La huitième édition de ManiFeste, qui se déroule du 1er au 29 juin dans une dizaine de lieux à Paris et en banlieue, s’ouvrira avec Pascal Dusapin et se refermera avec Karlheinz Stockhausen. Difficile de brasser plus large. Pascal Dusapin s’associe pour la première fois à l’Institut de recherche et de coordination acoustique/musique (Ircam) pour réaliser Lullaby Experience, une œuvre née du traitement de berceuses. Stockhausen, conquérant des cimes avant-gardistes pendant plus d’un demi-siècle, a composé, entre 1977 et 2002, un opéra de vingt-huit heures, Licht (« Lumière »), correspondant aux sept journées de la semaine.

C’est Samstag aus Licht (« Samedi de Lumière ») qui bouclera le mois de ManiFeste par une clôture plus effective dans le temps (dernière manifestation du festival) que dans l’espace : après avoir assisté à la représentation de l’opéra à la Cité de la musique, le public devra gagner l’église Saint-Jacques-Saint-Christophe de La Villette pour en percevoir l’aboutissement symbolique, Adieu de Lucifer.

Les deux œuvres ont en commun l’arrière-plan de l’enfance. Celle des autres pour Dusapin, qui a recueilli des berceuses librement « postées » sur une application, et la sienne propre pour Stockhausen, dont l’opéra comporte une bonne part d’autobiographie. « J’associe l’enfance à l’idée du multiple », déclare Frank Madlener, le directeur de l’Ircam, pour circonscrire la quête d’identité qui pousse le créateur à remonter à la source de son être.

L’oratorio revisité

Puiser dans les origines du son l’alpha et l’oméga de toute création musicale, tel fut le credo du courant spectral qui, au cours des années 1970, a prôné l’analyse spectrographique comme point de départ de toute partition. Trois concerts et un colloque permettront de revenir sur cette révolution made in France et d’en apprécier la diversité à travers plusieurs parcours de compositeurs. Celui de la Finlandaise Kaija Saariaho, programmée dans cinq concerts et responsable d’une académie d’orchestre, aurait été bien différent sans la découverte de la musique spectrale, et, surtout, des possibilités offertes par le travail en studio.

« Nous défendons encore le concert, mais beaucoup de jeunes artistes veulent aujourd’hui du low tech et du dispositif », constate Frank Madlener, directeur de l’Ircam

Pionnier de l’informatique musicale, sans lequel l’Ircam n’aurait pas développé aussi vite la technologie du « temps réel » qui a fait sa gloire, Philippe Manoury met à profit son expérience de l’électronique pour revisiter le genre de l’oratorio dans Lab.Oratorium et poursuivre une reconsidération de l’orchestre engagée avec la complicité du chef François-Xavier Roth.

L’interprète se trouve également au cœur de la création selon Georgia Spiropoulos, compositrice grecque attachée tant à l’improvisation qu’à l’innovation électronique. Si son œuvre Eror (The Pianist) se définit comme une performance et si la Lullaby Experience de Pascal Dusapin relève de l’installation, ce sont les concerts qui déterminent la colonne vertébrale de ManiFeste. « Nous défendons encore le concert, mais beaucoup de jeunes artistes veulent aujourd’hui du low tech et du dispositif », constate Frank Madlener.

Ce n’est assurément pas le cas des stagiaires du cursus de composition et d’informatique musicale auxquels a été offert le nec plus ultra de la technologie Ircam pour mener à bien des projets qui rayonnent jusque dans le théâtre musical. Passés en dix mois de la classe biberon de l’électronique à la formation postbac de la création en studio, ces jeunes illustrent, eux aussi, la notion de « multiple » associée à l’enfance de l’art par Frank Madlener au sein d’une programmation qui fait le tour des innovations comme un grand huit ancré dans les origines.

Supplément réalisé en partenariat avec l’Ircam.