Treize jours après avoir secouru plus de 50 migrants, le « Sea-Watch 3 » erre toujours au large de Lampedusa
Treize jours après avoir secouru plus de 50 migrants, le « Sea-Watch 3 » erre toujours au large de Lampedusa
Par Jérôme Gautheret (Rome, correspondant)
La Cour européenne des droits de l’homme a refusé, pour un motif uniquement de forme, d’intervenir en urgence. Le navire a annoncé, mercredi, qu’il allait forcer le blocus des eaux italiennes.
Le navire humanitaire Sea-Watch 3 a annoncé, mercredi 26 juin, qu’il forçait le blocus des eaux territoriales italiennes au large de l’île de Lampedusa pour débarquer les 42 migrants bloqués à bord depuis quatorze jours. « Ça suffit, nous entrons. Pas par provocation, mais par nécessité, par responsabilité », a annoncé l’ONG Sea-Watch sur Twitter, tandis que les relevés des sites de trafic maritime confirmaient qu’il était entré dans les eaux italiennes.
Les migrants, secourus dans les eaux internationales par l’équipage du navire humanitaire Sea-Watch 3, dérivaient depuis le 12 juin dans le canal de Sicile, au large de Lampedusa, sans possibilité de débarquer nulle part. Mardi 25 juin, la requête déposée par l’ONG auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans le but d’obtenir la désignation d’un port sûr en Italie a été rejetée, pour un motif de pure forme, mais imparable : la Commission européenne n’ayant été saisie par aucun Etat membre, elle n’est pas fondée à agir.
Sans s’embarrasser de ces subtilités formelles, le ministre de l’intérieur, Matteo Salvini, s’est aussitôt appuyé sur la nouvelle du jugement pour affirmer que ses choix politiques ont obtenu le soutien de l’Europe. « La ligne d’ordre, de bon sens, de l’égalité et de justice de l’Italie est confirmée : les ports sont fermés aux trafiquants d’êtres humains et à leurs complices », a-t-il aussitôt salué, à peine connue la décision de l’instance européenne. Le Sea-Watch 3 a finalement annoncé, mercredi, en début d’après-midi qu’il allait forcer le blocus des eaux italiennes.
Blocage absolu
Pour les passagers du Sea-Watch 3, la décision de la CEDH signifiait en effet un retour au point de départ. Après le sauvetage de 53 personnes qui dérivaient sur un bateau pneumatique, les gardes-côtes libyens avaient intimé l’ordre de se diriger vers Tripoli. L’équipage ayant refusé de suivre cette instruction, rappelant que celle-ci est contraire au droit international de la mer, qui impose de débarquer les naufragés dans un « port sûr », le Sea-Watch 3, dont dix passagers ont été débarqués pour des raisons sanitaires et humanitaires, est, depuis cette date, dans une situation de blocage absolu, condamné à faire des ronds dans l’eau jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée.
https://t.co/ASvBFguZy3
— scandura (@Sergio Scandura)
Or, pour l’heure, personne ne semble s’être saisi du problème, et les demandes de faire débarquer les naufragés, émanant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ou de différentes ONG, ne rencontrent pas grand écho en Italie. Campant sur sa ligne d’absolue fermeté, Matteo Salvini a expliqué le fond de sa pensée lundi :
« L’Union européenne veut résoudre le problème “Sea-Watch” ? C’est facile. Bateau néerlandais, ONG allemande, la moitié des migrants à Amsterdam, l’autre moitié à Berlin. »
Lundi, l’archevêque de Turin avait proposé une sortie de crise en se disant disposé à accueillir les naufragés du Sea-Watch 3, « sans que cela ne coûte rien à l’Etat ». Il s’est aussitôt attiré une réponse sans appel du ministre de l’intérieur, sur son profil Facebook :
« Cher évêque, vous pourrez destiner l’argent du diocèse à 43 Italiens en difficulté. Les ports sont fermés pour qui ne respecte pas la loi. »