Elections européennes à Lille : « Il ne faut pas laisser faire n’importe quoi par n’importe qui »
Elections européennes à Lille : « Il ne faut pas laisser faire n’importe quoi par n’importe qui »
Par Laurie Moniez (Lille, correspondance)
Il y avait affluence dans le quartier populaire de Wazemmes dimanche matin, jour de marché et de vote.
Wazemmes, quartier populaire de Lille et son marché du dimanche matin, l’un des plus grands de France. Ça sent bon les épices, il faut pousser du coude pour avancer dans les allées, et de nombreux Lillois se baladent bouquets de fleurs à la main en cette journée de Fête des mères.
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Au bureau de vote 111, salle Philippe Noiret, il y a la queue pour glisser son bulletin de vote dans l’urne. « C’est le coup de feu, il est 11 heures, mais ça se calme en début d’après-midi », lance un assesseur.
Bureaux 111 et 113 à #lille à Wazemmes, jour de marché, le pic de votants en fin de matinée avant le creux attendu… https://t.co/tLCefWNkYk
— lmoniez (@Laurie Moniez)
Comme à chaque élection, David Conti, 57 ans, vote. « C’est fondamental pour moi, dit-il. On vit dans une République, il faut en profiter. J’ai beaucoup voyagé dans des pays où les gens n’ont pas cette chance et où ils ne sont pas forcément heureux. » Depuis 1981, il vote à gauche. Mais pour cette élection européenne, le choix a été un peu difficile. Ce sera finalement La France insoumise (LFI), comme en 2017, « car Mélenchon est celui qui colle le plus aux baskets des deux autres [Macron et Le Pen] ».
« Je ne comprends pas ceux qui ne votent pas »
A 88 ans, Fernande Cuffez ne raterait cette journée pour rien au monde. Depuis ses 21 ans, elle vote « à droite ». Entre les lignes, on devine qu’elle a choisi La République en marche (LRM). « Je ne comprends pas ceux qui ne votent pas, explique-t-elle d’une petite voix. Je suis pour l’Europe. Il faut laisser du temps au temps. Regardez, les “gilets jaunes”, je comprenais au début, mais là je suis contre, ce n’est pas efficace. »
Devant les bureaux de vote wazemmois 111 et 113, les affiches des candidats ont quasiment toutes été arrachées ou griffonnées au feutre noir. C’est dans ce quartier populaire et métissé, que Benoît Hamon avait réalisé son meilleur score à la présidentielle de 2017 (13,6 %), en troisième position derrière Jean-Luc Mélenchon (35,70 %) et Emmanuel Macron (24,68 %). « On avait voté pour lui, par conviction, expliquent Gwen et Sophie Cartier, 29 et 28 ans, et on recommence aujourd’hui ! » La crainte de cette étudiante, future professeure en arts plastiques et de son ami, c’est « de se laisser envahir par les extrêmes ».
Un constat partagé par Evelyne, 62 ans, retraitée de l’éducation nationale. « Il ne faut pas laisser faire n’importe quoi par n’importe qui. J’ai peur du Rassemblement national [RN] et de tout ce monde-là. » Cette fille de Polonais vote d’habitude pour « Lutte ouvrière et compagnie, mais là, ils sont trop petits ». Elle a choisi la liste de Raphaël Glucksmann, « le choix du raisonnable », même si beaucoup d’autres listes l’intéressaient.
« Le PS, ce n’est plus ce que c’était mais il aura assez de poids pour avoir des élus. » La Wazemmoise se souvient de ce jour de 1981. Son père, polonais, ancien de la SFIO, était fou de joie quand Mitterrand avait été élu. Jamais elle ne l’avait vu comme ça. « Mais il a rendu sa carte en 1983, tellement déçu. Il était démoli. Il n’a plus jamais voté, raconte-t-elle. Il disait : les socialistes sont bien quand ils sont dans l’opposition. » Devant les affiches des 34 panneaux électoraux, elle soupire : « Aujourd’hui, si les voix s’éparpillent, ça va donner quoi ? Nous bassiner avec le duo Macron et Le Pen, moi, ça m’a foutu la trouille. »
« Aux paroles, il faut des actes »
Cyril Guilmot, 44 ans, de gauche, vient lui de mettre un bulletin Jadot dans l’urne. « Vu les enjeux, l’urgence climatique est de plus en plus d’actualité. Et aux paroles, il faut des actes. » Ce bibliothécaire ne peut s’empêcher de penser aujourd’hui aux anciens qui se sont battus pour le droit de vote et à cette Europe « qui n’a pas connu de guerre depuis 1945, même si le vivre ensemble est de plus en plus compliqué ».
Pour David Gadenne, 64 ans, administrateur d’un théâtre, c’est aussi précieux de pouvoir voter pour cette élection européenne. Il compte sur le repas de la Fête des mères pour convaincre ses quatre enfants de se déplacer dans les bureaux de vote. « L’Europe, ça ne leur dit rien alors qu’on est dans une zone frontalière, près de la Belgique, mais il y a une grosse déception de la vie politique, notamment depuis Macron. » Après la présidentielle, ses enfants ont dit : « Ça ne sert plus à rien de voter. » David Gadenne leur répond désormais par l’urgence climatique. Après avoir voté Macron aux deux tours de la présidentielle, puis LRM au premier tour des législatives et Adrien Quatennens (LFI) au second tour, il a choisi de voter EELV, « pour faire comprendre à l’Europe qu’il y a une urgence écologique ». Ce soir, il viendra aider pour le dépouillement dans le bureau de vote 111.
Le marché de Wazemmes ce midi, et le bureau de vote 111 et 113 où l’on faisait la queue en fin de matinée. https://t.co/WQmmkw9o6W
— lmoniez (@Laurie Moniez)
A Lille (et ses communes associées Lomme et Hellemmes), aux européennes de 2014, le Front national était arrivé en tête avec (18,85 %) devant la liste PS conduite par Gilles Pargneaux, proche, à l’époque, de Martine Aubry.