En Ile-de-France, la faune et la flore à l’épreuve du béton et des pesticides
En Ile-de-France, la faune et la flore à l’épreuve du béton et des pesticides
Par Pierre Le Hir, Manon Pélissier
Forte urbanisation, recul des zones humides, pratiques agricoles… L’Agence régionale de la biodiversité alerte dans un rapport sur le déclin de certaines espèces.
Un jeune troglodyte mignon sur le site de Roland-Garros, à Paris, en mai 2011. / PATRICK KOVARIK / AFP
La région parisienne, la plus peuplée de France avec plus de 12 millions d’habitants, la plus dense et la plus artificialisée (22 % de son territoire est urbanisé), n’est pas une oasis de paix pour la vie animale et végétale. Le « Panorama de la biodiversité francilienne » publié jeudi 20 juin par l’Agence régionale de la biodiversité (ARB) en dresse un assez sombre tableau.
En Ile-de-France comme partout sur la planète, les causes de la perte de la biodiversité sont bien connues. D’abord, la destruction ou le recul des milieux naturels, marais, tourbières, zones humides, haies ou bosquets, grignotés par l’étalement urbain. Sur le dernier quart de siècle, en moyenne, 1 470 hectares de nature ont été perdus par an. Ces dernières années, le rythme s’est nettement ralenti, en se stabilisant à 600 hectares par an.
L’agriculture est notamment pointée du doigt : les grandes cultures céréalières (blé, orge, colza) ne favorisent pas la biodiversité et la densité de haies est très réduite. Les infrastructures de transport sont aussi grandement responsables de la destruction des milieux naturels, causant « des collisions, perturbations sonores et un isolement des populations animales ».
« L’utilisation généralisée des pesticides et engrais dans les champs » est aussi en cause. Depuis 2017, la loi Labbé bannit néanmoins l’usage des produits phytosanitaires dans les espaces publics nationaux, restriction étendue depuis le 1er janvier 2019 à tous les particuliers. Et 38 % des communes franciliennes avaient déjà décidé d’interdire les pesticides en 2016.
Le nombre de moineaux a chuté de 73 % à Paris
L’impact de ces pressions cumulées sur la faune et la flore est massif. Les forêts, principaux « réservoirs de biodiversité » de la région, sont perturbées par le réseau routier qui fragmente ces habitats. Ainsi, les nombreux mammifères qui y résident, comme le cerf, le sanglier ou le mulot sylvestre, sont plus vulnérables. Les forêts franciliennes couvrent plus de 280 000 ha, soit 24 % du territoire, moins que la moyenne nationale, qui est de 31 %.
La situation de l’avifaune est encore plus alarmante. Entre 2004 et 2017, la population d’espèces d’oiseaux vivant en milieu agricole, telles que le bruant jaune, a chuté de 44 %, plus encore qu’au niveau national (– 33 %). Les espèces des milieux bâtis, comme le verdier d’Europe, le serin cini, l’accenteur mouchet ou l’étourneau sansonnet, ont elles aussi dégringolé de 41 % en moyenne. La perte record à Paris concerne le moineau domestique, avec une baisse d’effectifs de 73 %. Celles des milieux forestiers ont mieux résisté, avec un repli moyen de 5 % : le grimpereau des jardins a progressé de 46 % alors que le pouillot fitis a reculé de 73 %.
Néanmoins, « l’effondrement de la biodiversité n’est que très rarement affaire d’extinction d’espèces, mais plutôt de déclin de leurs populations », explique le rapport. Ainsi, aucune espèce de chauves-souris n’a totalement disparu depuis un siècle en Ile-de-France, mais les effectifs de certaines d’entre elles, notamment les murins à oreilles échancrées et les rhinolophes, ont fondu de plus de 90 %.
« On peut encore reconquérir les espaces »
Certaines populations chutent vertigineusement, d’autres résistent et s’adaptent. Cette perte de biodiversité finit par conduire à une certaine homogénéisation des espèces en milieu urbain. Selon le rapport, « la ville agit comme un filtre pour les espèces les plus vulnérables à la fréquentation humaine, à la pollution de l’air, des sols, de l’eau, mais aussi aux pollutions sonores et lumineuses. Elles sont remplacées par des espèces tolérant ces perturbations, plus plastiques, plus mobiles, qui seront les mêmes à Paris, New York ou Tokyo ». Ce sont des espèces en général « voyageuses », telles que les plantes sud-africaine séneçon du Cap et nord-américaine solidage du Canada.
Bruno Millienne, président de l’ARB en Ile-de-France, veut rester optimiste : « La préservation de la biodiversité peut se faire. On peut reconquérir les espaces. Contrairement à ce que certains disent, ce n’est pas trop tard. Dès lors qu’une espèce n’est pas morte, on peut toujours agir. »