LA LISTE DE LA MATINALE

Cette semaine, nous vous proposons de naviguer entre Paris et New York, avec Vernon Subutex, Killing Eve et High Maintenance, trois séries qui nous ont séduits.

« Vernon Subutex » : universel et touchant

Vernon Subutex - Bande annonce
Durée : 01:30

Ex-roi du vinyle, ancien as des platines, Vernon Subutex n’a qu’un seul talent, celui d’allumer le dance floor et de rallumer les gens. Disquaire à Paris dans les années 1990, il fut, le temps d’une décennie bénie, le centre de gravité d’une bande d’amoureux du son, essentiellement celui du rock.

Vingt ans plus tard, le streaming a mis l’industrie du disque au tapis et Vernon rame. Dans le premier des neuf épisodes adaptés par la réalisatrice et scénariste Cathy Verney du best-seller de Virginie Despentes, on le découvre en caleçon et tee-shirt, reluquant une fille devant sa webcam sur son ordinateur, cigarette au bec. Les huissiers frappent à la porte pour lui rappeler une réalité qu’il refuse de voir : pas d’argent, pas d’appartement. Ce Peter Pan un peu ringard entame alors un chemin de croix qui le conduit à faire le tour de son carnet d’adresses pour appeler à l’aide sa vieille bande de potes.

Alex Bleach, ancien chanteur à succès de rock alternatif qui tente un come-back, est le premier sur la liste. Hanté par une vieille douleur, il sniffe un rail de trop le soir de leurs retrouvailles et meurt presque sous les yeux de son ami, après avoir laissé un testament compromettant sur cassette vidéo, dont il fait de Vernon le dépositaire.

Les épisodes suivants, qui ne couvrent que les deux premiers tomes écrits par Despentes, s’articulent autour de l’enjeu que représente ce testament pour la bande du Revolver, l’ancien magasin de Vernon. A la nécessité de trouver un toit s’ajoute alors pour ce dernier celle de savoir pourquoi, ou à cause de qui, Alex est mort.

Le regard de Cathy Verney, qui filme son héros comme un Christ fatigué, est pour beaucoup dans la réussite de cette adaptation. Enrichie d’une bande-son aux petits oignons (qui a le mérite de ne pas jouer la carte, trop facile, de la nostalgie et du clin d’œil), Vernon Subutex est une série touchante en ce qu’elle évoque un besoin universel, celui de ne pas oublier la personne que l’on a été à 25 ans. Audrey Fournier

« Vernon Subutex », réalisé par Cathy Verney (France, 2019), 9 x 35 min environ, avec Romain Duris, Céline Sallette, Laurent Lucas, Xavier Rebbot, Florence Thomassin, Flora Fishbach... Tous les lundis sur Canal+ depuis le 8 avril, disponible en intégralité sur MyCanal.

« High Maintenance » (saison 3) : NY d’aujourd’hui

'I'm Glad We're Still Friends!' Ep. 9 Preview | High Maintenance | Season 3
Durée : 00:46

Le début du neuvième et dernier épisode de la saison 3 de High Maintenance se passe au coin d’une avenue et d’une rue de New York. Un guide passablement excentrique (qui mène la visite en marchant à reculons de façon à rester face aux touristes qu’il balade) explique deux ou trois choses à son petit groupe, quand une dame les « engueule » et les insulte copieusement parce qu’ils bloquent son passage.

On ne peut mieux, en quelques secondes, croquer l’entrechoc permanent de la dureté urbaine de Manhattan et l’esprit par ailleurs bohème et bon enfant de la ville. Cette justesse de ton, de ressenti, est la marque de fabrique de la série High Maintenance, créée sur le Net par Ben Sinclair et Katja Blichfeld, en 2013, puis redéveloppée pour HBO à partir de 2016.

C’est l’une des séries les plus imaginatives du moment, l’une des plus libres d’inspiration, de discours et de réalisation, même si les contes moraux (tantôt déjantés, doux-amers ou burlesques) que constituent les courts épisodes ne sont pas mus par le type de rythme et de courbe dramatique d’ordinaire associés au genre de la série. Mais, franchement, on s’en fiche totalement, tant est grand le bonheur que procurent ces pièces d’un grand puzzle figurant le portrait de la New York d’aujourd’hui. Et il va continuer : HBO a confirmé, le 19 mars, que ce bijou brillerait encore le temps d’une saison 4. Renaud Machart

« High Maintenance », série créée par Ben Sinclair et Katja Blichfeld. Avec Ben Sinclair (Etats-Unis, 2019, 9 × 30 min). www.ocs.fr

« Killing Eve » (saison 2), sur des chapeaux de roue

KILLING EVE Season 2 Trailer (NEW 2019) Sandra Oh Series HD
Durée : 01:13

Rappel de la fin de la saison 1 de cette haletante et drolatique série créée par Phoebe Waller-Bridge : à l’issue d’une joute alitée dans les quartiers parisiens de l’imaginative meurtrière Villanelle – jeune, sadomaso, aussi « gore » que raffinée –, Eve Polastri a enfoncé un poignard dans le ventre de cette dernière. Au lieu d’inspirer à la psychopathe, qui s’en remet et est rapidement sur pied, une revanche définitive, cet acte titille les délices mortifères de sa fascination pour l’enquêtrice. D’autant que l’attention d’Eve ne lui semble plus totalement et exclusivement tournée vers elle…

Sandra Oh, transie autant que résolue, effrayée autant qu’attirée (en Eve Polastri), constitue un formidable duo (le plus souvent à distance) avec Jodie Comer (Villanelle), absolument confondante dans ses capacités de métamorphose. Avec, en sus, la grande comédienne Fiona Shaw (dont le statut semble celui naguère occupé par Judi Dench, entre théâtre de haut vol et cinéma grand public, avec la série de films Harry Potter) dans un rôle de pète-sec à l’humour extra dry, et le jeune Kenny (Sean Delaney), sorte d’hybridation entre Harry Potter, le jeune Q (des derniers James Bond) et Puck (du Songe d’une nuit d’été).

La saison 2 de Killing Eve, dont nous avons vu les quatre premiers épisodes, semble décidément partie sur des chapeaux de roue pour une autre partie de jeu du chat et de la souris – aux rôles en l’occurrence permutables. R. Ma.

« Killing Eve » (saison 2), série créée par Phoebe Waller-Bridge. Avec Sandra Oh, Jodie Comer, Fiona Shaw, Owen McDonnell, Kirby Howell-Baptiste, Sean Delaney, Kim Bodnia (Royaume-Uni, 2019, 8 × 42 min). Canal + à la demande et www.mycanal.fr