A Cannes, la 51e Quinzaine des réalisateurs n’hésite pas à « sortir des clous »
A Cannes, la 51e Quinzaine des réalisateurs n’hésite pas à « sortir des clous »
Par Jacques Mandelbaum
Avec un nouveau délégué général à sa tête, Paolo Moretti, la sélection parallèle a présenté sa programmation de 26 longs-métrages, projetés du 15 au 25 mai.
Coup de neuf à la Quinzaine des réalisateurs, principale sélection parallèle du Festival de Cannes, où Edouard Waintrop, après sept éditions consécutives, vient de passer la main à l’Italien Paolo Moretti au poste de délégué général. Un ex-journaliste et critique de cinéma cède donc la place à un jeune cadre de l’institution cinéphilique européenne –programmateur aux Festivals de Venise, de Rome, de Marseille (FID), de La Roche-sur-Yon, mais aussi aux cinémathèques de Madrid et de Lisbonne – qui y a entièrement renouvelé le comité de sélection. Fruit de ses premiers débats, la programmation de cette 51e édition de la Quinzaine a été rendue publique, mardi 23 avril, à 11 heures.
A première vue, et pour autant qu’une liste de réalisateurs/réalisatrices et de synopsis puisse vraiment augurer quelque chose, cet ensemble de vingt-six longs-métrages semble fidèle aux annonces de bon augure qui l’avaient précédé, telles l’invitation sur la Croisette, pour un hommage exceptionnel, du réalisateur américain John Carpenter (Halloween, New York 1997…), ou l’ouverture de la sélection avec Le Daim, nouveau film du pataphysique Quentin Dupieux – alias Mr. Oizo pour les amateurs de musique électronique – avec Jean Dujardin et Adèle Haenel.
Une certaine excentricité
Dupieux fait en l’occurrence partie d’une sélection française particulièrement étoffée, comprenant Rebecca Zlotowski (Une fille facile), Bertrand Bonello (Zombi Child), Nicolas Pariser (Alice et le maire), Benoît Forgeard (Yves), Erwan Le Duc (Perdrix) ainsi que le documentariste Lech Kowalski (On va tout péter). L’hypothèse d’une certaine excentricité, telle que le standing de la Sélection officielle cannoise ne l’autoriserait pas, plane sur l’ensemble, plus ou moins fortement selon les titres. Soit un type amoureux de son blouson (Le Daim), un réfrigérateur qui se lie d’amitié avec un rappeur (Yves), un polar au nom de volatile (Perdrix), une histoire de vaudou haïtien (Zombi Child), la rencontre d’un maire lessivé et d’une jeune philosophe (Alice et le maire), l’ascension comme actrice d’une jeune femme qui fut au centre d’une affaire de mœurs footballistique (Zahia Dehar dans Une fille facile) ou encore le filmage d’un concert prolétarien retentissant (joué par les ouvriers chez l’équipementier automobile menacé de fermeture d’On va tout péter), lequel a valu une nuit de prison à son auteur pour avoir refusé de poser sa caméra devant les gendarmes.
Les films français ne seront apparemment pas les seuls à sortir des clous. Voyez Give Me Liberty, de Kirill Mikhanovsky (Etats-Unis), comédie ambulante d’un jeune ambulancier malchanceux au picaresque annoncé. Voyez First Love, thriller réputé frénétique à la mode de Takashi Miike (Japon). Voyez To Live to Sing, de Johnny Ma (Chine), où le film de fantôme semble croiser le film social. Voyez Les chiens ne portent pas de pantalons, de Jukka-Pekka Valkeapää (Finlande), qui nous fait rêver d’Aki Kaurismäki avec cette histoire de veuf retapé par une dominatrice. Voyez Por el dinero, d’Alejo Moguillansky (Argentine), essai sur l’art et l’argent venu de la même coopérative de production que le démentiel La Flor, de Mariano Llinas, actuellement sur vos écrans, ce qui promet bien des surprises. Voyez enfin Red 11, du comparse de Quentin Tarantino, Robert Rodriguez, qui présentera, à l’issue de sa « master class », son nouveau film, une variation autobiographico-fantastique sur les essais pharmaceutiques.
Tout ceci sans parler du fait que Lav Diaz – qui pourrait postuler au titre de Homère philippin – y présentera une œuvre dont on ne sait pas le premier mot, si ce n’est que The Halt risque, comme d’ordinaire, de durer bien au-delà de ce que les canons industriels et la mesure moyenne de patience du spectateur recommandent. Après une Sélection officielle attirante comme jamais, cette Quinzaine des réalisateurs semble donc à son tour se recommander à notre intérêt. Il restera à vérifier sur place si ce cru 2019, possiblement exceptionnel, tient ou non ses promesses.
Sur le Web : www.quinzaine-realisateurs.com/edition/2019