La France insoumise ne parvient pas à régler ses tensions internes
La France insoumise ne parvient pas à régler ses tensions internes
Par Abel Mestre
Depuis plusieurs semaines, le mouvement populiste fait face à de nombreux départs. Dernier en date : Manon Le Bretton, responsable de l’école de formation de LFI.
La France insoumise (LFI), on la change ou on la quitte. C’est en substance ce que Manon Le Bretton, responsable de l’école de formation du mouvement populiste, explique dans un texte publié sur Facebook après l’assemblée représentative qui s’est tenue ce week-end à Paris. C’est Jean-Luc Mélenchon qui a conclu ce rendez-vous annuel, sorte de parlement du mouvement, avec un discours qui était très attendu, près d’un mois après la cinglante défaite des élections européennes où la liste de Manon Aubry a recueilli 6,3 % des suffrages, loin, trop loin de l’objectif des 11 %.
Si le discours n’a été en rien révolutionnaire, M. Mélenchon reprenant des axes qu’il avait déjà développés par ailleurs, il n’en était pas moins truffé de piques. D’abord en direction de Clémentine Autain, la députée de Seine-Saint-Denis, qui critique ouvertement, et depuis plusieurs semaines, la stratégie insoumise, trop clivante à son goût. Elle entend retisser les liens avec la gauche, mais aussi le milieu associatif, culturel et syndical. Une réunion au Cirque Romanès à Paris doit se tenir dans ce sens le 30 juin.
« Simagrée »
« [La France insoumise] est une force, un point d’appui. Aucune simagrée, aucune autoflagellation de convenance tant à la mode dans la vieille gauche officielle mondaine ne viendra jamais l’abattre », a ainsi tancé M. Mélenchon à l’adresse de Mme Autain et de ses amis. Dernier épisode en date de ces affrontements à fleurets mouchetés entre les deux parlementaires insoumis : dimanche, Mme Autain a critiqué, en creux, la manière dont a été nommé, samedi, Adrien Quatennens comme coordinateur du mouvement.
Autres cibles de Jean-Luc Mélenchon, les cadres qui ont décidé de quitter LFI et qui ont réclamé des changements dans la démocratie interne du mouvement. Début juin, Le Monde se procurait une note interne, signée par une quarantaine de cadres et de militants, dénonçant « un fonctionnement dangereux pour l’avenir du mouvement ». Deux jours après, Charlotte Girard claquait la porte en mettant en avant des dysfonctionnements internes.
Sans jamais les nommer, M. Mélenchon les taxe de « nombrilisme » et leur adresse un message transparent : « Beaucoup de gens qui se sont plaints de ma prétendue manière impérative, s’en trouvaient fort contents au moment [où ils étaient nommés à des postes à responsabilité]. Ils n’ont jamais rendu de compte sur les conditions dans lesquelles ils ont été nommés, ni sur leur activité, mais nous avons été amplement informés des raisons de leur départ. C’est la vie ! Quand ça va mal, toutes sortes de vocations et d’audace apparaissent. »
Le discours de M. Mélenchon a agi comme un déclencheur chez Manon Le Bretton qui quitte donc, à son tour, LFI. Cadre de la formation mélenchoniste, issue du Parti de gauche (matrice de La France insoumise), Mme Le Bretton était la responsable de l’école de formation « insoumise » et fut candidate sur la liste aux élections européennes. Proche de Charlotte Girard, elle fait partie de ces « lanceurs d’alerte » à LFI qui souhaitent une refonte du fonctionnement interne, notamment par le truchement d’une assemblée constituante du mouvement.
« Virulence »
« Après [les] attaques ouvertes [de M. Mélenchon] sur les réseaux sociaux, la virulence avec laquelle celles et ceux qui ont formulé des critiques (…) en a glacé plus d’un. Nous voilà sommés d’aller voir ailleurs. Etonnante façon de conclure les travaux d’une assemblée qui planchait en particulier sur la nécessité d’intégrer la contradiction aux processus de décision, écrit Mme Le Bretton avant de poursuivre. Et le plus stupéfiant sans doute : dans tout ça, pas un mot pour saluer le travail titanesque de Charlotte Girard, dont le départ n’aura été évoqué à la tribune par aucun de ses camarades de lutte tout au long de ce week-end. Je ne sais pas avancer ainsi sans me retourner sur ceux qui nous quittent. » Elle ajoute : « Quel que soit mon attachement à l’Avenir en commun [le programme de LFI], il m’est devenu impossible de le défendre au sein de la France insoumise dans de telles conditions. »
Pour elle, comme pour Charlotte Girard, Djordje Kuzmanovic ou François Cocq (deux anciens porte-parole de LFI), la suite devrait s’écrire avec la mise en place des « cercles constituants », initiative qui entend créer des contre-pouvoirs et sortir de la logique institutionnelle.
Depuis l’élection européenne, beaucoup d’« insoumis » s’alertent, sous couvert d’anonymat, de l’ambiance de plus en plus délétère. « Il n’y a plus de bienveillance dans le mouvement », souffle ainsi une figure du groupe parlementaire. D’autres estiment que la nomination d’Adrien Quatennens comme coordinateur du mouvement et de Mathilde Panot comme vice-présidente du groupe à l’Assemblée national dénote un resserrement autour des fidèles. Un cadre abonde : « Il n’y a plus de paroles dissonantes, il ne reste que les soldats. C’est crispé, c’est un peu “nous contre le monde entier”. » En clair, il est toujours aussi difficile de questionner le fonctionnement de LFI. Car, M. Mélenchon l’a rappelé : « Mon rôle est consubstantiel au mouvement. » Critiquer La France insoumise revient donc à le mettre en cause personnellement.