La Toyota Mirai est dotée d’une pile à combustible à hydrogène. / David Dewhurst Photography / Toyota

Pas encore déployé massivement, le véhicule électrique serait-il déjà dépassé ? C’est ce que croient dur comme fer les promoteurs de l’hydrogène, qui tentent d’évangéliser le grand public depuis plusieurs années. Et pour cause, même si les batteries ne cessent de voir leur autonomie s’allonger et leur coût baisser, le temps de recharge reste extrêmement long, ce qui nécessite une multiplication des bornes de recharge. Soit des investissements colossaux.

Alors, pour se passer d’un moteur thermique d’appoint, qui émet et du CO2 et des polluants, quoi de mieux que de recourir à une molécule miracle et utilisée depuis un siècle, qui n’émet rien d’autre que de la vapeur d’eau ? La motorisation donne une autonomie de 450 à 600 km, soit le minimum offert aujourd’hui par les moteurs thermiques. Et, cerise sur le gâteau, le plein s’effectue en cinq minutes chrono à un prix affiché proche, pour l’instant, de celui de l’essence actuelle.

« Aujourd’hui, c’est une solution fiable et son prix ne cesse de décroître à mesure que la flotte se déploie », assure Fabio Ferrari, le patron de Symbio, un des pionniers de l’hydrogène pour véhicules utilitaires en France. La société, qui n’était qu’une start-up il y a encore quelques années, recrute à tour de bras. L’équipementier Faurecia doit boucler à l’automne le rachat de la moitié de la société à Michelin afin d’accélérer la fourniture de piles à combustible abordables aux grands constructeurs.

Une offre encore timide

Avec le réservoir, renforcé pour recevoir l’hydrogène qui reste un gaz extrêmement volatil, la pile à combustible est le cœur du dispositif de la future voiture à hydrogène. Ce dispositif technique transforme l’hydrogène en électricité, qui actionne le moteur électrique, et en eau, rejetée à l’extérieur.

L’essentiel des quelque 10 000 véhicules en circulation dans le monde a été fabriqué par trois constructeurs : Toyota, Hyundai et Honda.

Certains constructeurs testent déjà timidement le marché, à l’image de Mercedes et sa GLC hydrogène ou d’Audi et son futur modèle « h-tron », promis à la vente en 2020. D’autres sont bien plus avancés, comme Toyota, Hyundai ou Honda. L’essentiel des quelque 10 000 véhicules en circulation dans le monde a été fabriqué par ces trois groupes. Renault, et ses Kangoo dotées de piles à combustible, travaille également sur le sujet, tandis que PSA, et sa filiale Opel, s’y prépare.

Pour envisager un avenir à cette technologie, la France a fixé sa stratégie en juin 2018. Le gouvernement a mobilisé une enveloppe de 100 millions d’euros afin de développer la production d’hydrogène vert, issu de l’électricité solaire ou éolienne, car aujourd’hui cette molécule est obtenue en craquant du gaz, ce qui émet énormément de CO2 et coûte très cher. Ce qui explique sa position actuelle très marginale. L’avenir de l’hydrogène est donc étroitement lié à la réussite de son mariage avec les énergies renouvelables.

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Le gouvernement souhaite également soutenir le développement de stations liées à des flottes de véhicules, qu’il s’agisse de bus, de camions, de camionnettes ou de taxis. Mi-avril, le ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy, doit dévoiler la dizaine de projets soutenus sur l’ensemble du territoire par l’Etat. Son objectif : compter une flotte de 5 000 véhicules utilitaires et de 200 véhicules lourds en 2023.

Les stations, condition du déploiement

Pour justifier une station (il n’y en a qu’une vingtaine pour l’instant en France), évaluée entre 1 et 2 millions d’euros, il faut être sûr qu’elle sera utilisée… Comment ? En lui adjoignant une flotte captive. La première justifiant la seconde et vice versa. En Ile-de-France, et bientôt à Bruxelles, Hype déploie ainsi une flotte de taxis à hydrogène autour d’un réseau de stations d’Air Liquide. D’ici la fin 2020, près de 600 devraient être en circulation dans la capitale, contre une centaine aujourd’hui.

Toujours en Ile-de-France, Engie et sa filiale Cofely ont créé une station hydrogène à Rungis pour l’ensemble de sa flotte d’utilitaires. Les mêmes promoteurs préparent un projet à Toulouse. Par ailleurs, Akuo Energy, un producteur d’énergie renouvelable, s’est associé à Atawey, un fabricant de stations hydrogène, afin de déployer 33 stations de recharge en milieu urbain et périurbain à travers la France et d’alimenter 400 véhicules à hydrogène pour JCDecaux ou les Galeries Lafayette. Dans le transport urbain, tous les fabricants de bus se préparent également. En France, la ville de Pau doit inaugurer en septembre son réseau fonctionnant à l’hydrogène.

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Cette première étape est essentielle avant d’imaginer le déploiement de véhicules pour les particuliers. « L’intérêt des flottes, c’est que les véhicules sont utilisés de manière intensive sur un périmètre relativement circonscrit », explique M. Ferrari. Une fois que cela sera en place, les constructeurs pourront accélérer leur production de voitures à hydrogène.

Aujourd’hui, si la production de piles à combustible passe de l’ère artisanale à l’ère l’industrielle, elle reste encore limitée. « Tout le monde est en train de changer de braquet, assure M. Ferrari. Plus les volumes progressent, plus nous arrivons à baisser les coûts de production. Nous pensons pouvoir offrir des véhicules à hydrogène au même prix que les véhicules diesel à partir d’un volume de 30 000 à 40 000 voitures. »

Avec l’effet d’échelle, les prix des piles à combustible et des autres éléments nécessaires à ce type de voiture devraient être divisés par dix… De quoi rêver à une démocratisation au plus tôt dans les années 2025-2030. Reste un long chemin à effectuer, car aujourd’hui, une Mirai, la berline de Toyota, ou la Nexo, un SUV de Hyundai, sont rarement proposées sous la barre des 70 000 euros, quand Mercedes propose sa future GLC à quelque 799 euros de loyer par mois.