En France, un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents, selon un rapport élaboré par les inspections générales des affaires sociales (IGAS), de la justice (IGJ) et de l’éducation (IGAENR). Cette étude, remise jeudi 25 avril au gouvernement, formule plusieurs recommandations pour lutter contre ces meurtres d’enfants par leurs parents ou leurs proches.

Mieux repérer les signaux d’alerte, renforcer la formation des professionnels, éviter la déperdition des informations sont autant de propositions évoquées dans le rapport. « Dans bon nombre de situations, la maltraitance ou son risque aurait pu être détectée si l’on avait rapproché plusieurs signaux d’alerte visibles pour en faire la synthèse », observent les auteurs de ce rapport.

72 victimes par an

En se penchant d’une part sur les 363 meurtres d’enfants commis « en milieu intrafamilial » entre 2012 et 2016, et d’autre part sur 45 dossiers judiciaires précis, les auteurs soulignent « l’impérative nécessité de mieux organiser l’échange des informations au sein de chaque service médico-social, de l’éducation nationale, de la police ou de la justice et entre ces services ».

« Les morts d’enfants au sein de leur famille ne diminuent pas ces dernières années », déplorent les rapporteurs, avec en moyenne 72 victimes par an, soit « un peu moins de 10 % » du nombre total d’homicides en France. Le rapport suggère de mettre en place dans chaque département une commission d’experts qui serait chargée d’examiner a posteriori les cas de décès, afin d’analyser « ce qu’il s’est passé, ce qui aurait pu être fait différemment et comment les situations similaires peuvent être identifiées et prévenues ».

Le rôle des enseignants

Il propose également de mettre en place, dans les hôpitaux et cabinets médicaux, « des protocoles décrivant précisément les démarches à suivre en cas de suspicion de maltraitance pour effectuer un signalement ». Dans l’éducation nationale, il faudrait réfléchir à de nouvelles « modalités d’archivage et de transmission des informations préoccupantes » d’une école à l’autre, pour éviter par exemple qu’un enfant dont la situation aurait été repérée par un enseignant à l’école primaire ne fasse plus l’objet d’une quelconque vigilance une fois entré au collège.

Les auteurs observent par ailleurs que certains enseignants peuvent être réticents à faire un signalement, car « leur souci est de ne pas s’exposer et de maintenir leurs liens avec les parents ». Une solution pourrait être de confier aux inspecteurs de l’éducation nationale la responsabilité de signer le document par lequel un cas suspect de maltraitance est signalé aux services sociaux.

Des progrès sont également possibles au niveau judiciaire. Les auteurs s’étonnent ainsi que les juges aux affaires familiales – chargés, entre autres, de régler les modalités d’une séparation – et les juges des enfants – chargés de protéger les mineurs – n’échangent pas systématiquement leurs informations concernant une même famille.

Le défenseur des droits s’inquiète des « violences » subies par les enfants de moins de sept ans

Un homme donnant la fessée à son enfant. / Philippe Turpin / Photononstop / Philippe Turpin / Photononstop

Demander aux pouvoirs publics d’interdire la fessée, s’interroger sur les effets des écrans ou du placement en rétention : le défenseur des droits appelle, lundi 19 novembre, à mieux garantir les droits des plus petits avec vingt-six recommandations. Dans son rapport annuel consacré aux droits de l’enfant, réalisé avec son adjointe Geneviève Avenard, défenseure des enfants, Jacques Toubon s’intéresse aux 5,2 millions d’enfants âgés de moins de sept ans, estimant qu’il est nécessaire de se mobiliser pour la petite enfance, « en tout premier lieu, dans la protection contre toute forme de violence ».

« Il faut voter une disposition qui dit que la fessée, la correction, la gifle, c’est une violence et que c’est interdit, comme toutes les formes de violence », a plaidé M. Toubon lors de la présentation de ce rapport qui sera remis mardi à Emmanuel Macron. Il a apporté son soutien à la proposition de loi contre les « violences éducatives ordinaires », portée par la députée MoDem Maud Petit, qui sera examinée dans les prochains jours à l’Assemblée.

Le défenseur des droits, qui s’est dit régulièrement saisi de situations de bambins en centres de rétention, a réitéré sa recommandation de « proscrire dans toutes circonstances » le placement de familles. « L’enfermement, même pour une brève période, entraîne chez eux des troubles anxieux, du sommeil, du langage et du développement, de l’alimentation… Ces effets dramatiques sont souvent ignorés par les préfectures », a-t-il pointé. En 2017, selon l’institution, quelque 275 mineurs ont été placés en rétention en métropole avec leurs parents.

Pour Geneviève Avenard, « les écrans et leur impact sur les enfants sont un sujet d’inquiétudes à partir de 6-7 ans. Avant, on considère que c’est pédagogique, ludique, et les parents ne se rendent pas compte du danger» L’institution demande au gouvernement de « diligenter des recherches pour mieux appréhender les risques » et de faire prévaloir « le strict principe de précaution en interdisant les écrans aux enfants de moins de trois ans dans les lieux les accueillant », ou alors de « façon très limitée et dans une approche pédagogique ».