Sur la Croisette, un premier bilan pour la plate-forme « 50/50 en 2020 »
Sur la Croisette, un premier bilan pour la plate-forme « 50/50 en 2020 »
Par Clarisse Fabre
En mai 2018, Cannes avait été le premier festival à signer la charte pour la parité hommes-femmes.
La nuit a avalé les tentes blanches du Festival et une étrange soirée diffuse sa pop féministe, dans le ciel étoilé de la Croisette : vendredi 17 mai, à Cannes, c’était la fête de la plate-forme « 50/50 en 2020 », laquelle venait clôturer une journée consacrée à la place des femmes dans le cinéma. « Je n’ai pas vraiment le sexe d’un garçon / Mais ce qu’il faut, pour me faire entendre », soufflait au micro la chanteuse Cléa Vincent, accompagnée du musicien Raphaël Léger. Arborant un blouson « Feminist » ou une minirobe à paillettes, tout le monde tendait l’oreille pour saisir le texte qui fait rimer les femmes « mises de côté » et « pas écoutées ».
Il y a un an, à Cannes, après l’affaire Weinstein et l’émergence du mouvement #metoo, des professionnel(le)s du cinéma créaient la plate-forme « 50/50 en 2020 », en vue d’atteindre la parité dans ce secteur particulièrement masculin et inégalitaire – entre autres, les femmes disposent de budgets moins élevés que les hommes pour réaliser leurs films, et sont aussi moins bien rémunérées. La réalisatrice Céline Sciamma figurait parmi les premières signataires – elle concourt cette année pour la Palme d’or avec son film Portrait de la jeune fille en feu, qui sera présenté le 19 mai.
A l’initiative de la plate-forme féministe, le Festival de Cannes a été le tout premier à signer, en mai 2018, une charte visant à atteindre la parité dans les instances dirigeantes, et à garantir la transparence dans les comités de sélections. Lors de la fête sponsorisée par un glacier, où trônent des sculptures d’esquimaux, la vendeuse internationale de films Delphyne Besse (Urban Distribution International), cofondatrice de « 50/50 en 2020 » dresse un premier bilan. « La charte signée en mai 2018 a été paraphée par près d’une cinquantaine de festivals, mais essentiellement en Europe du Nord et en Amérique du Nord. Ailleurs, et tout particulièrement en Asie (Corée, Japon, Chine…), il n’est pas imaginable qu’un tel texte soit adopté », explique-t-elle. « Par ailleurs, en septembre 2018, nous avons proposé la création d’un bonus pour la production d’un film, dès lors que son équipe technique est paritaire. L’ancienne ministre de la culture Françoise Nyssen avait repris l’idée et le bonus est entré en vigueur en janvier 2019 », ajoute-t-elle.
Le bonus commencerait à produire son effet : « Depuis le début de l’année, 30 % des films ont été réalisés par des femmes, et 25 % par des équipes paritaires ou majoritairement féminines », a déclaré Frédérique Bredin, la présidente du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), dans un communiqué, vendredi 17 mai. Depuis le début de l’année, 11 films sur les 42 agréés par le CNC (25 %) ont bénéficié de ce bonus.
Quatre femmes en compétition officielle
Le 12 mai 2018, 82 femmes avaient monté les marches du Palais des festivals, du nombre de réalisatrices sélectionnées en compétition officielle depuis la création du Festival en 1946, contre 1 688 hommes. Sur les 72 éditions, une seule femme a obtenu la Palme d’or, Jane Campion en 1993 pour La Leçon de piano. Cette année, le nombre de femmes en compétition officielle a légèrement frémi, passant à quatre sur un total de vingt et un réalisateurs (trois en 2018, zéro en 2012). La section Un certain regard est nettement plus mixte, avec 42 % de réalisatrices.
Samedi 18 et dimanche 19 mai, ce sera au tour de l’instance Media de l’Union européenne, et de sa responsable Lucia Recalde, de dévoiler à Cannes son dispositif « Women on the Move ». Est annoncée, entre autres, une étude sur la situation des femmes critiques de cinéma. Tout le monde le dit : la marche vers l’égalité se fera avec les hommes et certains d’entre eux sont déjà investis. On trouve quelques réalisateurs connus en parcourant la liste des membres de « 50/50 en 2020 », tel Robin Campillo ou Laurent Cantet. Et le producteur Harold Valentin fait partie de son conseil d’administration.