Pour la présidence de la Commission européenne, quatre possibles prétendants
Pour la présidence de la Commission européenne, quatre possibles prétendants
Un Allemand et un Français conservateur, une Danoise libérale et un Néerlandais socialiste sont les favoris.
Le dîner des chefs d’Etat des vingt-huit pays membres de l’Union européenne, mardi 28 mai à Bruxelles, devait être l’occasion de lancer les tractations quant au choix des prétendants aux plus hautes fonctions de l’UE. Pour la présidence de la Commission européenne, quatre personnalités se dégagent.
Manfred Weber, champion officiel des conservateurs
La famille conservatrice européenne, le PPE, s’est dotée d’une tête de liste dès l’automne 2018 : Manfred Weber, un Bavarois de 46 ans, désigné assez largement face au Finlandais Alex Stubb. Cet eurodéputé, président du Parti populaire européen dans l’hémicycle strasbourgeois, a fait toute sa carrière politique dans les arcanes européens. Mais il n’a jamais participé à un gouvernement en Allemagne, un handicap pour remplacer Jean-Claude Juncker, puisque le président de la Commission est censé avoir rang de chef d’Etat ou de gouvernement.
M. Weber souffre d’un fort déficit de notoriété en Europe. Réputé pour son sérieux, il a réussi à prendre ses distances avec le Hongrois Viktor Orban, en votant pour sa suspension du PPE et pour le déclenchement d’une procédure visant les attaques contre l’Etat de droit en Hongrie. Ses chances de prendre la tête de la Commission paraissent d’autant plus minces que le PPE est sorti affaibli des élections du 26 mai : il devrait perdre plus d’une trentaine de sièges dans le nouvel hémicycle. Et, surtout, Emmanuel Macron tente de faire dérailler sa candidature.
Angela Merkel a pris son temps mais, vendredi 24 mai, la chancelière a soutenu M. Weber sans ambiguïté lors d’un meeting à Munich. Elle a renouvelé ce soutien en arrivant au Conseil, à Bruxelles, mardi 28 mai.
Frans Timmermans, expert des socialistes
ARIS OIKONOMOU / AFP
Le social-démocrate néerlandais Frans Timmermans, 58 ans, a porté les couleurs du Parti socialiste européen (PSE) pour l’élection du 26 mai. L’actuel premier vice-président de la Commission Juncker est un homme politique d’expérience et un brillant orateur – en sept langues, dont le russe –, ainsi qu’un fervent défenseur des valeurs européennes. Aux européennes, il a assuré à sa formation, le Parti du travail, un beau succès aux Pays-Bas. Mais, globalement, les sociaux-démocrates européens ont subi un revers, ce qui amoindrit les chances de leur Spitzenkandidat.
M. Timmermans, critiqué pour son profil de technocrate, pourrait en outre subir le tir de barrage des dirigeants de l’Est, hongrois et polonais, qui ont peu apprécié son zèle à faire respecter l’Etat de droit chez eux. Le pouvoir roumain ne le chérit pas davantage. Après avoir ménagé ses dirigeants socialistes, il a finalement contesté leur réforme de la justice. Il est visé par une plainte pour « falsification » par les autorités de Bucarest. Ses chances semblent donc faibles pour la présidence de la Commission.
Pour beaucoup, il ferait un parfait chef de la diplomatie européenne, poste qu’abandonnera l’Italienne Federica Mogherini. Dans son pays, M. Timmermans a été secrétaire d’Etat aux affaires européennes et ministre des affaires étrangères.
Margrethe Vestager, incarnation de modernité
YVES HERMAN / REUTERS
La Danoise Margrethe Vestager, 51 ans, apparaît comme l’une des favorites du camp des libéraux remplacer M. Juncker. L’ALDE, la famille libérale européenne à laquelle elle appartient, ne l’a pas adoubée officiellement comme son unique candidate, mais elle crève l’écran et n’hésite plus à se mettre en avant depuis dimanche 26 mai. Le camp libéral est celui qui a le plus progressé aux élections européennes dans l’hémicycle strasbourgeois.
Cette responsable charismatique, commissaire à la concurrence, a fait preuve d’une grande détermination face aux géants américains du numérique, en traquant les infractions aux règles de la concurrence et les pratiques d’évasion fiscale trop massives. Si en France, son veto à la fusion entre Alstom et Siemens a pu crisper au début de cette année, l’amende record de 13 milliards d’euros prononcée à l’encontre d’Apple en 2016, pour aide d’Etat illicite de l’Irlande, a marqué les esprits.
Incarnant une nouvelle génération, pragmatique, elle pourrait en outre féminiser une fonction systématiquement occupée par un homme issu d’un pays de l’Ouest : treize se sont succédé depuis janvier 1958. « Le monopole du pouvoir est brisé. Une coalition de ceux qui veulent avancer est plus que nécessaire », a déclaré Margrethe Vestager dimanche soir, se lançant dans l’arène.
Michel Barnier, recours possible
YIANNIS KOURTOGLOU / REUTERS
Il n’est pas officiellement candidat à une haute fonction européenne, mais il mène une campagne plus ou moins discrète. Il pourrait être l’une des cartes de réserve d’Emmanuel Macron, qui, dans un récent entretien avec la presse belge, le décrivait comme « un homme qui a de grandes qualités ». Susceptible donc de figurer sur une liste de prétendants à la présidence de la Commission. « Je l’aime bien », indiquait récemment Jean-Yves Le Drian, le ministre des affaires étrangères.
Membre du Parti populaire européen (PPE), le Savoyard a toutefois un profil plutôt centriste et bénéficie d’une grande expérience : quatre fois ministre, deux fois commissaire européen, et surtout négociateur en chef de l’Union européenne pour le Brexit, ce qui lui a valu des concerts de louanges.
Il a un handicap, son âge – 68 ans. Autre problème : si la candidature de l’Allemand Manfred Weber était finalement mise à mal, la chancelière Angela Merkel aurait bien du mal à justifier, dans son pays, le choix d’un Français à la place de son poulain.
M. Barnier, qui n’a jamais dirigé de gouvernement, pourrait-il se rabattre sur la présidence du Conseil européen des Etats membres ? Il compte des partisans, mais d’autres candidats sont cités, dont les premiers ministres belge et néerlandais, voire la présidente lituanienne.