« Game of Thrones », saison 8, épisode 3 : un épisode déjà culte
« Game of Thrones », saison 8, épisode 3 : un épisode déjà culte
Par William Audureau
Le troisième épisode de la saison 8, homérique affrontement contre les ambassadeurs de l’Hiver, est enfin celui que la série promettait depuis ses débuts.
Avertissement : cet article contient plus de spoilers qu’il n’y a de Marcheurs blancs dans l’armée des morts du Roi de la nuit. (Donc vraiment beaucoup.)
Emilia Clarke Daenerys Targaryen) et Kit Harington (Jon Snow)dans leur nouvel habitat naturel, le noir complet. / HELEN SLOAN / AP
Au bout d’un chemin enneigé qu’improvisaient ses pas, Mélisandre s’est effondrée, nue, la peau flétrie de sa vieillesse retrouvée, et c’était beau. La sorcière immortelle passait enfin à trépas, et aucun autre symbole ne pouvait être plus fort pour résumer le final dantesque de « La Longue Nuit », l’épisode 3 de l’ultime saison de Game of Thrones, diffusée lundi 29 avril par OCS. Le Roi de la nuit venait de mourir, les morts-vivants cessaient de revivre, et le cœur léger, les aspirants défunts pouvaient enfin pousser leur dernier soupir.
C’est peu dire que cette bataille était attendue. Cela faisait depuis le 17 avril 2011 et son tout premier épisode que la série phare de la chaîne américaine HBO prévenait : Winter is coming. « L’Hiver arrive », et l’œuvre adaptée des romans de George R. R. Martin en avait fait un slogan, au sens le plus étymologique du terme, celui du gaélique sluagh ghairm : le cri de guerre d’une meute ancestrale.
Cet hiver-là, givre millénaire apocalyptique, amènerait avec lui le râle destructeur de l’armée des Marcheurs blancs, légion d’humains arrachés à leur mort par le Roi de la nuit, et il allait y avoir des dégâts. Dont acte.
« Noir, c’est noir…
Les 78 minutes de cette bataille homérique ne furent que bruit et chaos, vacarme et multitude, grognements et amas de corps. On y vit des zombies s’empalant par centaines, des chevaliers rivaux repoussants les hordes de ressuscités, debout sur les charniers de leurs pairs, à peine interrompus par le ballet tourbillonnant de dragons frayant le ciel de leurs flammes.
Certains sur les réseaux sociaux ont pu se plaindre que les scènes de batailles soient mal filmées. Fidèles à la ligne de la série, elles ont surtout suivi les affrontements à hauteur d’homme, dans la mêlée, montrant des visages humains creusés, tétanisés, submergés face à cette masse adverse informe et inépuisable, roulant sur le château de Winterfell comme une coulée de boue faite d’os et de chair putréfiée.
« La Longue Nuit » est indubitablement un épisode sombre. Il l’est au sens figuré comme au sens le plus propre. Tout entier nocturne, tourné en majeure partie à l’éclairage naturel, dans une obscurité d’ébène que seules trahissent parfois quelques flammes, il propose une photographie souvent ingrate, aride, qu’une mauvaise compression vidéo ne fait qu’aggraver. Paradoxe d’un moment de bravoure télévisuel qui nous aura le plus souvent donné l’impression d’écouter une série l’écran éteint.
Paradoxalement, le Roi de la nuit est celui que l’on aura le mieux vu, alors qu’il aurait le moins fallu. Le maître des Marcheurs blancs est semblable à ces monstres de science-fiction, qui perdent de leur effet à mesure que leur présence s’éternise à l’écran. Entr’aperçu il y a plusieurs saisons, présenté comme l’incarnation funeste et tétanisante de l’Hiver, il traîne dans cet épisode une démarche quelconque, un visage inexpressif, qui lui font parfois un air de Darth Maul dans Star Wars I, mais version Mr. Freeze – pour la consistance, il a d’ailleurs manifestement hérité davantage du second que du premier.
Cette fusion entre Arnold Schwarzenegger dans Terminator 2 et Bowser dans Super Mario 64 n’était pas une si bonne idée que ça. / Capture d'écran
… il n’y a plus d’espoir »
D’une manière générale, les showrunners ont systématiquement privilégié le rythme et la tension à la cohérence. Cela vaut au scénario quelques facilités, comme l’improbable détour de Jon Snow et Daenerys Targaryen, dont on comprend assez vite que leurs dragons leur donnent un avantage décisif contre les Marcheurs blancs, et qui se retrouvent soudain perdus dans un blizzard sorti de nulle part, pour les beaux yeux du suspense.
A l’inverse, pour compte de face à face plein de panache, un Jon Snow désarmé s’offre dans le final un duel d’haleines plein d’absurdité face au dragon zombie cracheur de flammes bleues. Mais, heureusement, les choses s’arrêtent là.
Après une mise en place très lente, et des revues de visage parfois un peu poussive, « La Longue Nuit » parvient en effet à bâtir une montée dramatique impeccablement maîtrisée, tout en sac et ressac des vagues d’espoir, des vagues d’ennemis, jusqu’à l’issue fatale – du moins croit-on – et au dénouement sec, inespéré, cathartique, de cette Arya bondissant de nulle part, clouant in extremis Mr. Freeze au nombril.
Si l’armée des Marcheurs blancs était l’équipe d’Italie de football, la jeune Stark serait Sylvain Wiltord à l’Euro 2000. D’ailleurs, au moment de porter son estoc, on vit exulter des dizaines de téléspectateurs en direct dans un bar.
Brazilian crowd reaction Arya scene - Game of Thrones S8E3
Durée : 00:45
Si cette scène finale fut aussi unique, au-delà de la tension irrespirable imposée dès le début, c’est aussi grâce à ce qui devrait être reconnu comme le personnage principal de l’épisode : la grandiloquence maîtrisée de la bande-son, et le thème final signé Ramin Djawadi.
Les cinq dernières minutes ne furent que ça : une mélodie languissante, entêtante, dialogue cruel entre quelques notes de piano se relevant fébrilement avec espoir, et ces cuivres l’écartant du revers de la main, le tout sur un faux air de Lux Aeternia, le thème culte de Requiem for a Dream.
Game of Thrones S8 - The Night King - Ramin Djawadi (Official Video)
Durée : 08:51
Rallumer le feu
Enfin, « La Longue Nuit » contient plusieurs des scènes les plus fortes et touchantes de la série – sans doute aussi parce que celles-ci résument et concluent plusieurs saisons de lentes évolutions.
Il y a bien sûr la beauté sacrificielle du combat du chevalier Jorah Mormont, amoureux éconduit de la Mère des dragons, Daenerys, s’opposant de son corps troué de coups d’épée pour protéger celle qui l’a si souvent rejeté, avec toute l’abnégation de Seiya le chevalier de Pégase, protégeant la princesse Athéna alors qu’enfant, elle n’en avait que pour ses poneys.
Il y a aussi cette scène fugace, ni tout à fait amoureuse, ni tout à fait indifférente, durant laquelle Sansa, reine du Nord meurtrie par les deuils et les viols, confesse sa sympathie à Tyron, rejeton spirituel et alcoolique à qui elle fut mariée de force, et qui fut le seul à la respecter. Le dernier, aussi, à lui tenir la main.
Theon Greyjoy, tour à tour fils adoptif, traître, prisonnier, castrat, larbin, trouve sa rédemption finale dans un assaut téméraire contre le roi de la nuit, la mort elle-même – il restera comme le seul à l’avoir attaquée de face.
Et puis, enfin, cette ultime scène, à l’issue de laquelle Melisandre, sorcière aguicheuse, manipulatrice et insondable, plutôt mal-aimée des fans, trouve enfin le repos qui se refusait à elle dans un inespéré trépas, qui est autant la défaite de la mort que sa sortie réussie à elle.
On a tous en nous
L’épisode « La Longue nuit » consacre trois vérités de Game of Thrones. D’abord, que contrairement à ce qu’elle a parfois laissé pu croire, alimentant perfidement les mauvaises langues, les producteurs de la série savent où ils la mènent – ou alors ce sont des génies de l’acrobranche. On pense à ce dialogue de la saison 3 entre Melisandre et Arya, qui annonce rétrospectivement le dénouement de la bataille.
La seconde vérité, de plus en plus assumée par les producteurs à mesure que leurs acteurs grandissaient, et que leur script s’éloignait de celui des romans, c’est que les personnages les plus jeunes sont ceux qui ont acquis le plus d’importance. D’un côté, Arya, l’orpheline devenue vengeresse agile et intrépide, modèle effronté de jeune femme qui ne s’en laisse pas compter ; et Bran, paralytique transformé en oracle impassible, surhomme de pardon, de calme et de prescience, joués par Maisie Williams et Isaac Hempstead-Wright, respectivement 14 et 12 ans lorsque la série a débuté.
La troisième vérité, c’est que même après ce qui aurait pu être un final – mais n’en est pas encore tout à fait un – le sang continuera à couler. Il reste en effet encore trois épisodes, et beaucoup de prétendants espérant marcher jusqu’au Trône de Fer et régner sur les sept royaumes. A part, et ce n’est pas la moindre des nouvelles, la Mort elle-même.
« Game of Thrones » : le résumé de la série saison par saison
Durée : 13:21