« L’Afrique doit aussi dire “Stop” au cancer »
« L’Afrique doit aussi dire “Stop” au cancer »
Par Lalla Malika Issoufou et Rebecca Moeti Matshidiso
En marge du sommet de l’Union africaine du 4 au 8 juillet, les premières dames du continent lancent un appel à l’action pour enrayer le fort développement de la maladie.
Le Palais des congrès de Niamey, au Niger, accueillera le sommet de l’Union africaine du 4 au 8 juillet 2019. / ISSOUF SANOGO / AFP
Tribune. La lutte contre le cancer, y compris les traitements et la détection précoce, a fait d’énormes progrès ces dernières années. Malheureusement, cela n’a pas été le cas partout. Si, dans la plupart des pays à revenu élevé, la précision des diagnostics ainsi que les traitements du cancer permettent de sauver de plus en plus de vies, il n’en est pas de même en Afrique. Le cancer fait de plus en plus de victimes, que les systèmes de santé ne sont pas à même d’éviter.
Selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on estime que 70 % des décès liés au cancer surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. En 2018, il y a eu 9,6 millions de décès dus au cancer dans le monde. Si l’on ne réagit pas assez vite, un homme sur cinq et une femme sur six dans le monde développeront un cancer au cours de leur vie, et un homme sur huit et une femme sur onze en mourront.
Ampleur des risques
Pour l’Afrique, c’est une tragédie. Alors que ce continent commence à peine à surmonter le fléau des maladies infectieuses, il est à présent durement affecté par les maladies non transmissibles, notamment le cancer. Avec l’accroissement de la longévité grâce à la maîtrise des maladies transmissibles et des épidémies, les personnes vivent plus longtemps mais d’autres maladies, telles que le cancer, se développent.
Nous savons aujourd’hui qu’il est possible de réduire d’environ un tiers la charge du cancer en appliquant des stratégies de prévention destinées à réduire l’exposition aux principaux facteurs de risque, dont la mauvaise alimentation, le manque d’exercice physique, l’usage de tabac et d’alcool, l’urbanisation, l’excès d’exposition aux rayons solaires ou le contact prolongé à des produits cancérigènes. Malheureusement en Afrique, beaucoup de nos concitoyens ne sont pas conscients de l’ampleur de ces risques.
Il est également possible de réduire la charge du cancer d’un autre tiers par le diagnostic précoce et les traitements appropriés. Aujourd’hui, la radiothérapie et la chimiothérapie peuvent guérir environ 50 % des cancers et réduire les souffrances des patients qui sont à un stade avancé de leur maladie. Malheureusement, en Afrique, moins de 25 % des patients atteints de cancer ont accès à ces traitements.
L’objectif de la rencontre de Niamey sur le cancer, sous le parrainage des premières dames d’Afrique, est de dire « STOP » à cette maladie. Dans la perspective de l’Agenda 2030 des Objectifs de développement durable des Nations unies, cette rencontre donne l’occasion aux pays africains de réfléchir sur les actions les plus à même de lutter efficacement contre le cancer et de mettre en avant les pratiques ayant permis de réduire le fardeau du cancer, comme par exemple les activités de lutte contre les facteurs de risque et la détection précoce, des services adéquats d’anatomo-pathologie, des thérapeutiques ciblées, les soins palliatifs et un personnel en quantité suffisante et correctement formé.
Cadre de vie plus sain
Nous appelons à plus d’engagement des autorités politiques et des partenaires techniques et financiers au plus haut niveau, afin d’inscrire la lutte contre le cancer parmi les priorités nationales de santé publique en Afrique. Nous leur demandons d’inclure la prévention et la prise en charge des maladies non transmissibles, dont le cancer, dans leurs plans stratégiques pour un développement inclusif et durable.
C’est une question de volonté politique pour laquelle nous avons besoin de l’engagement de tous : gouvernements, ministères de la santé publique, organisations internationales, corps médical et populations. Leurs actions doivent se réaliser en synergie les unes avec les autres et dans l’optimisation des ressources disponibles. Le défi est trop grand pour agir autrement.
Sommaire de notre série « Carnet de santé »
Chaque mercredi, Le Monde Afrique propose une enquête, un reportage ou une analyse pour décrypter les avancées des soins et de la prévention sur le continent.
Sida, Ebola, paludisme… Qui sont les « Big Killers » en Afrique ?
Durée : 11:19
La lutte contre le cancer doit être décentralisée et « démocratisée » pour plus d’équité. Il s’agit de soutenir les services de santé de base, les services précaires et de sensibiliser les communautés locales pour une détection précoce du cancer, notamment par la connaissance des signes et symptômes, et le cas échéant, favoriser la prise en charge rapide de la maladie.
Ces recommandations fournissent un cadre technique permettant d’agir, cependant elles ne seront pas suffisantes sans un vrai leadership des chefs d’Etat et de gouvernement pour la prévention et la prise en charge précoce du cancer. Il leur revient d’impulser la mise en œuvre des plans stratégiques de lutte contre cette maladie et d’assurer aux populations un cadre de vie plus sain.
Dr Lalla Malika Issoufou, première dame, marraine de la lutte contre le cancer au NIger, pays hôte de la rencontre.
Dr Rebecca Moeti Matshidiso est directrice régionale de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique.