L’Américaine Serena Williams n’a laissé aucune chance à la Tchèque Barbora Strycova, en demi-finales de Wimbledon, jeudi 11 juillet. / Ben Curtis / AP

Cela commence à devenir une habitude sur le circuit féminin. Le tableau dames de Wimbledon a été, une fois de plus, un jeu de quilles et de surprises : des éliminations précoces des cinq premières têtes de série, dont la numéro un mondiale Ashleigh Barty, sa dauphine Naomi Osaka, Karolina Pliskova ou encore la tenante du titre, Angelique Kerber, à l’avènement de la jeune Cori Gauff (15 ans et 3 mois), sortie des qualifications et huitième de finaliste.

Mais la logique a repris in extremis ses droits. La finale, samedi 13 juillet, opposera bien deux « taulières » : Simona Halep (n° 7 mondiale) à Serena Williams (n° 10). En demi-finales, jeudi 11 juillet, la Roumaine de 27 ans a écœuré l’Ukrainienne Elina Svitolina (6-1, 6-3) en 1 h 14, avant que l’Américaine ne fasse de même de façon encore plus expéditive (6-1, 6-2 en cinquante-neuf minutes) face à une autre novice à ce niveau, la Tchèque Barbora Strycova. Mais l’équilibre sur le papier entre les deux finalistes s’arrête là.

Halep, enfin la main verte

Si Halep disputera sa cinquième finale en Grand Chelem, ce sera sa toute première sur le gazon londonien. Victorieuse de Roland-Garros en 2017, la terrienne concède qu’il lui a fallu du temps pour soigner son allergie à la surface. « J’adore le gazon, c’est la première fois que je dis ça !, s’amusait-elle avant sa demi-finale. Pendant ce tournoi, j’ai commencé à sentir la surface, dans mes mains, les jambes et aussi dans ma tête. Je me sens plus en confiance. Maintenant, à chaque fois que la balle arrive, je sais quoi en faire, je ne panique pas. »

Depuis le début de la quinzaine, la joueuse de fond de court vient plus au filet, joue plus d’amorties, plus de slices aussi. Et c’est seulement maintenant qu’elle prend conscience du vertige de fouler le « Temple » du tennis.

« J’ai toujours aimé les courts, les fleurs, le fait de devoir jouer en blanc, de voir les trophées quand on joue sur le Court central. Mais c’est seulement cette année que je me suis dit que c’était impressionnant de gagner, parce que vous devenez membre du club [tout vainqueur devient membre à vie du très sélect All England Lawn Tennis and Croquet Club, qui organise le tournoi] », explique l’ex-numéro un mondiale.

« Peu importe le chiffre, 23, 24, 25… »

Elle, en revanche, mesure depuis longtemps la portée historique de Wimbledon puisqu’elle a fait son entrée au All England Club en 2002, année de la première de ses sept victoires. Serena Williams avait alors 21 ans, elle en a bientôt 38 et y disputera samedi sa onzième finale. L’Américaine aura l’occasion de décrocher son 40e titre du Grand Chelem, le 24e en simple, ce qui lui permettrait d’égaler le record de l’Australienne Margaret Court (entre 1960 et 1973).

Jeudi, à l’issue de sa victoire sur Barbora Strycova, elle disait ne pas en faire une obsession. « En fait, je n’y pense pas parce que peu importe le chiffre, 23, 24, 25… ce qui compte, c’est que je donne tout sur le court et peu importe ce que je fais, à la fin, j’aurai de toute façon signé une grande carrière. Je me sens vraiment sereine. »

On n’est évidemment pas obligé de la croire. Son entraîneur, Patrick Mouratoglou, répète à longueur d’interviews que son objectif est non seulement d’égaler le record de Court, mais de le battre : « Elle sait qu’elle l’a dans la raquette et encore dans les jambes, il reste un dernier coup de collier à mettre pour y arriver », disait-il au Monde, au printemps.

Williams court après ce record depuis janvier 2017 et sa 23e victoire en Grand Chelem, à Melbourne. Mais il n’a eu de cesse de lui échapper. Elle a d’abord mis sa carrière entre parenthèses pour donner naissance à son premier enfant en septembre 2017. Pour sa reprise la saison dernière, elle l’a par deux fois touché du doigt : d’abord à Londres, en juillet, puis à New York, en septembre, où elle s’est hissée en finale.

A Wimbledon, elle n’avait pas pu lutter face à Angelique Kerber. « Je me souviens juste que j’étais crevée et qu’Angie avait joué de façon incroyable. Je n’avais rien pu faire et physiquement j’étais absente. Après cette défaite, j’ai mis les bouchées doubles à l’entraînement pour être physiquement au top. »

Un mois plus tard à l’US Open, elle avait été balayée par la Japonaise Naomi Osaka, sabotant le match dans un affrontement en mondovision avec l’arbitre de chaise.

Quête entravée par les blessures

Depuis, plusieurs blessures sont venues entraver sa quête. A Melbourne, en janvier, sa cheville était en délicatesse (rupture des ligaments). A Roland-Garros, en mai, elle s’est présentée cette fois avec un genou droit en miettes (élimination en huitièmes).

Et puis elle a fait une pause entre Paris et Londres, soigné son genou pour finalement retrouver ses fondamentaux ces jours-ci. « C’est la première fois depuis l’Open d’Australie que je me sens vraiment bien. L’année a été très, très longue et difficile pour moi car je n’ai pas l’habitude de me blesser autant. Je ne sais pas où j’en suis mais je sais que je me sens bien, ce qui fait que je peux me concentrer sur l’entraînement, la technique et le jeu », dit celle qui devient la plus vieille finaliste d’un tournoi du Grand Chelem depuis le début de l’ère Open.

Et l’Américaine d’insister sur les bienfaits de son association en double mixte avec Andy Murray, même si l’expérience a pris fin dès les huitièmes. Jeudi, en demi-finales, elle a ainsi pris d’assaut le filet en abusant de volées : « D’habitude, je n’attaque pas autant au filet », admit-elle.

Samedi, face à une adversaire qu’elle a battue neuf fois en dix affrontements, elle sera la grande favorite. Mais en bonne communicante, elle chante les louanges de la Roumaine : « Je ne le sous-estime pas, j’admire sa capacité à trouver de l’énergie, elle est comme une pile électrique. Je crois que la voilà de retour. »

Une phrase qu’on aurait crue mot pour mot appliquée à elle-même.