Une voiture électrique 5000 Kangoo de la société la Poste. / ERIC PIERMONT / AFP

Retourner aux origines permet de mesurer le chemin parcouru par La Poste sur la voie de l’électrification. Si, dès 1901, sa première voiture de distribution biberonnait au courant alternatif, la flotte actuelle est l’héritière des premiers essais réalisés dans les années 1980 et 1990, quand le groupe avait déployé des Citroën Saxo et Berlingo zéro émission, ainsi que des Renault Kangoo qui, à l’époque, étaient transformées par Cleanova, une filiale du groupe Dassault. L’expérience a fait long feu, mais La Poste ne s’est pas découragée pour autant.

Le groupe remet l’ouvrage sur le métier en 2007 avec le lancement d’un appel d’offres européen pour la livraison de 500 véhicules électriques. A l’époque, le potentiel est estimé à 800 unités au total… En 2019, La Poste est à la tête de près de 12 000 véhicules électriques : 2 200 vélos à assistance électrique, 1 200 Staby, des scooters trois roues, 7 280 camionnettes et 1 300 quads. Cette flotte électrique est la plus vaste au monde et devance celle du groupe Deutsche Post DHL, qui s’équipe aujourd’hui massivement.

Pour parvenir à ce stade, il fallut affronter de nombreuses difficultés. D’abord, l’offre était inexistante. En 2010, sous l’impulsion de son président, Jean-Paul Bailly, l’opérateur a pris la tête d’un groupement d’achat pour massifier les volumes et intéresser les constructeurs automobiles. Renault a répondu présent et a remporté le marché. Depuis, la firme au losange a livré 5 000 Kangoo zéro émission de la première génération et 2 200 de la deuxième au groupe postal. Cette technologie représente désormais une camionnette sur cinq au sein de sa flotte. Le mode d’utilisation le justifie également. Les facteurs s’arrêtent et repartent 400 à 450 fois par jour et ne parcourent que 30 à 40 kilomètres en moyenne. L’autonomie des batteries de la première génération de Kangoo permettait déjà de couvrir les besoins. Et avec son rayon d’action de 100 kilomètres, la dernière s’adapte à la plupart des tournées.

Plus économique et plus fiable

Pour intégrer l’électrique, La Poste, comme les autres entreprises, se heurtait à un autre écueil : le prix élevé des batteries et donc des véhicules. « Nous avons décidé de passer à l’action sans attendre, car nos clients avaient une véritable attente sur le sujet, explique Charles Poutiers, directeur technique de la branche courrier et colis. Et plus nous avançons, moins ce point soulève question. »

Le surcoût à l’achat est contrebalancé par un plein d’électricité sans commune mesure avec celui d’un carburant d’origine fossile. D’après l’expérience de La Poste, le véhicule électrique devient plus économique au-delà de 60 à 70 kilomètres par jour.

Le coût d’utilisation de l’électrique reste plus élevé et freine encore les ardeurs de La Poste, qui se dit prête à renforcer ses volumes quand il aura encore baissé.

Autre avantage budgétaire, plus simple, les mécaniques électriques demandent moins d’entretien, et leur fiabilité est supérieure. Le taux d’immobilisation tombe à 0,4 %, soit la moitié de celui des thermiques. Or, véritable plaie budgétaire, l’immobilisation pèse lourd dans la viabilité économique d’une flotte. Cela étant, le coût d’utilisation de l’électrique reste plus élevé et freine encore les ardeurs de La Poste, qui se dit prête à renforcer ses volumes quand il aura encore baissé.

Aujourd’hui, les 300 principaux établissements de La Poste sont équipés de bornes de recharge, et ses autres bâtiments sont en passe de l’être. Comme les véhicules sont branchés toute la nuit, l’opérateur n’a pas eu besoin d’opter pour des bornes rapides au coût prohibitif et se contente de prises industrielles multiconstructeurs, moins onéreuses. Pour optimiser la charge, La Poste a mis en place un système de gestion intelligent qui privilégie les heures creuses et évite les pics de consommation.

A Paris et en région parisienne, La Poste a équipé six de ses établissements de points de ravitaillement. Le groupe aimerait étendre son réseau, mais se heurte à la législation qui interdit le déploiement de bornes de recharge au-delà du premier sous-sol. Des discussions sont en cours avec la Mairie de Paris et les autorités pour surmonter cet obstacle.
Parallèlement à la flotte, La Poste travaille également à l’amélioration de l’efficacité énergétique de ses bâtiments et compense les émissions résiduelles. Le verdissement de son parc de véhicules lui a permis de faire passer ses émissions de CO2 de 171 000 tonnes en 
2012 à 139 000 tonnes en 2017, soit une baisse de 19 % en cinq ans. « Nous avons eu raison avant tout le monde, se félicite Charles Poutiers. Nous sommes prêts à affronter les prochaines évolutions. Avec notre avance, nous disposons d’un avantage concurrentiel décisif. » Avec des législations de plus en plus restrictives, cet avantage ne pourra que se renforcer. Quand les centres-villes seront fermés aux véhicules essence et diesel, La Poste continuera de rouler.