M6
MERCREDI 22 MAI - 21.00
DOCUMENTAIRE

Droit de mourir contre droit de vivre. L’affaire Vincent Lambert, en état végétatif depuis mai 2008, relance le débat, voire les affrontements – le 20 mai, la cour d’appel de Paris ordonnait, en soirée, la reprise des soins arrêtés le matin. Pour « coller » à cette actualité, M6 avance à ce soir, mercredi 22 mai, la programmation de « Droit de mourir : un tabou français ». Une enquête que l’on ne regarde pas pour le plaisir, mais très instructive et certainement d’un grand secours pour tous ceux qui se sentent concernés par la fin de vie.

Si la mort n’est pas « taboue » en France, en revanche, « quand on est bien portant, on n’a pas envie d’en parler tout le temps », pose simplement dans le film Ginou, qui accompagne sa mère, Ginette 85 ans, en soins palliatifs à l’hôpital d’Argenteuil, en banlieue parisienne. Le journaliste Bernard de La Villardière est ainsi allé à la rencontre de plusieurs « cas » emblématiques et les a suivis, parfois sur plusieurs mois. Avant de présenter leur histoire selon une chronologie qui n’apparaît qu’au fil des minutes : du droit de mourir au droit de vivre.

Sourire aux lèvres, Sylvie, 67 ans, clame sa volonté « d’aller se faire euthanasier en Belgique ». Atteinte d’un cancer incurable, elle vient d’apprendre qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre et redoute plus que tout de perdre son autonomie et sa dignité – un mot qui reviendra souvent.

Messages d’adieu

Pour Jean-Marc, 51 ans, ex-surfeur atteint d’une maladie neurodégénérative depuis un an, la décision est prise. Il a juste attendu que son petit dernier passe le bac. Quasi paralysé, il sera euthanasié dans quarante-huit heures. L’entretien en devient quasi irréel. Ses amis lui envoient des messages d’adieu, tandis qu’il apprécie un verre de bon vin dans son beau jardin.

Se sentant « une charge pour tout le monde », Marie-Louise, 105 ans, a choisi le suicide assisté. / LIGNE DE FRONT/CAPTURE D'ECRAN / LIGNE DE FRONT/CAPTURE D'ECRAN

A 105 ans, Marie-Louise, elle, ne souffre d’aucune maladie et vit avec Yvette, sa fille de 83 ans. Elle a toutefois choisi de recourir au suicide assisté, en Suisse, parce qu’elle se sent « usée », « inutile » et « une charge pour tout le monde ». Moyennant 9 000 euros, elle se rend à l’Eternal Spirit de Bâle pour rencontrer Erika, médecin qui va lui mettre en main le bouton-poussoir qui va lui inoculer le produit mortel. En six ans, Erika, personnage étrange et glaçant, a ainsi « accompagné » cinq cents personnes : « Si quelqu’un a plus de 85 ans, je ne discute pas. J’accepte », dit-elle, sans tenter de le convaincre de renoncer au suicide.

La caméra suivra Marie-Louise jusqu’à son dernier souffle. La médecin fait répéter la vieille dame. « Oui, oui, j’ai compris. C’est moi seule qui ai décidé. » Ses paroles sont enregistrées, au cas où. Marie-Louise n’a qu’un regret : ne pas avoir pu mourir en France. Des associations d’aide existent pourtant, légales, comme l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, ou illégales. Ainsi, 4 000 euthanasies clandestines seraient pratiquées en France chaque année.

A 32 ans, Emy est atteinte d’une forme d’autisme qui provoque chez elle une dépression chronique depuis l’enfance. / LIGNE DE FRONT/CAPTURE D'ECRAN / LIGNE DE FRONT/CAPTURE D'ECRAN

En Belgique, Emy, 32 ans, est atteinte d’une forme d’autisme qui provoque chez elle une dépression chronique depuis l’enfance, ce qui l’épuise littéralement. A l’université, elle a fait plusieurs tentatives de suicide. La souffrance psychique étant suffisante dans son pays pour obtenir le droit à l’euthanasie, Emy a fait une demande qui a été acceptée il y a trois ans. Mais depuis, malgré l’aval de ses parents, elle hésite.

« Sans douleur, ils ne veulent plus mourir »

Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ? En profonde souffrance ou en fin de vie, certaines personnes n’ont pas toutes envie de mourir et « s’accrochent ». Comme Alexandre, 61 ans, en phase terminale d’un cancer du poumon. Sonde gastrique dans le nez, verre de rosé sur son plateau-repas, il partage sa chambre avec sa femme, Chantale, dans la maison de soins palliatifs de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône.

« Chaque jour de vie que je pourrai voler, je le volerai, affirme Alexandre. Si on m’aide. »

L’« aide », c’est la morphine, qu’on lui injecte pour qu’il ne souffre pas. Un confort auquel seule la moitié des malades en fin de vie qui en auraient besoin ont accès. Pour Jean-Marc La Piana, directeur et médecin à Gardanne, le vrai problème est là. Pour preuve :

« Quand [les malades incurables] arrivent ici, ils veulent être euthanasiés. Mais lorsqu’ils sont bien soignés, sans douleur, ils ne veulent plus mourir. »

Retour chez Sylvie et Bernard. Très diminuée, Sylvie a décidé de ne pas anticiper l’échéance et de profiter de ses derniers jours. Un revirement qui n’est pas exceptionnel.

Bernard de La Villardière nous emmène ensuite chez Philippe, 61 ans, qu’il connaît personnellement. Paralysé depuis trente ans (« locked-in syndrome ») après un accident vasculaire cérébral, il ne communique depuis que par clignements d’yeux. Après l’accident, les médecins ont proposé à sa femme de le « débrancher ». Ce qu’elle a refusé sans hésiter. Avec le recul, le couple, qui a trois enfants, ne regrette pas, certain d’avoir vécu une existence « d’une richesse incroyable ».

A l’issue du documentaire, la proximité des pays voisins où il est possible d’être euthanasié ou de pratiquer un suicide assisté pourrait laisser accroire que ces pratiques sont courantes dans le monde. Il n’en est rien. Sur les 197 pays recensés par l’ONU, seuls cinq ont légalisé l’euthanasie (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Canada, Colombie) et deux le suicide assisté (Suisse et Australie), auxquels il faut ajouter six Etats américains : le Vermont, le Montana, l’Etat de Washington, l’Oregon, le Colorado et la Californie.

« Droit de mourir, un tabou français », un « Dossier tabou » d’Olivier Pinte, présenté par Bernard de La Villardière, (Fr., 2018-2019, 90 min).