« Miguel » : récit cruel d’une adoption forcée
« Miguel » : récit cruel d’une adoption forcée
Par Renaud Machart
En six épisodes d’une dureté étonnante, la minisérie suit le cheminement difficile d’un jeune homosexuel israélien vers la paternité.
Certains ont cru bon de résumer le propos de la série israélienne Miguel en ces termes : « Comment peut-on être le père d’un enfant qui refuse d’être votre fils ? » Mais c’est de l’inverse qu’il s’agit : cette exceptionnelle minisérie, entièrement sise au Guatemala, narre le déni paternel que va faire un jeune adoptant homosexuel israélien à propos d’un enfant qui, en effet, se refuse au père qu’on lui impose.
Le sujet est délicat. Pourtant, en racontant sa propre histoire, Tom Salama, cocréateur avec Daphna Levin de Miguel, le traite avec une brutalité et une lucidité courageuses. Car d’aucuns pourraient juger qu’il offre des cadeaux inespérés aux ultras, adeptes de l’antienne « un-papa-et-une-maman », qui y verront un argument contre l’adoption par des personnes célibataires homosexuelles.
D’ailleurs, quand il débarque dans le village où Miguel, 5 ans, l’attend dans un orphelinat, Tom est accompagné de sa grande amie Amira, qui se fait passer pour son épouse. Mais l’enfant, qui s’est attaché à une nounou aimante, repousse avec violence les cadeaux qu’on lui fait et l’avenir qu’on lui promet dans une langue qu’il ne comprend pas.
Rare violence psychologique
Tom va bientôt sentir naître en lui une détestation de l’enfant, qui, de surcroît, est victime d’une malformation des orteils qui n’avait pas été signalée. Dans une scène d’une rare violence psychologique, Tom accuse un représentant officiel, lui-même handicapé, de lui avoir fourni « un infirme » ; à quoi il lui est rétorqué qu’adopter un enfant n’est pas choisir un article dans un magasin de jouets.
Les deux acteurs principaux – le « couple » formé par Tom et Amira – parviennent, avec un minimum d’aide prothétique, à jouer leurs personnages jeunes et seize ans plus tard, au fil d’une double temporalité narrative. Ran Danker réussit avec talent à composer un rôle presque constamment détestable et agressif, tandis qu’Aviv Karmi incarne très joliment, mais sans mièvrerie, son contrepoint aimable et pacificateur.
On aura été frappé par l’expressivité butée de l’interprète de Miguel adulte (Omer Ben David) mais aussi par de petits rôles qui savent occuper l’espace et l’attention du spectateur. Ainsi, cette juge qui, après un examen méticuleux de la situation, dit de manière glaciale et dépassionnée au jeune garçon ce qui va lui arriver s’il ne coopère pas.
Quête des origines
Il y a aussi cette très belle scène qui commence sur le marché de la place du village guatémaltèque et qui, alors qu’une gigantesque bourrasque chasse marchands et badauds, se poursuit à l’intérieur de l’église. L’espace sanctuarisé incite deux personnages centraux à confesser l’un à l’autre les faux-semblants de leur relation.
Et puis, au moment où les deux lignes temporelles du récit se rejoignent, à la fin du sixième et dernier épisode, la quête des origines que poursuit obsessionnellement Miguel va achopper sur une terrible et choquante révélation, que son père adoptif avait toujours tenté de masquer pour des raisons qui deviennent soudainement limpides.
On n’en dira évidemment pas davantage sur cette fin stupéfiante qu’on avouera n’avoir pas du tout vue venir. Elle conclut sur une note très amère et bouleversante une minisérie (récompensée au festival CanneSéries en 2018) qui, décidément, ne fait pas de cadeau au traitement d’un sujet sensible et aujourd’hui encore controversé.
miguel serie
Durée : 00:50
Miguel, série créée par Tom Salama et Daphna Levin. Avec Ran Danker, Aviv Karmi, Omer Ben David et Miguelito Sojuel (Isr., 2018, 6 x 29-41 min). www.mycanal.fr