L’Afrique à l’heure du bac
L’Afrique à l’heure du bac
Par Youenn Gourlay (Abidjan, correspondance), Sophie Douce (Ouagadougou, correspondance), Josiane Kouagheu (Douala, correspondance)
Les lycéens français ne sont pas les seuls à plancher. Sur le continent, l’examen est aussi le rendez-vous phare des jeunes et un sésame pour l’université.
Des lycéens au Soudan du Sud, en janvier 2019. / ALEX MCBRIDE/AFP
On passe le bac sous toutes les latitudes ! Alors que quelque 20 000 lycéens passent leur examen « made in France » au sein du réseau des lycées français de l’étranger, présent dans 93 pays, beaucoup de jeunes Africains passent un autre baccalauréat, marocain, burkinabé ou camerounais dans des pays qui se sont inspirés du système éducatif français. Et partout, ce diplôme phare est un moment clé dans une scolarité.
Au Cameroun, c’est terminé !
Les épreuves écrites du baccalauréat général sont achevées depuis le 1er juin, dernier jour des épreuves. Les élèves attendent avec anxiété les résultats prévus au mois de juillet. Et ce sésame est précieux, puisqu’il ouvre la voie aux études supérieures.
« Le bac est pour moi le must. C’est l’examen qui me permettra d’aller à l’université et de ne plus porter d’uniforme scolaire. C’est aussi celui qui me rapproche du monde de l’emploi. Au bout de trois années, je pourrai être indépendante, gagner mon propre argent », assure Bania, élève en classe de terminale A (littéraire). Durant l’examen, elle a rencontré des difficultés en mathématiques, sa « bête noire ».
Au Maroc, la triche s’est invitée
Au total, 150 personnes ont pour l’instant été arrêtées pour fraude à l’examen national qui s’est déroulé du 11 au 13 juin. L’épreuve a réuni 441 065 candidats, dont le plus âgé est une dame de 70 ans de la région Tanger-Tétouan-Al-Hoceima.
La Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) indique dans un communiqué que 138 candidats ont été pris en flagrant délit et douze autres personnes interpellées pour leur implication dans des affaires de crimes de droit commun, notamment pour le port d’objets interdits. Les opérations de la police ont notamment permis de récupérer trois chemises équipées d’écouteurs sans fils et d’autres écouteurs reliés à des équipements informatiques. Du matériel mis en vente sur Internet, a précisé la DGSN.
La police a aussi identifié 81 personnes ayant ouvert des comptes sur les réseaux sociaux pour faciliter la fraude. Dès le premier jour de l’épreuve nationale, des sujets de l’examen ont été publiés sur Facebook. « Ce n’est pas une fuite puisque les gens ont partagé les épreuves une fois que l’examen avait commencé. Mais des candidats ont bien réussi à introduire leurs téléphones portables dans les salles d’examen », nous précise une source au ministère marocain de l’éducation. « En plus d’une campagne de sensibilisation, nous avons renforcé les sanctions depuis la promulgation de la loi anti-triche en 2016 », assure-t-elle. Outre une interdiction de passer l’examen pendant un ou deux ans, les fraudeurs risquent entre six mois et cinq ans de prison et une amende allant de 5 000 dirhams à 100 000 dirhams (460 euros à 9 220 euros).
En Côte d’Ivoire, on a frôlé l’année blanche
Les grèves, suivies sur l’ensemble du territoire ivoirien par 82 % des enseignants selon la Cosef-CI, le syndicat à l’initiative du mouvement, ont duré au total plus de deux mois, paralysant de nombreux établissements à partir du mois de février. Les lycéens ont dû se débrouiller chez eux, avec des camarades de classe ou des professeurs particuliers pour les plus aisés afin de réviser leurs examens blancs en mars et en avril. Les professeurs réclamaient le paiement d’arriérés, une meilleure indemnité logement et globalement une vie moins précaire.
Durant le mouvement, certains lycées ont tenté d’organiser des cours et des examens blancs, ce qui n’a pas été du goût de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), l’un des plus influents syndicats étudiants ivoiriens. Certains de ses membres ont délogé les élèves durant leur composition. « La FESCI veut que tous les élèves soient solidaires et que tout le monde en soit au même niveau d’apprentissage, et c’est un combat juste », jugeait à l’époque Mohamed Ouattara, professeur de mathématiques, non gréviste, au Lycée moderne de Cocody. Avec ces perturbations, les élèves et leurs parents craignaient une année blanche, c’est-à-dire l’annulation de tous les examens à la fin de l’année. Les syndicats et le gouvernement ont finalement trouvé un terrain d’entente et le baccalauréat aura bien lieu du 8 au 12 juillet comme prévu. Plus de 200 000 élèves devraient se rendre dans les salles d’examen et s’activent donc pour terminer le programme. En 2018, le taux de réussite était de 46,09 %, ce qui constituait une légère augmentation par rapport à 2017.
Au Mali, le bac au mois d’août
Les élèves vont devoir patienter encore un mois et demi pour passer les épreuves écrites. Initialement prévues pour la fin juin, elles ont été reportées à début août. Le 12 juin, le ministère de l’éducation nationale et les syndicats ont annoncé le prolongement de l’année scolaire jusqu’au 31 juillet. « Nous étions en grève depuis décembre 2018. Sans ce prolongement, on risquait une année blanche », explique Amadou Coulibaly, secrétaire général du Syndicat national de l’éducation de base (Syneb).
Pendant cinq mois, la grève des enseignants, réclamant notamment une revalorisation de certaines primes d’équipement et de logement, a fortement perturbé la tenue des cours. Mais en mai, le mouvement de protestation a été interrompu par la signature d’un accord partiel entre les syndicats et le gouvernement. « Huit de nos dix points de revendication ont été concédés par les autorités», souligne M. Coulibaly. Rendez-vous à la rentrée, à la mi-septembre, pour une première réunion chargée de vérifier la mise en application des promesses gouvernementales.
Au Burkina Faso, les révisions continuent
Cette année 110 000 candidats, dont 40 % de filles, sont inscrits aux épreuves du baccalauréat qui devraient se dérouler du 21 juin au 9 juillet. L’examen reste très redouté par les étudiants burkinabés. En 2018, 60 % ont échoué au bac. Le problème : des classes en sureffectifs, un manque d’enseignants et de matériel pédagogique. Au Burkina, les familles doivent aussi payer les frais d’inscription à l’examen, entre 15 000 et 20 000 francs CFA par candidat (entre 20 et 30 euros).
De plus, l’inquiétude et l’incertitude règnent dans certains lycées du nord du pays, exposé à la menace terroriste. Dans ce climat délétère, les syndicats de l’éducation craignent pour la sécurité des élèves et des enseignants.
Et dans les lycées français, on planche
Pour la seule Afrique, 37 pays comptent un enseignement français et fournissent une bonne partie des quelque 17 000 bacheliers de l’étranger que la France produit chaque année. Des diplômés, qui chaque année pulvérisent les records de réussite avec, en 2018, 97,3 % de reçus, dont 76 % avec mention.