Inquiétude face à la résurgence de l’antisémitisme en Allemagne
Inquiétude face à la résurgence de l’antisémitisme en Allemagne
Le Monde.fr avec AFP
Le commissaire du gouvernement allemand en charge de l’antisémitisme met en garde contre le port de la kippa.
Dans une Allemagne en proie à une montée des attaques contre les juifs, Felix Klein, le commissaire du gouvernement allemand en charge de l’antisémitisme met en garde contre le port de la kippa.
Dans un entretien publié samedi par les titres du groupe de presse régionale Funke, il dit : « Je ne peux pas conseiller aux juifs de porter la kippa partout tout le temps en Allemagne », ajoutant avoir à ce sujet, « hélas, changé d’avis par rapport à autrefois ».
M. Klein, dont le poste au gouvernement d’Angela Merkel a été créé début 2018, explique cette évolution par « la levée des inhibitions et un manque de considération qui augmentent dans la société ».
« Internet et les médias sociaux y ont fortement contribué, mais aussi les attaques perpétuelles contre notre culture de la mémoire », s’inquiète-t-il, proposant aussi de mieux former les forces de l’ordre parfois indécises sur la nature antisémite ou non des délits.
Horst Seehofer, le ministre de l’intérieur allemand, a tweeté dans la foulée : « Il est inacceptable que les juifs doivent cacher leurs croyances en Allemagne. L’Etat doit veiller au libre exercice de la religion. Au vu du développement des crimes antisémites, nous devons être préoccupés et vigilants. »
#Antisemitismus: BM Horst #Seehofer ruft angesichts der Entwicklung antisemitischer Straftaten zur Wachsamkeit auf.… https://t.co/1m0IabyoIs
— BMI_Bund (@Bundesministerium des Innern, für Bau und Heimat)
Le conseil central des juifs d’Allemagne a déjà plus d’une fois mis en garde contre le port de cette calotte. « Je dois déconseiller à des personnes seules de se montrer dans le centre des grandes villes d’Allemagne avec une kippa », avait déclaré à la radio RBB son président Josef Schuster il y a un an.
L’extrême droite responsable de 90 % des agressions
Un cas avait particulièrement choqué à Berlin l’an passé, quand un Israélien portant la kippa avait été frappé à coups de ceinture par un Syrien dans le quartier huppé de Prenzlauer Berg. La victime avait pu filmer une partie de la scène et l’avait postée sur Internet.
Les pouvoirs politiques allemands se sont ouvertement inquiétés d’un antisémitisme importé par des migrants venus de pays hostiles à Israël, comme les Syriens, Irakiens ou Afghans arrivés en masse dans le pays en 2015 et 2016.
Les dernières statistiques du ministère de l’intérieur ont toutefois montré que les auteurs de délits à caractère antisémite étaient à une écrasante majorité (90 %) issus des milieux de l’extrême droite.
Les délinquants d’origine arabe sont avant tout des personnes qui vivent depuis assez longtemps en Allemagne, estime M. Klein. « Beaucoup regardent seulement des chaînes arabes qui transmettent une image funeste d’Israël et des juifs », selon lui.
Interrogé par le journal Handelsblatt, la ministre de justice social-démocrate Katarina Barley a jugé l’augmentation des délits contre les juifs « honteuse pour notre pays », estimant néanmoins que police et justice étaient « vigilantes » dans leur lutte contre le phénomène.
Recul des inhibitions
Malgré des décennies de repentance pour l’Holocauste, l’Allemagne ne fait pas exception en Europe où, à l’instar de la France, les attaques contre les juifs se sont répandues.
Au total, 1 800 infractions et délits ont été recensés en 2018, en hausse de 20 %, ont été à 90 % le fait de groupes partisans de l’extrême droite, a précisé Horst Seehofer, le ministre de l’intérieur allemand. Ces actes incluent des déclarations haineuses, des inscriptions antisémites ainsi que des graffitis représentant des symboles interdits comme les croix gammées.
Les associations juives d’Allemagne s’inquiètent de la poussée électorale du parti Alternative pour l’Allemagne (AfD), dont les dirigeants ont été accusés de minorer les crimes commis par le régime nazi et qui ont qualifié le mémorial des victimes de l’Holocauste de « mémorial de la honte ».
Dans un entretien avec l’AFP fin mars, la procureure générale de Berlin Claudia Vanoni s’était inquiétée elle aussi d’une résurgence d’un antisémitisme semblant être « profondément enraciné » dans la société.
La procureure avait mis en cause un recul des inhibitions, jugeant que l’entrée de l’extrême droite au Bundestag en 2017, dont certains responsables ont tenu des propos discriminatoires, y avait contribué.