En équipe de France de basket, de nouveaux Bleus sont entrés par les fenêtres
En équipe de France de basket, de nouveaux Bleus sont entrés par les fenêtres
Par Clément Martel (Pau, envoyé spécial)
L’équipe prépare le Mondial 2019 avec un groupe recomposé, dont plusieurs joueurs ayant su saisir leur chance pendant les qualifications.
Paul Lacombe, ici face aux joueurs bulgares, a tiré son épingle du jeu lors des fenêtres de qualification pour le Mondial. / DIMITAR DILKOFF / AFP
Paul Lacombe est un rescapé. Pourtant à le voir poser, en sueur et tout sourire, à la fin de juillet et au début d’août avec les spectateurs palois venus assister à l’entraînement de l’équipe de France de basket, difficile de croire que le joueur avait, un temps, cru le train bleu parti sans lui. Comme Andrew Albicy et Mathias Lessort, l’arrière de Monaco a profité du nouveau système – alambiqué – de qualifications pour le Mondial, pour faire son trou en équipe de France.
Et alors que les Bleus disputent, lundi 5 août, leur premier match de préparation à la Coupe du monde, en Chine (contre la Turquie, à Pau, à 20 h 30), les trois hommes, passés par les fenêtres de qualifications, ont tiré leur épingle du jeu, et sont bien partis pour être de l’escouade envoyée en Chine. Là où personne n’aurait parié un yuan sur eux, voici deux ans. A commencer par eux-mêmes.
A l’occasion du Mondial 2019, la Fédération internationale de basket (FIBA) a chamboulé son format des qualifications. Place désormais à un fonctionnement par « fenêtres internationales » réparties au long de la saison, calqué sur ce qui se fait au football, pour servir, selon le vœu de l’instance, « d’accélérateur de croissance » au basket. Sauf que l’univers du ballon orange n’est pas régi par les mêmes acteurs que le foot, et que cette réforme a été mise en application sans avoir négocié d’accord avec la NBA et l’Euroligue, les deux meilleures ligues du monde. Des ligues privées qui n’ont pas libéré leurs joueurs pour ces fenêtres. Et obligé les différentes nations à recomposer des équipes hétéroclites, sans leurs meilleurs joueurs.
« Sans état d’âme »
« C’est l’équipe de France F ! », a même ironisé Tony Parker sur RMC Sports, en septembre 2018, confessant « avoir du mal à reconnaître l’équipe », privée du ban (les joueurs NBA) et de l’arrière-ban (ceux d’Euroligue). Se défendant de « manquer de respect aux joueurs, talentueux », appelés pour les fenêtres, le meilleur joueur de l’histoire du basket hexagonal s’en était pris à la FIBA, et à sa décision de tout changer sans s’accorder avec les toutes puissantes ligues privées.
Près d’un an plus tard, les rescapés de ces Expendables version ballon orange ne se formalisent pas de cette sortie. Comme dans la franchise de Sylvester Stallone contant les aventures d’une bande de mercenaires « sacrifiés » par avance, la « Team France » était prévenue. « On savait tous pourquoi on était là », martèle Paul Lacombe.
Et tous l’ont fait sans état d’âme. « Ils ont été magnifiques, répète à l’envi le sélectionneur Vincent Collet à leur égard. Ceux qui sont là [dans le groupe préparant le Mondial] mais également tous les autres, toute l’équipe leur est redevable. » Et les stars, Rudy Gobert et Nicolas Batum en tête, en ont bien conscience. Car la profondeur du réservoir hexagonal a évité à la France de vivre la mésaventure de la Slovénie, championne d’Europe en titre, mais privée de Mondial en raison de trop nombreuses absences en qualifications.
« Peur d’aller droit dans le mur »
Sur les trente joueurs qui sont allés jouer à Tuzla, Krasnodar, Anvers ou Espoo depuis deux ans, quatre sont dans le groupe qui prépare le Mondial dans leur « sorte de Clairefontaine [béarnais] du basket », où les Bleus se réunissent depuis dix ans (Lacombe, Albicy, Lessort et Amath M’Baye). « C’est une fierté évidemment !, assène Paul Lacombe. Je représente tous les gars qui sont venus pour les fenêtres, et qui ont porté ce maillot de très belle manière. » Lui se souvient très bien du tout premier match de ces qualifications, à Anvers contre la Belgique, où les Bleus avançaient en terre inconnue. « On avait vraiment peur d’aller droit dans le mur, mais au final on a réussi à qualifier l’équipe quasiment sans les stars. »
Lors des fenêtres FIBA, Vicent Collet a trouvé en Andrew Albicy un relais sur le terrain. / JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
Après un Euro 2017 ayant vu les Bleus, largement diminués par les absences, dilapider l’assise défensive leur ayant permis d’atteindre les sommets du basket international, Vincent Collet entendait profiter de ces fenêtres pour réinsuffler un supplément d’âme à son équipe.
Et son groupe, composé de joueurs du championnat de France ou issus de clubs européens ne disputant pas la prestigieuse Euroligue, a répondu présent. Et vu des leaders émerger. « Lacombe, Lessort et Albicy ont montré bien au-delà du simple état d’esprit, juge le coach français. Ils ont de vraies qualités au niveau international. Lors des matchs difficiles contre des équipes solides, ils ont montré qu’ils pouvaient prétendre à la sélection finale. C’est aussi pour ça qu’ils sont là aujourd’hui. »
Un héritage à transmettre
Dès l’annonce de la sélection, en juin, Collet a assuré le pivot et le meneur de leur présence dans le groupe envoyé en Chine. « Aujourd’hui, je suis encore surpris d’être dans l’équipe finale », s’amuse Albicy, seul joueur à avoir disputé les douze rencontres des qualifications. Si Lacombe doit gagner sa place dans les douze, le joueur, en fin de contrat avec Monaco, est en ballottage favorable pour passer le cut – à la différence d’Amath M’Baye, qui semble bloqué par la concurrence à l’intérieur.
« La dynamique qu’a affichée l’équipe durant ces deux années doit obligatoirement perdurer, avertit Patrick Beesley, le manageur général des Bleus. Et l’équipe doit se montrer à la hauteur, tant dans les résultats que dans l’attitude. » Garants de l’héritage, les rescapés de la « Team France » aspirent à maintenir l’état d’esprit commando instauré pendant la rotation imposée ; sans, pour autant, se prendre pour des joueurs qu’ils ne sont pas. « Les fenêtres ont offert l’opportunité à certains joueurs de se montrer sous le maillot bleu, une chance qu’on n’aurait peut-être pas eue s’il y avait eu tout le monde, résume Mathias Lessort. Et avec Andrew, Paul et Amath, on a su la saisir. » Et ils n’auraient rien contre faire de même dans l’empire du Milieu.
France-Turquie, premier match de préparation au Mondial. Lundi 5 août, à Pau (20 h 30).