Scission à l’UNEF : l’aile gauche quitte le syndicat étudiant
Scission à l’UNEF : l’aile gauche quitte le syndicat étudiant
Par Camille Stromboni
La branche TUAS, proche des communistes, a annoncé son départ de l’organisation, vendredi 17 mai.
Nouveau coup dur pour l’UNEF. Le syndicat étudiant proche de la gauche voit une partie de ses membres claquer la porte. Dans une lettre datée de vendredi 17 mai, 86 représentants du syndicat, issus principalement de la TUAS (Tendance unité et action syndicale), identifiée comme l’aile gauche du syndicat, proche des communistes, annoncent leur décision de quitter l’organisation pour fonder un autre syndicat. Une « nouvelle organisation nationale », écrivent-ils dans ce courrier, « qui soit un véritable outil de solidarité et de lutte pour les étudiant-e-s, permettant de réellement construire un rapport de force national pour gagner des droits ».
Le départ est de taille : dans une UNEF divisée en tendances, la TUAS représente, d’après les chiffres du dernier congrès d’avril 2017, 21 % des voix des délégués (25 % des votes exprimés par les militants), soit la deuxième force du syndicat. La tendance majoritaire – à la direction du syndicat – réunit 70 % des voix (deux autres groupes portant des lignes proches du NPA et des réformistes pèsent respectivement 2 % et 7 % des voix).
« Choix historique »
Difficile de ne pas voir dans cette initiative le signe d’un clivage ancien, remarque Robi Morder, président du groupe d’études et de recherche sur les mouvements étudiants. « Il faut attendre de voir l’ampleur de la rupture, s’il s’agit bien de l’ensemble de la tendance, ou une partie seulement, qui quitte le syndicat, prévient-il. Mais ce serait un coup porté à la réunification historique du syndicat, intervenue en 2001. » L’UNEF-SE, proche des communistes, s’était alors alliée à l’UNEF-ID pour fusionner dans cette nouvelle UNEF.
Selon les auteurs de la scission, l’UNEF est « sclérosée et divisée par son système en tendances », dans un « état de paralysie et de verrouillage bureaucratique ». « Nous faisons aujourd’hui ce choix historique, assumant de porter un coup très dur à l’organisation centenaire des étudiant-e-s », défendent-ils, estimant que celle-ci s’enfonce « dans ses contradictions » et continue « sa descente aux enfers ».
A six mois de son 86e congrès, le contexte est difficile pour l’organisation qui a perdu sa première place sur la scène du syndicalisme étudiant, il y a deux ans, au profit de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE). Outre les affaires de harcèlement au sein du syndicat, révélées en 2017, son soutien au blocage de la pièce de théâtre d’Eschyle, Les Suppliantes, qui devait être jouée le 25 mars à la Sorbonne, et dont elle dénonçait une mise en scène raciste, a fait polémique. La communauté universitaire et artistique a dénoncé un non-sens et une atteinte à la liberté d’expression. Sans compter l’échec des mobilisations contre Parcoursup puis contre l’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants étrangers.
Affaire sensible
« Nous sommes dans un contexte inédit d’affaiblissement de l’UNEF, tranche Thibaud Moreau, responsable national de la TUAS, et premier signataire du courrier. On ne peut plus attendre une hypothétique réforme, il y a urgence à reconstruire des sections syndicales fortes. » L’étudiant espère convaincre d’autres militants de suivre le mouvement, tout en soulignant que, déjà, plusieurs membres de la majorité nationale sont signataires du courrier de départ, dont certains venant de Sciences po.
Du côté de la direction nationale, on tempère cette vague de départ. « Ce n’est jamais positif de voir des gens partir, reconnaît la présidente du syndicat, Mélanie Luce. Il est dommage que certains préfèrent la division, alors que nous avons besoin d’unité face à la politique d’Emmanuel Macron, qui attaque les droits des étudiants. » Mais dans le complexe jeu des rapports de forces au sein du syndicat, ce départ est « à relativiser », note l’étudiante de 22 ans. Ce n’est pas toute la « TUAS » qui s’en va, affirme-t-elle. Plusieurs sections locales, à Nice, Angers ou encore Amiens qui en faisaient partie il y a deux ans, ont déjà quitté la tendance.
Sur le fond, la présidente ne manque pas de faire le lien avec un désaccord sur une affaire sensible : celle des tweets de certains membres de l’UNEF sur l’incendie de Notre-Dame, qui pourfendaient l’émotion, évoquant un « délire de petits blancs ». Les auteurs de ces messages sont tous signataires de la lettre du 17 mai. Le syndicat s’était désolidarisé de ces réactions.