Si c’était un bulletin scolaire de fin d’année, ils auraient inscrit : « De bonnes intentions, mais on attend le passage à l’acte », ou un plus classique « des progrès mais peut mieux faire ». Les représentants des nombreuses associations et syndicats à l’origine du Pacte écologique et social lancé le 5 mars ont dressé, lundi 17 juin, un premier bilan de l’action du gouvernement avec, dans leur collimateur, le discours de politique générale du premier ministre du 12 juin, à l’Assemblée nationale.

La prudence reste de mise, pour ne pas dire le scepticisme. « Depuis deux ans, les paroles sont prometteuses ; mais les actions structurantes et ambitieuses continuent de se faire attendre, et les contradictions se multiplient », indique le texte cosigné par les quarante-trois organisations aujourd’hui porteuses du pacte. Leur constat : si le gouvernement n’agit pas sur les leviers qui sont à sa disposition dans ses politiques publiques, soit l’investissement, la fiscalité et la norme, les ambitions affichées pour la transition écologique resteront vaines.

En conservant comme « priorité absolue » la règle des 3 % (règle européenne contraignant à ne pas dépasser les 3 % de déficit public), Edouard Philippe « rend impossible la mise en place d’un grand plan d’investissement pourtant si nécessaire : 55 à 85 milliards d’euros sont par exemple nécessaires pour engager la transition écologique », estiment-ils. Autrement dit par Laurent Berger, secrétaire national de la CFDT :

« Si nous sommes convaincus que l’on ne peut pas laisser une dette trop importante aux futures générations, on ne peut pas non plus leur laisser une planète inhabitable. »

Réconcilier environnement et justice sociale

Pour réussir cette transition, promise en partie depuis le Grenelle de l’environnement en 2007, et au vu de la forte contestation sociale qui s’est exprimée avec le mouvement des « gilets jaunes » – notamment sur des mesures écologiques comme la hausse des taxes sur le diesel – les initiateurs du pacte voulaient réconcilier environnement et justice sociale. Et pousser le gouvernement à faire les investissements nécessaires.

En mars, ils avaient avancé soixante-six mesures, parmi lesquelles le fait de « sortir les investissements verts du déficit public dans les règles européennes ». Bon nombre d’entre elles indiquaient un cap plus qu’un objectif chiffré, telle la sortie « de la dépendance aux énergies fossiles », l’accès à « une nourriture saine et écoresponsable » ou la lutte contre les passoires énergétiques.

Cette dernière proposition a fait justement l’objet de longs développements de la part des dix-sept responsables présents lundi, parmi lesquels, ceux des syndicats, CFDT, CFTC et UNSA, des associations comme la Fondation Abbé Pierre, la Fondation Nicolas Hulot, France Nature Environnement (FNE), le Réseau Action Climat, la Cimade, le Secours catholique, la Ligue de l’enseignement ou encore la Mutualité française.

Huit mesures d’urgence

La rénovation des passoires énergétiques figure en tête des « huit mesures d’urgence que le premier ministre aurait dû annoncer ». Cela passe notamment par « l’interdiction de louer tout logement indécent dès 2021 », a expliqué Sandrine Bélier, directrice d’Humanité et biodiversité.

Parmi les autres mesures d’urgence, on trouve aussi l’évaluation de « l’impact de toute nouvelle loi et politique publique sur les 10 % les plus pauvres de la population », la revalorisation des minima sociaux, à laquelle se refuse le gouvernement, ou encore une « ambition budgétaire pour le grand âge et l’autonomie dans le projet de loi de finances de la sécurité sociale ».

Comment vérifier la traduction en actes des ambitions par le gouvernement ? Le projet de loi de finances pour 2020, qui sera discuté à l’automne, sera le critère absolu des efforts budgétaires et des orientations fiscales, a confirmé Laurent Berger, à l’instar des autres responsables associatifs.

La mesure 5 trace la voie pour « un projet de loi de finances solidaire pour plus de justice », avec notamment la réduction de la TVA sur les biens et produits de première nécessité, ou la réforme de l’impôt sur le revenu « pour le rendre plus progressif ».

Le critère du PLF

Et l’installation par le gouvernement d’une « convention citoyenne sur la transition écologique », destinée à avancer des propositions concrètes, fiscales aussi – l’une des deux mesures annoncées par le chef de l’Etat avec la mise en place d’un conseil de sécurité écologique – inquiète. « Nous ne pouvons que nous réjouir de voir la volonté d’associer les citoyens à l’élaboration des politiques publiques, mais le calendrier pose problème. La convention doit rendre ses conclusions à la fin de l’année, ce qui veut dire qu’elles n’auront un impact que pour le PLF 2021. Idem pour la rénovation des logements », a fait valoir Michel Dubromel, le président de FNE.

Convaincues de la puissance de la fiscalité comme outil pour réussir la transition écologique, « pour inverser la tendance », les organisations veulent aussi une politique normative plus efficace, et citent l’exemple de l’interdiction des néonicotinoïdes ou encore celui du décret « décence » fixant des règles minimales pour mettre un logement en location.

Il faut passer la vitesse, disent-ils en chœur. Se défendant de faire de l’opposition pour l’opposition, ils se veulent force de proposition. A la rentrée, ces associations et syndicats du pacte mettront en place un « Observatoire du pouvoir de vivre », qui analysera les politiques publiques nationales et fera le bilan de la mise en œuvre, ou non, des mesures d’urgence présentées lundi.

Hulot et Berger proposent un « pacte » pour « lutter contre le dérèglement climatique et améliorer le quotidien des citoyens »