Yoann Richomme devance Gildas Mahé (Breizh Cola-Equithé) et Anthony Marchand (Groupe Royer-Secours Populaire). Une heure et 10 minutes séparent Richomme de Mahé après 14 jours de course. / JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Yoann Richomme (HelloWork-Groupe Le Télégramme) a remporté mercredi 26 juin, la 50e édition de La Solitaire Urgo Le Figaro. Cette victoire inscrit d’emblée ce marin de 35 ans dans une nouvelle page de l’histoire hauturière tant il aura survolé cette course disputée en quatre étapes, et tant sa maîtrise aura été éblouissante – il s’est adjugé la première étape et il a fini second sur la deuxième étape.

L’ultime étape, dont l’arrivée a été jugée aux alentours de 12 heures (Baie de Morlaix-Dieppe), a été remportée par Eric Péron (première victoire en Figaro) suivi à trente-huit secondes par Armel Le Cléac’h. Trois minutes plus tard Corentin Douguet s’adjugeait la troisième place. Richomme, lui, termine quatrième.

Le podium général est complété par Gildas Mahé (Breizh Cola-Equithé) et Anthony Marchand (Groupe Royer-Secours Populaire). Ce dernier prive dans la dernière étape le Normand Alexis Loison de la troisième marche. Une heure et dix minutes séparent Richomme de Mahé après quatorze jours de course.

Intelligence subtile

Concernant Richomme, les suiveurs de ce sport ne s’en émouvront pas nécessairement sachant qu’ils avaient couché dans leurs favoris ce coureur au physique puissant et à l’intelligence subtile. Chez Richomme les mots ont une valeur précise. Il en a besoin car ce sont des outils. C’est souvent par les mots que commence la solidité d’une stratégie ou la construction d’une option météo.

On dira que cela vient certainement de sa formation rigoureuse d’architecte naval dispensée à Southampton, là même où Marc Van Peteghem et Vincent Lauriot-Prévost, les « pères » du nouveau Figaro (le bateau est désormais équipé de foils, ces « plans porteurs » permettant de réduire la surface mouillée, donc de gagner en vitesse), ont aussi fait leurs études dans le Hampshire, il y a plus de trente-cinq ans.

Richomme donne l’impression de rendre intelligible les choses compliquées. Mais aussi sur le ponton sait, par politesse, abréger une conversation : « Je ne vais pas donner d’explications maintenant car je vais ennuyer tout le monde », dira t-il avec un sourire malicieux au terme de la première étape remarquablement courue.

Gagner Le Figaro – qu’il avait déjà remporté en 2016 – c’est comme traduire en persan un texte en vieux français sur un parchemin ridé après en avoir fait une première traduction en grec ancien. Le tout dans un inconfort terrible et ceci sans compter la privation de sommeil. Autant dire que cet homme mérite tous les éloges.

Les derniers deviennent les premiers

Il faut aussi croire que Richomme déchiffre la Manche, de même que l’Atlantique, comme un rébus. En novembre 2018, il avait remporté la Route du Rhum en Class40 (12,19 m) dans un temps record : seize jours et trois heures.

Le plus saisissant sur cette cinquantième édition de la Solitaire, ce sont les écarts qui se sont créés dès la première étape. Gildas Mahé, piégé avec l’ensemble de la flotte dans une route ouest vers Kinsale, accusait un retard de… neuf heures. « Comme j’avais pris la décision de rester avec la meute, je suis resté avec la meute pour ne pas prendre de risque et résultat, j’ai pris une bâche avec la meute ! » Autant dire qu’un podium était dès lors inenvisageable pour le Brestois.

Puis les deux étapes suivantes ont totalement modifié la donne. Et comme dans les Ecritures, les derniers se sont retrouvés les premiers à la faveur des étapes « deux » et « trois » qui ont modifié la physionomie de la course, notamment l’étape « trois », celle où bon nombre de favoris se sont trouvés piégés dans les courants des îles anglo-normandes.

Mahé est alors revenu dans le coup, arrachant cette place sur le podium, à la fois inespérée au regard de la première étape loupée et totalement méritée, du moins jugée à l’aune de son métier et de son talent. Cette course, probablement l’une des plus difficiles au monde, et sur un nouveau bateau, donne parfois l’impression que les marins savent sans avoir besoin d’apprendre, le tout en apprenant tous les jours.

Ce sera la morale de cette cinquantième édition sensationnelle dont le vainqueur est un architecte naval et barbu qui, il y a deux mois, a remplacé au pied levé Charles Caudrelier, skipper attitré de HelloWork-Groupe Le Télégramme appelé comme co-skipper de l’Ultim Gitana, ce trimaran qui « vole ».