Manifestation d’éleveurs anti-loups, à Lyon, en 2017. / Robert Pratta / REUTERS

L’affrontement entre pro et anti-loups se déplace des pâturages vers le terrain judiciaire. L’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) et l’association pour la défense des grands prédateurs Ferus ont annoncé, lundi 29 juillet, le dépôt d’une requête devant le Conseil d’Etat, contre un arrêté du 26 juillet relatif aux abattages de loups.

Ce texte, signé des ministres de la transition écologique et de l’agriculture, officialise les mesures annoncées au mois de mai par les deux ministères. A savoir un relèvement du plafond de « prélèvements » autorisés. Alors qu’il était en 2018 de 10 % de la population de canidés, avec une majoration possible de 2 % si ce quota était atteint avant la fin de l’année, le seuil a été porté à 17 %, avec toujours un complément possible de 2 %.

Rapporté à un effectif d’environ 530 loups présents sur le territoire national, selon l’évaluation établie début juin par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), le plafond de 17 % correspond donc à l’abattage de 90 prédateurs. Avec les 2 % suplémentaires, le total grimpe même à 100.

« Début de prise de conscience »

Le Cercle 12, un groupement de quelque 170 éleveurs ovins de l’Aveyron, salue une « avancée ». Selon son décompte, 51 loups ont déjà été tués depuis le début de l’année – contre 19 à la même période en 2018. Si bien, écrit-il, qu’il « reste 39 loups » à éliminer pour atteindre le quota annuel, sans compter le complément possible.

La direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Auvergne-Rhône-Alpes, chargée du suivi du loup en France, fait pour sa part état de 48 loups « détruits » au 24 juillet – presque autant que les 51 abattus sur l’ensemble de l’année 2018 –, auxquels s’ajoutent 16 carnivores morts de « cause accidentelle, naturelle ou indéterminée ».

Le groupement d’éleveurs se félicite aussi d’autres dispositions prévues par l’arrêté. Celui-ci facilite en effet les tirs de prélèvement dans les communes où les prédations sont récurrentes et importantes, ainsi que dans les zones considérées comme difficilement protégeables. Et ces tirs sont autorisés à partir du 1er juillet, et non plus du 1er septembre comme par le passé.

« C’est un début de prise de conscience du danger que représente le loup, non seulement pour le pastoralisme mais aussi pour les autres activités humaines comme le tourisme, commente Mélanie Brunet, coprésidente du Cercle 12 en même temps que de la Fédération nationale de défense du pastoralisme. Notre but n’est pas de mettre des loups à notre tableau de chasse, mais de protéger nos troupeaux. » A ses yeux, la baisse sensible du nombre de bêtes victimes du prédateur – 3060, dont 90 % d’ovins, sur les six premiers mois de l’année, contre 3778 en 2018 sur la même période et 3453 en 2017 – prouve « l’intérêt de la régulation » du canidé.

Espèce protégée

La directrice de l’Aspas, Madline Reynaud, condamne en revanche un arrêté qui constitue « une trahison honteuse » des engagements de la France en faveur de la biodiversité, le loup étant une espèce protégée par la convention de Berne de 1979 et par la directive européenne habitat-faune-flore de 1992. Cela, accuse-t-elle, sous la pression « des lobbys agricoles qui refusent la cohabitation » avec le prédateur. Selon elle, ces mesures « sont dangereuses pour la survie du loup en France », où les tirs de prélèvement sont « de six à dix fois plus élevés que chez nos voisins européens ».

Revenu naturellement en France en 1992 depuis l’Italie – sans avoir été réintroduit donc –, Canis lupus a certes vu sa population fortement progresser, puisqu’elle n’était que de 430 individus au sortir de l’hiver 2017-2018, et qu’elle a passé cette année le cap de 500, présents principalement dans l’arc alpin et en Provence. Selon l’ONCFS, cet effectif lui permet d’atteindre le seuil de viabilité démographique, c’est-à-dire la capacité à moyen terme (100 ans) à « résister au risque d’extinction par aléas de survie et de fécondité ».

Mais il en va différemment pour la viabilité génétique, autrement dit l’aptitude à « s’adapter à des conditions d’environnement changeantes à l’échelle des temps évolutifs ». Selon une expertise scientifique internationale menée sur ce sujet en 2017, cette viabilité sur le très long terme nécessite la présence d’« environ 2500 individus sexuellement matures ». Le loup est encore très loin d’avoir atteint cet effectif dans l’Hexagone.