Fidèle à sa réputation de sympathique guerrier, Stan Wawrinka a constamment joué avec le public du court Suzanne-Lenglen, dimanche 2 juin, lors de son huitième face à Sterfanos Tsitsipas à Roland-Garros. / GONZALO FUENTES / REUTERS

Le 1er décembre 2017, Stanislas Wawrinka avait convié les médias au Country Club de Genève, son lieu habituel d’entraînement. Cela n’augurait rien de bon, les rumeurs de retraite allaient bon train et ses supporteurs étaient affolés. Trois mois et demi plus tôt, le Suisse avait subi une double opération au genou gauche : une arthroscopie, suivie d’une greffe d’os et de cartilage. Mais non, le convalescent avait juste envie de donner de ses nouvelles, et elles se voulaient rassurantes : « Je vais bien, je vais mieux. Je sors d’une période longue et difficile, la plus difficile depuis le début de ma carrière. »

Le Suisse avait tiré le rideau sur sa saison 2017 après son élimination au premier tour de Wimbledon et venait de passer huit semaines avec des béquilles. Cinq mois d’arrêt qui lui avaient fait perdre sa musculature et tous les réflexes. Il devait tout reprendre de zéro. « Honnêtement, ça a été très dur. Tous les jours, je me battais contre la douleur. C’est à l’entraînement que j’ai souffert le plus. Et sans Pierre Paganini [son préparateur physique, qu’il partage avec Roger Federer], j’aurais arrêté ma carrière. »

Après Rafael Nadal, Roger Federer, Novak Djokovic ou Andy Murray, le joueur était, à 32 ans, le dernier des cadors à voir son corps le lâcher. Cruel contrecoup de trois saisons au sommet (victoires à l’Open d’Australie 2014, Roland-Garros 2015 et l’US Open 2016). Et Wawrinka ne tirait rien de positif de ce repos forcé. « On m’avait dit que cela me ferait peut-être du bien de rendre du recul, de prendre le temps de souffler mais ce n’est pas ce que j’ai ressenti. J’étais tellement cassé mentalement que ces mois hors du circuit m’ont obligé à me refaire. »

Un duel d’anthologie face à Tsitsipas

Alors dimanche 2 juin, sa victoire à Roland-Garros au bout du suspense face au jeune impudent Stefanos Tsitsipas (7-6, 5-7, 6-4, 3-6, 8-6), signa officiellement son retour au sommet : 5 h 09 d’un combat de titans et une conclusion du Suisse sur le fil – un passing slicé de revers déposé au millimètre –, à l’image de tout le match, jusque-là le plus beau de la quinzaine.

Le court Suzanne-Lenglen venait de voir renaître le guerrier « Stan The Man » (c’est inscrit sur les pochettes de ses raquettes). « C’est pour ce genre d’émotion que je m’entraîne. Jouer dans une atmosphère aussi intense, un match en cinq sets en Grand Chelem, c’est pour ça que je suis revenu après mon opération », résuma le revenant de 34 ans, qui s’était présenté en outsider face au D’Artagnan grec et ses 20 ans.

Certains doutaient qu’il puisse un jour s’inviter de nouveau au festin d’un Grand Chelem, et parmi les crédules, peu l’envisageaient dès Roland. Le Suisse, 28e au classement mondial, était arrivé à Paris avec seulement quatre victoires sur terre en quatre tournois. « C’est difficile de dire où je me situe. Sur les terrains d’entraînement, je joue très bien. Je n’ai pas trouvé la solution pour jouer très bien ces dernières semaines, à part Madrid », disait-il les premiers jours. Et dans le même temps d’ajouter : « Comme je me connais, je suis prêt et j’ai envie de gagner ce tournoi. »

Depuis le début de la quinzaine, le Suisse semble rajeunir : ses jambes vont bien, comme on a pu le voir face au Chilien Christian Garin (6-1, 6-4, 6-0), puis contre le Bulgare Grigor Dimitrov redevenu tranchant (7-6, 7-6, 7-6). Après une saison 2018 où il n’a pratiquement fait que de la figuration, il lui aura fallu un an pour retrouver son meilleur niveau. Et effacer les dernières séquelles, qui ne se logeaient pas dans son genou mais dans sa tête.

Quatre ans après, les retrouvailles avec Federer

« Cela n’a pas été facile de revenir dans le jeu mais, en fin de compte, je savais pourquoi je le faisais, racontait-il samedi 1er juin après sa victoire au deuxième tour contre Dimitrov. J’aime le tennis, j’aime le jeu, j’adore jouer sur un court comme aujourd’hui, avec plein de gens autour, dans un tournoi du Grand Chelem. Quand j’étais enfant, mon rêve était de jouer à Roland-Garros. Quand vous avez mal, vous ne savez pas quel va être le niveau auquel vous allez revenir. Il faut vous concentrer sur vos rêves d’enfant. »

Stan Wawrinka et son short passé à la postérité, après sa victoire à Roland-Garros face à Novak Djokovic, en 2015. / KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Depuis le début du tournoi, on entendait parler que d’un Suisse : Roger Federer, l’autre revenant, celui qui n’avait plus mis les pieds à Roland depuis quatre ans. Et voilà que les deux hommes se retrouvent ce mardi pour une place en demi-finales. Federer n’a passé « que » sept heures sur le court, contre plus de douze pour son cadet. Et Wawrinka n’a battu que trois fois son aîné en 25 confrontations. Mais les trois fois sur terre battue et la dernière… ici même.

C’était en 2015, en quarts de finale, déjà. « Je m’en souviens, il m’avait écrabouillé en trois petits sets et portait un short affreux », a plaisanté, dimanche, Federer à propos d’un tissu entre l’imprimé écossais et le pyjama. Le short douteux avait ensuite désarçonné Jo-Wilfried Tsonga en demies et Novak Djokovic en finale.