En Belgique, la N-VA lorgne la fonction de premier ministre
En Belgique, la N-VA lorgne la fonction de premier ministre
Par Jean-Pierre Stroobants (Anvers, Envoyé spécial)
Jan Jambon, le candidat des nationalistes flamands, est en lice pour diriger le gouvernement fédéral à l’issue des élections de dimanche.
Le maire d’Anvers, Bart De Wever, et Jan Jambon, alors ministre belge de l’intérieur, à Anvers, le 24 décembre 2017. / NICOLAS MAETERLINCK / AFP
Jour de marché à Borgerhout, un quartier populaire en partie gentrifié de la banlieue d’Anvers. Le soleil est, pour une fois, au rendez-vous de la campagne en vue des élections fédérales et régionales du 26 mai (en même temps que les européennes) et Jan Jambon est de sortie dans cette zone de la grande ville flamande où les écologistes et la gauche radicale ambitionnent de tailler des croupières à sa formation, l’Alliance néoflamande (N-VA).
Bart de Wever, le maire d’Anvers, est aussi le patron omnipotent du parti nationaliste et il a fait de M. Jambon, ancien ministre de l’intérieur dans le gouvernement fédéral du francophone Charles Michel, son candidat à la fonction de premier ministre, tandis que lui ambitionne de prendre la présidence du gouvernement régional de Flandre.
Avec son 1,90 mètre et sa carrure de rugbyman, impossible de rater le candidat en costume-cravate qui chemine tranquillement entre poussettes, fauteuils roulants et échoppes de charcuteries, légumes de saison et lingerie. Il est entouré de quelques militantes en pantalon jaune et t-shirt noir – les couleurs de la N-VA et de la région – mais refuse toute protection policière, promettant d’ailleurs que s’il accède au 16 rue de la Loi, le cabinet du premier ministre à Bruxelles, il renverra chez eux les agents du service de sécurité.
Au marché, l’accueil est poli, parfois enthousiaste – « Je voterai pour vous, c’est magnifique ! », lâche une dame âgée, tout sourire –, jamais agressif. L’homme ne fait pas peur ici, alors qu’il est présenté – du côté francophone – comme un tenant de la ligne dure, adepte du séparatisme, d’une politique très sécuritaire et de propos musclés sur les Wallons qui se prélasseraient dans « le hamac de la sécurité sociale ».
M. De Wever le propulse-t-il à Bruxelles pour achever le grand œuvre de la cause nationaliste et détricoter ce qui reste de l’Etat belge ? « Séparatiste, lui ? Non ! Partisan du confédéralisme, une sorte de fédéralisme approfondi, commente un porte-parole. Jan est d’abord un manager qui considère que l’entreprise Belgique fonctionne mal et qu’elle se porterait mieux avec des structures plus autonomes. »
« Surréaliste »
La thèse, souvent présentée de manière plus brutale au public flamand, est connue : avec des projets et des représentations politiques à ce point différentes (une Flandre riche, bien ancrée à droite, et une Wallonie en perpétuel redressement, dominée par la gauche), impossible d’envisager la survie à long terme du pays et de ses « deux démocraties ». Comment, toutefois, bâtir un système confédéral, qui est, en principe, l’alliance volontaire de deux ou plusieurs entités indépendantes, alors que ni la Wallonie, ni Bruxelles, la troisième région, ne veulent de leur indépendance ?
Charles Michel lui-même, qui a gouverné avec la N-VA durant quatre ans avant de chuter à la suite du refus de ce parti d’approuver le pacte de Marrakech sur les migrations, a qualifié de « surréaliste » la candidature de M. Jambon, son ex-bras droit. Surréaliste, car il serait étrange de devenir chef du gouvernement dans un pays qu’on voudrait voir disparaître.
Attendant sa barquette de poissons frits sauce tartare devant la boutique Dave, Jan Jambon sourit. « Charles doit obligatoirement se positionner comme cela face à ses électeurs wallons. Je vous rappelle qu’il y a cinq ans, il avait dit qu’il ne pouvait pas gouverner avec nous… Et puis la Belgique n’est-elle pas, par essence, surréaliste ? »
A Borgerhout, l’avenir du pays ne semble cependant pas être la préoccupation première. Il faut plutôt rassurer sur l’avenir du système des retraites, regarder le livre de comptabilité d’un marchand qui se plaint du niveau des impôts et ramener au bercail ceux qui seraient tentés de rejoindre l’extrême droite et un Vlaams Belang en plein renouveau, rajeuni, dont le thème de campagne est « Stop à l’islamisation ! »
Les derniers sondages confirment un léger recul pour la N-VA, qui passerait de 32 % à 28 %, et un score possible de 15 % pour le Vlaams Belang. Les autres formations (chrétienne-démocrate, libérale, socialiste, écologiste) stagneraient entre 10 % et 15 %. A Bruxelles, les Verts semblent avoir le vent en poupe ; en Wallonie, le PS retrouverait une position dominante.
« Face à l’extrême droite, on résiste, mais ce n’est pas toujours simple, dit Patrick Paredaens, un vieux militant de la N-VA. On m’interroge souvent sur le fait que des types de 40 ans sont à la mosquée en train de prier en plein après-midi, ou sur des prétendus malades qui vivent d’allocations sociales mais peuvent s’acheter des maisons. » Il y a quelques jours, un journaliste francophone ayant infiltré des réunions de la N-VA racontait que, sous les rires de l’assemblée, M. De Wever évoquait la nécessité de « razzias » ciblées de migrants en vue de les renvoyer rapidement chez eux par « Air Francken ». Du nom de Théo Francken, l’ex-secrétaire d’Etat N-VA à la migration, la figure la plus populaire du parti.