Une femme précocement ménopausée donne naissance à des jumeaux grâce à une méthode « de la dernière chance »
Une femme précocement ménopausée donne naissance à des jumeaux grâce à une méthode « de la dernière chance »
Le Monde.fr avec AFP
La patiente a eu recours à la technique de maturation d’ovocytes in vitro, méthode déjà utilisée, surtout chez des femmes souffrant de cancers.
Une première mondiale pour pareil cas : une jeune femme atteinte de ménopause précoce, qui n’aurait pas pu bénéficier de la procréation médicalement assistée (PMA) classique, a réussi à donner naissance à des jumeaux grâce une technique de maturation en laboratoire de ses derniers ovules, ont révélé mercredi 5 juin ses médecins.
La patiente avait été diagnostiquée d’une ménopause précoce à 37 ans : une insuffisance ovarienne débutante avec arrêt des règles due, dans son cas, à une maladie auto-immune. « Mais nous nous sommes aperçus à l’échographie qu’il lui restait quelques ovules immatures », relate le professeur Michaël Grynberg, chef du service de médecine de la reproduction et préservation de la fertilité à l’hôpital Antoine-Béclère (AP-HP). « Là où d’autres auraient dit il n’y a rien à faire », son équipe et celle du Dr Christophe Sifer, responsable du laboratoire de cytogénétique et biologie de la reproduction à l’hôpital Jean-Verdier (AP-HP), ont proposé de recourir à la technique de maturation d’ovocytes in vitro (MIV).
L’AP-HP a réalisé une vidéo sur le sujet :
1ère naissance d’un enfant après MIV chez une femme souffrant d’insuffisance ovarienne auto-immune
Durée : 02:58
La patiente, qui avait un projet de deuxième enfant, s’est fait prélever des ovocytes immatures par ponction ovarienne à travers le vagin, sous contrôle échographique, sans aucune stimulation hormonale préalable. Le prélèvement s’est fait sous anesthésie locale.
Les ovocytes ont ensuite été portés à maturation au laboratoire pendant 24 à 48 heures à l’aide notamment d’hormones et de facteurs de croissance. Un certain nombre d’entre eux ont pu atteindre la maturité et être fécondés en vue d’une vitrification embryonnaire – une méthode de congélation ultrarapide qui permet une meilleure survie des embryons une fois qu’ils sont décongelés.
« Préserver la fertilité féminine dans certaines indications »
La patiente a reçu des hormones pour préparer son utérus et le rendre compatible avec l’implantation des embryons. Des jumeaux, deux garçons, sont nés en décembre 2018 à Paris. « La mère ainsi que les bébés sont en parfaite santé », souligne le Pr Grynberg.
« C’est la première naissance au monde obtenue avec cette technique dans cette indication pour préserver la fertilité », relève pour sa part le Dr Sifer :
« Cela confirme l’intérêt majeur de cette technique de MIV, associée à la vitrification ovocytaire ou embryonnaire, pour préserver la fertilité féminine dans certaines indications où aucune autre option n’est envisageable. »
« Sans cette solution de la dernière chance, les quelques ovules restants allaient inéluctablement disparaître, être détruits, et la patiente allait être stérile », assure pour sa part le Pr Grynberg.
La technique en question est utilisable pour d’autres pathologies très particulières : d’autres grossesses sont actuellement suivies au centre PMA/AMP (assistance médicale à la procréation ou procréation médicalement assistée) de l’hôpital Jean-Verdier, dans un contexte similaire (par exemple : maladie d’Addison, pathologie rare de la résistance à une hormone – la FSH).
Mais la MIV donne de moins bons résultats que la stimulation hormonale, et reste donc un recours « quand on n’a pas le choix », souligne le Pr Grynberg. La méthode est par ailleurs déjà utilisée surtout pour des cancers, essentiellement des cancers du sein, soit parce que la nature de la tumeur constitue une contre-indication à la stimulation hormonale, soit par manque de temps (chimiothérapie d’urgence). En France, « quelques milliers de femmes, entre 3 000 et 5 000, pourraient en bénéficier, dont beaucoup atteintes de cancer », estime-t-il. Dans le monde, 6 000 enfants sont nés grâce à la MIV, dont 200 en France, selon le Pr Grynberg. La première naissance remonte à 1993, aux Etats-Unis, ajoute-t-il.