« Mon petit doigt m’a dit » : fantaisie policière pour deux dandys facétieux
« Mon petit doigt m’a dit » : fantaisie policière pour deux dandys facétieux
Par Jean-Luc Douin
La comédie enlevée de Pascal Thomas dépoussière Agatha Christie.
D’aucuns diront qu’il y a des choses qui ne s’inventent pas. Pascal Thomas est persuadé de l’inverse. Ce cinéaste que l’on a cru un temps attaché aux tranches de vie quotidienne n’aime rien tant qu’imaginer ses compatriotes faisant les zozos, avec une saine complicité pour leur folie douce. On lui savait des fibres passionnément littéraires, même s’il n’avait pu à loisir adapter ses écrivains favoris. Le voilà qui sort Agatha Christie de sa poche. Et c’est pour faire un pied de nez à toutes les vraisemblances.
Prudence et Bélisaire Beresford : voilà pour le couple de détectives improvisés. Lui (André Dussollier) est un rond-de-cuir des services spéciaux, un monde où des types sérieux comme des papes se réunissent autour d’une table avec des masques à gaz. Elle (Catherine Frot) est une inlassable pipelette, une femme de principes qui a des doutes sur le suicide d’Emma Bovary et pense qu’« il n’y a rien de tel que la hauteur de plafond pour former le caractère ». Ils s’aiment, facétieux tourtereaux cultivant un mode de vie incorrect et s’offrant des pieds de nez à qui menace leur quiétude, leur famille au premier chef.
Suspense, fantaisie et fantastique
Mon petit doigt m’a dit plonge les Beresford dans le tracas. C’est d’abord la tante Ada, choyée dans une maison de retraite pour vieilles excentriques fortunées, qui accueille Prudence le fiel aux lèvres (« Qu’est-ce que c’est que cette grue ? »), et meurt peu après.
C’est ensuite la smala, fille mariée à un Vaudois et « petits braillards courant partout », qui débarque. Va-t-on basculer dans la comédie-catastrophe ?
Pascal Thomas et les Beresford optent pour des échappatoires : suspense, fantaisie et fantastique. A partir d’une énigme brumeuse (épidémie de morts suspectes, lait au cyanure, vieille folle guettant des cadavres de bébés dans les cheminées) et d’un étrange tableau dans lequel ils vont s’enfoncer comme Alice de l’autre côté du miroir, nos deux dandys partent à la recherche de mystères qui leur échappent.
Ils côtoient une sarabande de pittoresques personnages interprétés par des comédiens surprenants ici : Geneviève Bujold, Alexandra Stewart, Valérie Kaprisky, Bernard Verley, Laurent Terzieff, Pierre Lescure et Sarah Biasini (la fille de Romy Schneider), pour ne citer qu’eux, sont de la partie de campagne en Haute-Savoie, parmi une fermière à coiffe de sorcière, un curé porté sur le petit blanc, une vieille fille au bras en écharpe et une sculptrice extralucide.
MON PETIT DOIGT M'A DIT - Bande-annonce VF
Durée : 01:31
Film français de Pascal Thomas. Avec Catherine Frot, André Dussollier, Laurent Terzieff (2005, 1 h 45).