Maximilien d’Autriche, stratège bègue et amoureux
Maximilien d’Autriche, stratège bègue et amoureux
Par Philippe-Jean Catinchi
Cinq cents ans après sa mort, un documentaire revient sur l’héritage de cet empereur, fin politicien qui a façonné l’Europe
Célébré le même jour que le centenaire du traité de Versailles (28 juin 1919), qui scellait le sort de l’Allemagne au sortir de la Grande Guerre, il est l’anniversaire nettement moins commémoré d’un événement qui fut pourtant déterminant dans l’histoire de l’Europe. Le 28 juin 1519 en effet, au terme d’un âpre jeu d’influences diplomatiques et de tractations financières, le jeune roi d’Espagne Charles Ier, petit-fils de l’empereur Maximilien – né en 1459 et mort en janvier 1519 –, est élu roi des Romains et accède ainsi à la tête du Saint-Empire romain germanique sous le nom de Charles Quint. C’est grâce au soutien des banquiers d’Augsbourg que le Habsbourg l’emporte sur le roi français de la maison de Valois, François Ier.
A partir de ce jour-là, la France est encerclée par la dynastie autrichienne. Prenant en tenaille le royaume, les Habsbourg deviennent le péril majeur aux yeux des rois français pendant près de deux siècles. Coalitions et guerres, alliances pragmatiques, mariages et cessions territoriales, toute l’histoire de l’Europe semble déterminée par ce jour d’été 1519 où s’accomplit le grand projet de l’empereur Maximilien. La méthode et l’héritage de ce monarque sont au cœur du documentaire de Manfred Corrine.
Une écrasante figure paternelle
L’homme a fait preuve d’une constante détermination. Dernier représentant d’un monde obsédé par les codes et les valeurs d’une chevalerie idéale, il était d’une lucidité politique sans faille. Fils du duc d’Autriche et empereur Frédéric III (1415-1493), le jeune homme souffre de la sévérité de son père, au point d’en bégayer. Sa mère, Aliénor de Portugal (1434-1467), est morte trop tôt pour lui apporter l’affection nécessaire. Simple pion dans la stratégie du duc d’Autriche, dont le titre impérial octroie plus de prestige que de réels pouvoirs, le jeune Maximilien assiste, fasciné, en 1473, à la rencontre, à Trèves, de son père et du duc de Bourgogne Charles le Téméraire (1433-1477). Si les pourparlers d’union entre les dynasties tournent court, le faste du Bourguignon éblouit l’adolescent. Lorsque Charles périt devant Nancy en 1477, sa fille unique, Marie, est plus que jamais une prise de choix. Alors que Louis XI la convoite pour son dauphin, Frédéric III parvient à marier son héritier à la jeune femme. Et ce, malgré l’impécuniosité du promis, qui doit attendre à Cologne l’argent de la duchesse Marie afin de pouvoir se rendre à Gand, où leur mariage doit être célébré. L’union, heureuse, ne dure pas, Marie mourant des suites d’une chute de cheval en mars 1482.
Désormais bénéficiaire, au nom de leur fils Philippe (1478-1506) des richesses de la Bourgogne, Maximilien va s’efforcer d’appliquer au duché d’Autriche, plus tard au Saint-Empire, les réformes qui feront de ces Etats une puissance moderne. Par une stratégie matrimoniale qui tisse un véritable filet enserrant cette France qui manqua lui ravir Marie, et avec l’aide de sa fille Marguerite, Maximilien assura à la dynastie Habsbourg un rétablissement et une ascension qui ne tardèrent pas à rayonner sur le monde, ancien et nouveau.
Sobre et précis, ce documentaire privilégie l’information et la logique stratégique de l’empereur sans surenchère dans les reconstitutions. Le choix du dialogue entre Maximilien et sa fille Marguerite, autre tête politique majeure, est particulièrement astucieux.
Maximilien d’Autriche. Amour et pouvoir à la Renaissance, documentaire réalisé par Manfred Corrine (Aut., 2017, 51 min).