La Belgique accusée d’avoir livré une famille de Ouïgours aux autorités chinoises
La Belgique accusée d’avoir livré une famille de Ouïgours aux autorités chinoises
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, Correspondant)
Une femme et ses quatre enfants, qui demandaient des visas pour rejoindre le père de famille en Belgique, ont disparu, à la fin de mai, après avoir été expulsés de l’ambassade belge à Pékin.
L’ambassade de Belgique à Pékin a fait évacuer par la police une femme et ses quatre enfants qui réclamaient sa protection. La mère de famille avait adressé une demande pour rejoindre son mari, un réfugié politique, qui a obtenu l’asile en Belgique en 2018. Depuis la fin de mai, date de leur expulsion du bâtiment belge, Wureyetiguli Abula et ses enfants, âgés de 5 à 17 ans, n’ont plus donné signe de vie, affirme, samedi 15 juin, le quotidien La Libre Belgique.
La famille, des Ouïgours originaires de la région du Xinjiang, réputée pour être une zone de surveillance massive et un lieu d’internement de cette population turcophone et musulmane sunnite, espérait pouvoir se regrouper à Gand, où le père est ouvrier. Il avait fait adresser des demandes de visas auprès du ministère de l’intérieur belge il y a sept mois. Appelée par l’ambassade à Pékin, la famille s’y était rendue le 28 mai pour remplir des documents et passer une visite médicale.
Une visite à haut risque, les Ouïgours ne pouvant circuler sans autorisation. La police de Pékin a d’ailleurs interpellé Mme Abula à deux reprises à son hôtel. Une fois les formalités effectuées, les diplomates belges lui ont conseillé de rejoindre le Xinjiang, en attendant la suite de la procédure, qui peut durer plusieurs mois et nécessite une grande discrétion.
Mise en danger
« Prise de panique » et s’estimant en danger, selon La Libre Belgique, Mme Abula a refusé et réclamé la protection des autorités belges pour elle et les siens. Une demande refusée, un fonctionnaire lui ayant fait savoir, toujours selon le journal, que « l’ambassade n’est pas un hôtel ». Le personnel diplomatique a, en tout cas, fini par appeler la police à 4 heures du matin. Interrogée, la jeune femme a été libérée avant d’être à nouveau arrêtée dans son hôtel le 31 mai. Elle n’aurait, depuis, plus donné de nouvelles.
« L’ambassade a mis en danger la vie d’une mère vulnérable et de ses quatre enfants en les livrant à ceux qui les menaçaient », commente une professeure de l’Université libre de Bruxelles, Vanessa Frangville, spécialiste de la communauté ouïgoure. Elle sous-entend que la Belgique a privilégié des intérêts économiques au détriment de la nécessaire protection de membres d’une minorité dont se soucie pourtant l’Union européenne. Quinze de ses représentants ont d’ailleurs tenté récemment – en vain – d’évoquer le sort des Ouïgours du Xinjiang avec le gouverneur de la région.
Mme Abula a, depuis, reçu le visa émis par la Belgique. A Bruxelles, le ministère des affaires étrangères dit encore espérer que l’affaire connaîtra « une bonne évolution ». On ignore si les autorités de Pékin ont décidé d’emprisonner Mme Abula ou de l’envoyer dans un camp de rééducation, tandis que ses plus jeunes enfants seraient placés dans un orphelinat.
Selon un Comité des Nations unies, un million d’habitants du Xinjiang, majoritairement des Ouïgours, seraient enfermés dans ces centres que la Chine décrit comme des lieux de « formation professionnelle », destinés à combattre le séparatisme et l’islamisme. Une petite minorité de Ouïgours a rejoint les rangs de l’Etat islamique en Syrie et en Irak.
Comment la Chine organise la surveillance massive des Ouïgours
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