysant… et peut être instructif.
Arbres en fleurs et cours de jardinage : le Potager du roi, à Versailles
La statue de Jean-Baptiste de La Quintinie vue depuis le Grand Carré, dans le Potager du roi, à Versailles. / L. JEDWAB / « LE MONDE »
Créé par Jean-Baptiste de La Quintinie pour les besoins de la Cour et la satisfaction du palais exigeant de Louis XIV, le Potager du roi, malgré des transformations ultérieures, a gardé la physionomie qu’il avait au XVIIe siècle, y compris la grille royale d’origine. Aujourd’hui, c’est un jardin-école où l’on expérimente de nouvelles pratiques culturales (les traitements chimiques y sont interdits). Ainsi, il arrive qu’on y laisse pousser l’herbe, pour effectuer une fauche tardive régénératrice.
Les hauts murs des cinq vergers protègent toujours du froid les poiriers et pommiers conduits en espalier ou plantés en alignements spectaculaires. La floraison, en mars-avril, des pêchers, pruniers et cerisiers est, elle, un enchantement. Le Grand Carré constitue le potager proprement dit, où l’on produit principalement des légumes. Il est possible de suivre des cours de taille ou de jardinage, qui perpétuent ainsi la transmission de savoirs séculaires. « Cerise sur le gâteau », une partie des fruits et légumes récoltés sont vendus à la boutique-librairie.
Le Potager du roi, 10, rue du Maréchal-Joffre, à Versailles (Yvelines). Horaires et tarifs sur potager-du-roi.fr/ Samedi 4 et dimanche 5 mai, le Potager du roi accueillera « Esprit jardin », un événement botanique et festif qui se déploiera dans l’historique quartier Saint-Louis, au pied de la cathédrale.
Paysage mouvant et poétique : le potager-jardin de l’abbaye de Royaumont
Le potager-jardin de l’abbaye de Royaumont, conçu par les paysagistes Astrid Verspieren et Philippe Simonnet. / L. JEDWAB / « LE MONDE »
Créée par Louis IX au XIIIe siècle, l’abbaye de Royaumont, située dans le nord de l’Ile-de-France, a traversé l’histoire et ses vicissitudes, avant d’être acquise, au début du XXe siècle, par la famille Goüin. Transformée depuis en fondation culturelle, elle accueille spectacles, concerts et colloques. En harmonie avec le bâtiment principal, qui a fait l’objet d’une belle restauration (et abrite aujourd’hui des chambres et un restaurant), les jardins ont été recréés.
Tout d’abord celui du cloître, dès 1912, par Achille Duchêne, puis, plus récemment, un jardin d’inspiration médiévale, près du réfectoire des moines. Le potager-jardin, qui s’étend sur 9 000 m2, est inspiré du jardin en mouvement du paysagiste Gilles Clément. Une partie des plantes s’y ressèment naturellement, dessinant un paysage végétal mouvant, tandis que l’association de légumes et végétaux complémentaires permet de réduire les besoins en eau grâce au paillage. Le résultat mêle productivité et… poésie.
Fondation Royaumont, Asnières-sur-Oise (Val-d’Oise). Horaires et tarifs sur royaumont.com/ Dimanche 5 mai, à 15 heures, visite avec Justine Marin, jardinière en chef : « L’écosystème du potager-jardin » (réservation recommandée).
Pommes à croquer et science-fiction : le potager-fruitier du château de La Roche-Guyon
La tour médiévale du château de La Roche-Guyon, vue depuis le potager-fruitier. / L. JEDWAB / « LE MONDE »
Surmonté d’un donjon médiéval dominant une boucle de la Seine au paysage inchangé, le château de La Roche-Guyon a été agrandi au fil des siècles, juxtaposant bâtiments et styles divers. Ses galeries troglodytes sont célèbres pour avoir été investies par l’état-major du maréchal Rommel avant le Débarquement et pour avoir servi de cadre à une aventure de... Blake et Mortimer, Le Piège diabolique.
Il a été doté au XVIIIe siècle d’un potager remarquable par le duc Alexandre de La Rochefoucauld. Celui-ci s’inspirait des théories, « libérales » pour l’époque, des physiocrates, qui considéraient que l’agriculture était la seule activité réellement productive. Le potager a été restauré en 2004, selon son plan régulier d’origine, mais a fait depuis l’objet d’adaptations à des pratiques culturales respectueuses de l’environnement et de la biodiversité. Les produits chimiques en sont notamment bannis, et on y a planté des végétaux qui enrichissent naturellement le sol. Les pommes et les poires produites sont transformées en jus et en confitures, vendus à la boutique du château.
Château de La Roche-Guyon, 1, rue de l’Audience, à La Roche-Guyon (Val-d’Oise). Horaires et tarifs pour la visite du château sur valdoise-tourisme.com/ (l’accès au potager-fruitier est gratuit). Jusqu’au 30 juin, l’artiste Rachel Lévy présente, à l’intérieur du château, « Fertile », une exposition d’images travaillées des déchets végétaux du potager-fruitier. Les 4 et 5 mai, le château et ses dépendances accueilleront l’édition 2019 de « Plantes, plaisirs, passions », une fête des plantes et du jardin assortie de visites et de conférences botaniques.
Dahlias et salades sous cloche à la mode impressionniste : le potager de la propriété Caillebotte
Le potager de la propriété Caillebotte, dans l’Essonne. / L. JEDWAB / « LE MONDE »
Le potager de la villa du peintre et mécène des impressionnistes Gustave Caillebotte a été immortalisé dans une de ses toiles. On y voit au premier plan un jardinier, pieds nus, un arrosoir dans chaque main, devant un alignement de cloches à salade. Achetée par son père qui s’était enrichi dans le commerce de drap, la propriété Caillebotte, longée par la rivière Yerres, était dotée de tous les équipements agricoles nécessaires à l’autarcie alimentaire (la vigne exceptée !) : une faisanderie, une orangerie, une glacière ou une laiterie – et un potager, bien sûr.
Le potager actuel, dont la surface de 1 700 m2 représente un tiers de la surface d’origine, est entretenu par une équipe d’une vingtaine de jardiniers bénévoles. Ceux-ci s’évertuent à en conserver l’apparence, dans l’esprit de son modèle, en privilégiant les variétés anciennes, les associations bénéfiques et la rotation des cultures. Sans oublier les dahlias, chers au peintre.
Propriété Caillebotte, 8, rue de Concy, à Yerres (Essonne). Horaires et tarifs sur proprietecaillebotte.com/ (l’accès au parc est gratuit). Horaires d’accès au potager (le week-end seulement) sur potagercaillebotte.fr/
Fête des plantes et serres à raisin : le potager historique de Saint-Jean-de-Beauregard
Les serres à raisin du potager de Saint-Jean-de-Beauregard, dans l’Essonne. / L. JEDWAB / « LE MONDE »
Le domaine de Saint-Jean-de-Beauregard, dans l’Essonne, avec son château XVIIe et son pigeonnier entourés d’allées, de bois, de plans d’eau et de parterres, accueille chaque année au printemps, depuis trente-cinq ans, une prestigieuse fête des plantes, rééditée à l’automne.
Son potager historique clos de murs vénérables, avec son bassin central, ses sauts-de-loup, ses topiaires et ses serres à raisin, est certainement l’un des plus beaux de France. La succession de parterres fleuris selon les saisons et de rangées de légumes agencés selon un ordre harmonieux fait de la promenade dans ses allées herbeuses un moment de découvertes et de surprises. Non des moindres curiosités : la chambre de conservation du raisin, qui permettait d’en avoir du frais tout l’hiver.
Château de Saint-Jean-de-Beauregard, rue du Château, à Saint-Jean-de-Beauregard (Essonne). Horaires et tarifs sur chateaudesaintjeandebeauregard.com/ Les 12, 13 et 14 avril aura lieu la 35e fête des plantes de printemps, sous le parrainage de l’« homme aux cheveux verts », inventeur du mur végétal, le botaniste Patrick Blanc.
Choux et cardons enchanteurs : les jardins de Villandry
Vue des jardins et du château de Villandry, en Indre-et-Loire. / L. JEDWAB / « LE MONDE »
Racheté au début du XXe siècle par Joachim Carvallo et Ann Coleman, le parc à l’anglaise du château de Villandry, dans le Val de Loire, a été transformé entre 1908 et 1916, au cours d’un chantier colossal, en un jardin d’agrément et un potager décoratif sans équivalent.
Recréation intégrale au départ, les jardins actuels, inspirés des jardins des simples du Moyen Age et de ceux de la Renaissance italienne, occupent 6 hectares répartis en différentes terrasses qui permettent de varier les points de vue et d’enchanter le regard. Une caractéristique unique de ces jardins est l’utilisation massive de plantes potagères comme les choux, les bettes ou les cardons dans un but décoratif. Le résultat est spectaculaire.
Château de Villandry, 3, rue Principale, à Villandry (Eure-et-Loire). Horaires et tarifs sur chateauvillandry.fr/ Laurent Portuguez, le jardinier en chef, qui supervise l’entretien des jardins – qui ne subissent pas de traitements chimiques –, dispense en ligne, au fil des saisons, ses conseils de jardinage.
Entre les murs, des légumes anciens : le potager du château de Prangins
Vue du potager et du château de Prangins, près de Genève. / L. JEDWAB / « LE MONDE »
Situé au bord du lac Léman, entre Genève et Lausanne, le château de Prangins abrite le Musée national suisse. Il a hébergé Voltaire en 1754 et appartenu à Joseph Bonaparte. Son potager historique, lui, a été aménagé dans les années 1730 sur d’anciens fossés, avant même la finition du château.
Le tracé en croix et la répartition de ses plates-bandes sont inspirés des jardins médiévaux. Ses hauts murs de protection, sur lesquels s’appuient des fruitiers taillés en espalier, ceignent un espace de grande dimension (près de 100 mètres sur plus de 50), protégé des grandes variations de température et des intrusions. Si deux cents variétés anciennes y sont aujourd’hui cultivées, sa physionomie, avec son bassin central, n’a pas changé depuis… trois siècles.
Musée national suisse, 3, avenue du Général-Guiguer, à Prangins. Horaires et tarifs sur nationalmuseum.ch/f/prangins/ (L’accès au potager et au centre d’interprétation, qui présente une passionnante exposition permanente, « Le Jardin dévoilé », est gratuit.)