Les collectivités locales rivalisent de générosité après l’incendie de Notre-Dame
Les collectivités locales rivalisent de générosité après l’incendie de Notre-Dame
Par Patrick Roger
Des critiques se font entendre sur ces dons qui auraient pu servir au patrimoine local. Certains soupçonnent les élus de ne pas être dénuée d’arrière-pensées électoralistes.
A Paris, le 18 avril. / BERTRAND GUAY / AFP
Depuis que Notre-Dame de Paris a été ravagée par les flammes, lundi 15 avril, un exceptionnel élan de solidarité se manifeste en France et de par le monde. Les collectivités territoriales ne sont pas en reste. Nombre d’entre elles ont d’ores et déjà annoncé leur intention de faire adopter par leurs conseils des aides exceptionnelles pour la reconstruction de la cathédrale. Le gouvernement, de son côté, s’est engagé à faciliter ces démarches.
Ainsi, le conseil des ministres du 17 avril a confirmé que les dons qu’effectueraient les collectivités seraient comptabilisés en dépenses d’investissement et non de fonctionnement. Elles n’entreront donc pas dans le périmètre des dépenses soumises à une contrainte de modération.
Par ailleurs, le ministre de la culture, Franck Riester, a indiqué au président de l’Assemblée des départements de France (ADF), Dominique Bussereau, qu’un fonds de concours destiné aux collectivités allait être mis en place, ce qui leur permettra de transférer directement les aides sans passer par une fondation. Un dispositif déjà utilisé, notamment, après le passage de l’ouragan Irma qui avait dévasté l’île de Saint-Martin, aux Antilles.
Régions, départements, communes, des plus grandes aux plus petites, les collectivités ont immédiatement réagi et l’ont fait savoir. La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, a annoncé qu’une aide d’urgence de 10 millions d’euros allait être débloquée. « La région s’engage dans la reconstruction de Notre-Dame, cœur blessé mais toujours battant de l’Ile-de-France », a-t-elle indiqué sur son compte Twitter. Celui d’Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, s’est engagé à hauteur de 2 millions. « Notre-Dame de Paris, c’est la France. Les collectivités doivent aider à sa reconstruction », estime le président de la région.
En Occitanie, Carole Delga devait proposer à la commission permanente réunie vendredi une aide exceptionnelle de 1,5 million d’euros. D’autres régions encore ont annoncé le versement de dons, comme les Hauts-de-France, la Bretagne, le Centre-Val de Loire, jusqu’à La Réunion.
Une aide exceptionnelle
Dans un communiqué, l’ADF a également précisé que les départements solidaires se mobiliseraient pour la reconstruction. « D’ores et déjà, plus de vingt départements ont annoncé leur mobilisation et se sont engagés à adopter une aide exceptionnelle », signale l’association. « Une aide d’urgence d’au moins un million d’euros sera proposée au vote des conseillers départementaux », font ainsi savoir le président du département des Alpes-Maritimes, Charles Ange Ginesy, et son président de la commission des finances, Eric Ciotti.
L’Association des maires de France a lancé un appel à toutes les communes de France pour s’associer à la restauration de la cathédrale. Tout comme l’Association des petites villes de France ou le Réseau des villes-cathédrales de France.
Le maire de Toulouse et président de France urbaine, Jean-Luc Moudenc, va proposer à son conseil municipal une aide de 500 000 euros. Le président de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains, et maire de Dijon, François Rebsamen, a tenu lui aussi à faire savoir que les élus socialistes devraient proposer que chaque collectivité fasse voter une aide exceptionnelle.
« Gardez vos sous ! »
Un empressement, un élan de solidarité qui expriment l’émotion partagée mais qui soulèvent aussi quelques interrogations, voire des grincements de dents. En témoignent les réactions d’administrés recueillies sur les sites de la presse régionale. Certains soupçonnent les élus de surfer sur l’émotion, et leur générosité, avec l’« argent des contribuables », de ne pas être dénuée d’arrière-pensées électoralistes.
D’autres s’étonnent de la facilité à débloquer des fonds aussi rapidement alors que les mêmes collectivités ne cessent de faire entendre leurs récriminations sur les contraintes budgétaires qu’elles subissent. Nombreux aussi sont ceux qui se demandent si ces fonds n’auraient pu être employés à satisfaire des besoins locaux.
Dans un entretien à La Dépêche du 17 avril, l’historien spécialiste des religions Odon Vallet lance un appel qui détonne dans ce concert ambiant. « Ce qui est promis à Notre-Dame pourrait venir à manquer pour d’autres causes, estime-t-il. Je dirais aux collectivités territoriales, communes, départements, régions : “Gardez vos sous !” Parce que l’état de certaines églises propriétés des communes est parfois désastreux. » Cela ne devrait cependant pas tarir le flot de générosité qui s’est manifesté de la part des collectivités territoriales.