Ouverture d’une enquête après des prises de sang sauvages dans des manifestations de « gilets jaunes »
Ouverture d’une enquête après des prises de sang sauvages dans des manifestations de « gilets jaunes »
Le Monde.fr avec AFP
Des rumeurs de risque d’intoxication au cyanure circulent sur des pages Facebook depuis un moment. Des personnes se présentant comme des médecins ont procédé à des prises de sang, le 20 avril et le 1er mai, pour, disent-ils, étudier ce phénomène
Manifestation des « gilets jaunes », le 18 mai à Reims. / FRANCOIS NASCIMBENI / AFP
Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris pour « violences volontaires aggravées » et « mise en danger de la vie d’autrui » après que des prises de sang ont été réalisées fin avril et début mai lors de plusieurs manifestations de « gilets jaunes » à Paris, a-t-on appris vendredi 24 mai.
Depuis plus de six mois, le mouvement de contestation et les manifestations organisées chaque samedi sont réprimées par les forces de l’ordre, avec notamment des jets de gaz lacrymogène aux propriétés irritantes et incapacitantes. Or, des rumeurs de risque d’intoxication au cyanure par les gaz lacrymogènes circulent sur les pages « gilets jaunes » des réseaux sociaux depuis plusieurs semaines. L’hypothèse la plus répandue est que le gaz, une fois dans le corps, serait en partie transformé par le métabolisme en cyanure d’hydrogène puis en thiocyanates, qui peuvent, à un niveau élevé dans le sang ou les urines, être le signe d’une intoxication au cyanure.
Au sein des cortèges du 20 avril et du 1er-Mai, plusieurs personnes, se présentant comme des médecins, ont procédé à des prises de sang pour, disent-ils, étudier ce phénomène. Contacté par l’Agence France-Presse (AFP), l’homme qui dit avoir « coordonné l’action sur le terrain », Renaud Fiévet, s’est présenté comme un médecin anesthésiste originaire de Belgique. Il affirme que du sang a été prélevé « sur une quinzaine de manifestants », et que les prises de sang ont été réalisées « dans le respect des protocoles », à l’initiative d’un groupe composé de deux « médecins » et d’un « docteur en biologie ».
« Des ordonnances ont été établies et les personnes prélevées ont signé un consentement écrit », a précisé M. Fiévet. Le document, consulté par l’AFP, mentionne des « analyses biologiques des thiocyanates sanguins ».
« Complètement hors cadre »
Mais la démarche fait polémique. Début mai, un groupe de street medics, des bénévoles qui apportent les premiers soins en cas de blessures pendant les manifestations, avait dénoncé ces pratiques considérées comme « dangereuses », ainsi que « l’usurpation du terme et des couleurs de street médics ».
« J’ai vu certaines personnes portant des tee-shirts de street medics, faisant des prises de sang à même le sol, sans respect des normes d’hygiène, alors que l’endroit était complètement gazé. Certains portaient des gants, d’autres non », raconte Ana, une street medic du groupe Coordination premiers secours.
Selon le Dr Agnès Ticard-Hibon, présidente de la société française de médecine d’urgence, ces prélèvements sont « complètement hors cadre ». Pour l’Ordre des médecins, ils ne sont pas interdits dans la mesure où ils sont effectués « par un professionnel qualifié et identifié » et si la « personne consent à un prélèvement biologique pour des motifs qu’elle connaît ».
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Durée : 07:09
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