Le Conseil de l’Europe pointe le traitement inhumain des migrants en Hongrie
Le Conseil de l’Europe pointe le traitement inhumain des migrants en Hongrie
Par Blaise Gauquelin (Vienne, correspondant), Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)
Le régime d’Orban est accusé de violations des droits de l’homme, non-respect de l’Etat de droit, restriction des libertés et xénophobie.
A Asotthalom, à la frontière entre la Serbie et la Hongrie, le 8 avril. / Darko Vojinovic / AP
Il y a urgence, en Hongrie, à s’occuper de la violation des droits humains et du non-respect de l’Etat de droit, qui concerne tant la restriction des libertés pour la société civile, que l’indépendance de la justice, l’égalité hommes femme que le sort des réfugiés : c’est un rapport de 37 pages, sans concession, assorti de 167 recommandations, que Dunja Mijatovic, commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a rendu public mardi 21 mai.
La responsable bosnienne s’est rendue à Budapest en février, alertée notamment par le discours récurrent des autorités sur les réfugiés et les migrants. Mme Mijatovic, en poste depuis avril 2018, les invite d’abord à abandonner leur rhétorique et « leurs campagnes qui attisent les comportements xénophobes ». D’autant, indique-t-elle, que l’on ne peut plus parler d’une situation de crise, compte tenu du nombre actuel de demandeurs d’asile en Europe, et singulièrement en Hongrie, où les premières dispositions très restrictives ont été adoptées en 2015.
La commissaire du Conseil de l’Europe – une organisation basée à Strasbourg de 47 membres dont la Russie et les pays de l’UE – réclame d’urgence un examen correct des demandes, conformément aux règles du droit international, alors que les requérants sont actuellement cantonnés dans deux zones de transit. Ils sont systématiquement placés en détention – y compris les enfants –, souvent privés de nourriture – « un traitement inhumain » – et leurs demandes font l’objet d’un refus « presque systématique ». « Je suis aussi profondément préoccupée par les indications répétées quant à l’usage excessif de la violence durant les déplacements forcés d’étrangers », ajoute la juriste.
« Processus alarmant »
La stigmatisation, l’intimidation et la criminalisation d’organisations non gouvernementales et de défenseurs des droits humains par le pouvoir illibéral de M. Orban constituent un autre grief de la commissaire, ancienne représentante de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe pour la liberté des médias. En Hongrie, de récentes dispositions légales concernant les ONG, « extrêmement vagues et arbitraires » ne viseraient qu’à paralyser leurs activités et leur financement, relève Mme Mijatovic, en évoquant « un processus alarmant ».
Le rapport regrette la représentation « étonnamment faible » des femmes dans le personnel politique, où elles sont souvent cantonnées aux questions familiales. Des dispositions récemment adoptées visent, plus généralement, à les réduire au rôle de mère de plusieurs enfants, souligne la commissaire, qui déplore ce « recul », ces « stéréotypes » et cette « instrumentalisation », renforcés en outre par le système éducatif. La commissaire a relevé également que 28 % des Hongroises de plus de 15 ans ont fait l’expérience de violences physiques ou sexuelles. Le gouvernement est invité à ratifier la Convention d’Istanbul sur la violence faites aux femmes. Ou à introduire l’absence de consentement dans la définition légale du viol, ce qui n’est pas encore le cas.
Réformes controversées de la justice
L’indépendance de la justice a, quant à elle, été mise à mal après des réformes introduites depuis 2010, avec un rôle prépondérant pour le ministre de la justice, notamment dans un futur régime de cours administratives. Le mode de désignation des juges par le Parlement et les contraintes qui leur sont imposées posent aussi beaucoup de questions. Même si quelques amendements ont été apportés en réponse aux critiques de la Commission européenne et de la Commission de Venise, un organisme consultatif du Conseil de l’Europe.
Déjà confronté aux critiques des Nations unies, de la Commission, à un vote du Parlement européen qui, en 2018, réclamait l’application de l’article 7 des traités – qui peut, en théorie, entraîner une suspension d’un pays membre – et à un conflit avec sa « famille » politique, le Parti populaire européen, le gouvernement de M. Orban a adressé une réponse de 18 pages à Mme Mijatovic, que Le Monde a pu consulter. Il reconnaît que « le rapport contient plusieurs remarques pertinentes » mais que certains points « nécessitent des clarifications et des informations supplémentaires », car la Hongrie « remplit toutes ses obligations internationales concernant le maintien des droits humains des demandeurs d’asile et des réfugiés ».