C’est un serpent de mer, mais il n’en finit plus de remonter la Seine. Paris attend toujours son second club, celui capable de titiller le Paris-Saint-Germain, cet enfant unique de la capitale dans l’élite du football français depuis 1990. Cette année-là, le parcours du Racing Paris 1, abandonné par Jean-Luc Lagardère et son entreprise Matra une saison plus tôt, s’achevait par une double relégation, sportive et administrative en 3e Division. La Ville Lumière est donc encore loin des finales de Ligue des champions (2014 et 2016) entre le Real Madrid et son voisin de l’Atlético ou de Londres et ses huit clubs en Premier League.

Pourtant, un club pointe à la porte de la Ligue 1 dans un certain anonymat pour l’instant. Actuel 5e du classement de Ligue 2 (avant d’accueillir le leader, Brest lundi 21 janvier), le Paris FC peut rêver à une cohabitation avec son riche et prestigieux voisin la saison prochaine. Plus populaire, le Red Star (sis à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis) ambitionne aussi d’être le second club parisien, mais lutte pour le maintien en L2 cette saison (avant-dernier après 20 journées).

« La montée en Ligue 1 est une ambition, mais pas un objectif, car le chemin à parcourir est encore très long. L’objectif est de se maintenir en Ligue 2 avant de viser la montée dans trois saisons », tempère Pierre Ferracci, le président, arrivé en 2012 et symbole de la renaissance de ce club installé dans l’Est parisien. Le dirigeant sait que dans l’histoire de son club, rien n’a jamais été simple. A commencer par sa création.

« Un nouveau beau club à Paris différent du PSG »

En 1969, Paris n’a plus de club en première division, la Fédération française de football charge une commission d’en créer un capable d’y prétendre. Le Paris Football Club est né. Un an plus tard, l’entité fusionne avec le stade Saint-Germain (Yvelines) alors au niveau amateur qui deviendra le PSG. En 1972, le club est scindé en deux. La Mairie de Paris refuse de soutenir (et mettre à disposition le Parc des Princes) à ceux qu’elle considère comme des banlieusards. La section professionnelle reste en D1 sous les couleurs du PFC, les amateurs repartent eux en 3e Division conservant l’identité de l’actuel PSG.

La suite sera une histoire de descentes (en D2 dès 1974), de changements de noms (Paris FC 83, Paris FC 98, Paris FC 2000) avec son lot de galères et de projets de relance avortés. Alors pour tenir l’objectif d’une montée en 2022, Pierre Ferracci (PDG d’Alpha, groupe spécialisé dans le conseil aux comités d’entreprise) inaugurera en avril les nouveaux bureaux et le centre d’entraînement flambant neuf, installés à Orly.

La mission décollage a été confiée depuis 2016 à Pierre Dréossi. Habitué à structurer des clubs, l’ancien directeur sportif de Lille et Rennes annonce vouloir « faire un nouveau beau club à Paris complètement différent du PSG avec un budget plus raisonnable et un stade rempli d’un public plus cosmopolite et populaire ».

Lalaina Nomenjanahary en action face au Red Star en décembre 2018. / Jacques Martin / Paris FC

Miser sur la formation

Avec un budget de 12,5 millions d’euros, le Paris FC est loin d’être une des grosses cylindrées de la Ligue 2 et construit son projet sur la formation de jeunes joueurs. Le potentiel est à portée de main, l’Ile-de-France étant – avec la région de Sao Paulo, au Brésil – le plus grand vivier de jeunes footballeurs de talent au monde. « Le projet, c’est de faire un club parisien avec des joueurs issus de la région parisienne, dans le but de commencer à récolter les premiers fruits de notre centre de formation dans trois ans », détaille Pierre Dréossi.

Dans cette optique, Jean-Luc Ruty, ancien directeur de la formation sochalienne et toulousaine, est arrivé lors du lancement du centre de formation à l’été 2018, pour encadrer les jeunes du Paris FC. Le talent est là, encore faut-il le retenir. Et non plus les voir s’en aller pour rejoindre des structures professionnelles, comme ce fut le cas, par exemple, pour les internationaux Mamadou Sakho et Lassana Diarra, tous deux passés par le stade Déjerine, porte de Montreuil, le berceau du club.

Pour conforter cette stratégie, Pierre Dréossi a exigé la modernisation du stade, insalubre et hors d’état, qui servira toujours pour les joueurs de moins de 16 ans, en école de football comme en préformation : « On a besoin de rénover le stade Déjerine pour faire en sorte d’avoir une préformation qui va nourrir notre centre de formation. » La Mairie de Paris a ainsi contribué à hauteur de 2 millions d’euros à la rénovation du complexe de Déjerine ainsi qu’à la construction du centre d’entraînement.

Ces financements importants sont d’autant plus étonnants qu’en France il est rare d’avoir deux clubs professionnels dans une même ville. Clément Lestrelin, maître de conférences en sciences sociales du sport pense que « cette situation renvoie aux années 60 lors de l’accélération de la municipalisation du football où les mairies préfèrent privilégier l’existence d’un seul club de football ».

Cependant, le PSG de 2019 n’a plus besoin des financements des collectivités locales. « Le jeu devient ainsi plus ouvert pour accompagner un autre club professionnel à Paris et le projet de formation des jeunes est un argument pouvant emporter la décision des élus », positive Clément Lestrelin.

Charléty, ce stade mal aimé

Reste un autre chantier tout aussi important, celui du stade. « Le Paris FC a toujours été un club qui se baladait partout, du Parc des Princes en alternance avec le PSG à son voisin du stade Jean-Bouin, en passant par Troyes ou Villemonble », rappelle Christian Amara, dirigeant historique et deuxième actionnaire derrière Pierre Ferracci. Selon lui, cette instabilité permanente constitue encore l’une des failles du club et explique en partie que le PFC peine à fidéliser son public.

Et ce n’est pas le stade Charléty, dans le 13e arrondissement, qui est susceptible de servir de tremplin. « C’est un stade d’athlétisme qui ne correspond pas, en l’état, à ce qu’on veut », souligne Pierre Ferracci. Plutôt qu’un déménagement, le dirigeant privilégie la piste d’une rénovation. « Je veux que le Paris FC évolue nulle part ailleurs qu’à Paris et ça me dérangerait d’aller jouer à Jean-Bouin dans un souci identitaire à cinquante mètres du Parc des Princes, le fief du PSG. »

Une fois réglée cette question du stade restera celle du public. Qu’il faudra attirer. Or, actuellement, on est loin du compte : Charléty accueille seulement 3 447 supporteurs en moyenne, soit la quinzième affluence de L2 dans une enceinte qui peut contenir jusqu’à 18 528 personnes. « Les Parisiens sont très élitistes et ne sont pas attirés par le football populaire », avance comme début d’explication Maxence Glevarec, chef des Ultras Lutetias, l’un des deux groupes de supporteurs du club, fondé en 2014. Le PFC entend malgré tout attirer un public populaire, s’appuyant sur des abonnements annuels qui oscillent actuellement entre 80 et 120 euros.

Garder la fibre populaire n’exclut pas de cesser d’être ambitieux. Les actionnaires, Pierre Ferracci en tête, souhaitent ouvrir le capital cette année. Des investisseurs américains se sont déjà positionnés sur le dossier. Proche d’Emmanuel Macron, l’homme d’affaires veut prendre son temps, étudier les différentes offres. Et réussir là où Jean-Luc Lagardère malgré ses moyens colossaux avait échoué. Après tout dans une ville de 2,2 millions d’habitants, le PSG peut bien faire une petite place à un autre club.