La FAO, un test pour la Chine
La FAO, un test pour la Chine
Editorial. Elu à à la tête de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, le Chinois Qu Dongyu va devoir montrer que Pékin ne cherche pas à promouvoir un multilatéralisme aux couleurs chinoises.
Qu Dongyu, à Rome, lors de son élection, le 23 juin 2019, à la tête de la FAO. / VINCENZO PINTO / AFP
Editorial du « Monde ». Le 1er août, un Chinois prendra pour la première fois la tête de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Dimanche 23 juin, Qu Dongyu, un biologiste de 55 ans, a largement remporté le vote des pays membres qui l’opposait à Catherine Geslain-Lanéelle, la candidate française soutenue par l’Europe, ainsi qu’à Davit Kirvalidze, un Géorgien soutenu par Washington. Qu Dongyu succédera à un Brésilien, José Graziano da Silva.
Acquise au terme d’une campagne entachée par des rumeurs selon lesquelles certains pays membres de la FAO auraient vu leurs arriérés de paiement au budget ou des dettes disparaître juste avant le scrutin, la victoire du candidat chinois s’inscrit néanmoins dans une certaine logique.
La FAO est dirigée depuis un quart de siècle par le représentant d’un pays émergent et il n’y avait aucune raison de revenir sur cette tradition encore trop rare au sein des organisations internationales. Surtout, non seulement Pékin s’investit depuis des années dans la FAO, y compris sur le plan financier, mais la Chine peut aussi se prévaloir de réels succès dans la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire.
A titre personnel, Qu Dongyu, dernièrement vice-ministre de l’agriculture, met en avant l’engagement qui a été le sien, notamment dans deux domaines essentiels, la recherche scientifique et le microcrédit. Il a indiqué qu’il maintiendrait « les principes d’équité, d’ouverture, de justice, de transparence », qui caractérisent les missions de la FAO. Qu Dongyu sera pris au mot, car il porte une grande responsabilité sur ses épaules.
Alors que les dossiers de la FAO sont d’une importance majeure pour une bonne partie de l’humanité, la Chine peut faire valoir son expérience, mais ne peut pas prétendre imposer son modèle. D’abord, elle est le pays où les scandales dus au non-respect des normes sanitaires sont les plus nombreux. Par ailleurs, son succès dans la lutte contre l’insécurité alimentaire repose aussi sur le développement d’une agriculture non durable. La Chine est ainsi l’une des régions les plus affectées par la désertification, l’épuisement des ressources et la pollution des sols. Pékin doit profiter de son accession à la tête de la FAO pour faire évoluer ses propres pratiques agricoles.
Mais l’enjeu de l’élection de Qu Dongyu dépasse la seule FAO. Depuis plusieurs années, la Chine tente, non sans succès, d’accroître son rôle au sein des institutions internationales. Rien que de plus normal au regard de son poids dans l’économie mondiale. Le problème est qu’elle ne respecte pas toujours les règles du jeu définies par la communauté internationale et que l’on ne sait trop si ses représentants, une fois nommés à la tête de ces institutions, se considèrent comme au service de celles-ci ou aux ordres du Parti communiste chinois.
On l’a vu en 2018, lorsque la Chine a ordonné au président chinois d’Interpol de rentrer à Pékin afin d’y être arrêté et détenu au secret. Ce faisant, la Chine a nui gravement à la fois à sa réputation, mais aussi à celle d’un organisme dont la mission consiste à faciliter la coopération internationale entre les polices.
Alors que les Etats-Unis de Donald Trump font de plus en plus cavalier seul, la Chine rêve de se présenter comme le nouveau champion du multilatéralisme. Mais, pour le moment, tout porte à croire qu’il s’agit surtout de promouvoir un multilatéralisme aux couleurs chinoises. Il revient à Pékin de laisser Qu Dongyu prouver le contraire.