Le ladoum, mouton star de la Tabaski au Sénégal
Le ladoum, mouton star de la Tabaski au Sénégal
Par Salma Niasse Ba (Dakar, correspondance)
L’animal, célébré en raison de sa beauté et de ses dimensions exceptionnelles, est prisé des plus riches pour le sacrifice de la fête musulmane de l’Aïd-el-Kébir.
Lors d’un concours d’élevage à Dakar, en novembre 2010. / MOUSSA SOW / AFP
A la bergerie Galoya de Mbao, près de Dakar, les retardataires se pressent de venir chercher leur mouton en cette veille d’Aïd-el-Kébir, célébrée lundi 12 août au Sénégal. Et pas n’importe quelle race : le ladoum est la vedette de cette fête musulmane communément appelée Tabaski au Sénégal et à laquelle il faut consacrer au rituel du sacrifice. C’est un cadeau pour les plus nantis, un rêve pour les plus modestes, mais l’animal ne laisse personne indifférent dans un pays où l’élevage de moutons est une passion.
La sélection du ladoum, fruit d’un croisement génétique entre le touabire mauritanien et le bali-bali malien, a débuté dans les années 1970 à Thiès, une ville située à 70 km de Dakar. Près de cinquante ans après, la bête est célébrée en raison de sa beauté et de ses dimensions exceptionnelles. Sa robe d’une blancheur éclatante, parfois tachetée de noire, ses cornes enroulées et parfaitement symétriques, son cou majestueux ont suscité l’attraction lors du Salon de l’agriculture 2018, à Paris. Avec 114 cm au garrot et 161 cm de longueur pour une bête de 175 kg, ses mensurations sont de loin supérieures aux autres races.
C’est d’ailleurs la seule bête pour laquelle des compétitions sont régulièrement organisées au Sénégal. Et sur Facebook, une page dédiée au ladoum Galactic, champion du salon de l’élevage Saladam en 2018, a été récemment créée. Sur les 810 000 têtes de moutons nécessaires à cette édition de la Tabaski, le cheptel des ladoums constitue actuellement un peu plus de 20 000 bêtes. Mais la production est en constante hausse ces dernières années.
Flambée des prix
Si le ladoum séduit autant, c’est aussi parce qu’il est inaccessible. En entrée de gamme, comptez 300 000 francs CFA (457 euros), soit trois fois le coût d’un mouton peul-peul. Pour un agneau ou un antenais (de 10 à 18 mois), il faudra débourser entre 250 000 et 600 000 francs CFA.
Et pour les béliers issus d’ovins dits champions, le prix affiché commence à partir d’1 million de francs CFA, selon une étude publiée par la revue Afrique Science, avec un record de 52 millions de francs CFA proposés en 2017 pour le ladoum Assane 2. Une offre juteuse malgré tout refusée par son propriétaire, qui dit multiplier ses gains avec la progéniture de celui-ci. En effet, la saillie avec un mouton de cette catégorie s’achète à prix d’or et l’élevage de cette race, autrefois exercé par une poignée d’hommes, semble de plus en plus attractive avec la flambée des prix.
Belle affaire, donc, que le ladoum, qui ne fait pas pour autant l’unanimité chez les éleveurs, la qualité de sa chair faisant débat. « Aux Etats-Unis, on se base sur la qualité des gênes, alors qu’ici, c’est davantage l’apparence qui compte. Nous avons des races de meilleure viande que le ladoum et qui sont moins chères », assure Moustapha Tamba, un éleveur qui juge la spéculation actuelle excessive : « Le ladoum est surcoté, car contrôlé par un cercle restreint qu’il faut intégrer pour pouvoir vendre. »
« Faux ! », rétorque Abou Kane, le président de la Fédération nationale des acteurs de la filière ovine (Fenafo) : « Ces critiques sont formulées par certains éleveurs qui ont loupé leur investissement dans le business du ladoum. C’est une bête à la viande tendre, car elle ne marche pas beaucoup, contrairement aux moutons des autres races. De plus, elle a moins de parasites car elle bénéficie de soins vétérinaires spécifiques et plus coûteux. »
Vers la création d’un label
Une attention particulière est ainsi prêtée à la star des moutons, devenue aujourd’hui un cadeau de prestige. En ce week-end de préparatifs, alors que défilent directeurs de banque et autres personnalités à la bergerie Galoya de Mbao, un agent du ministère de l’élevage confie être venu chercher « des ladoums à offrir aux ministres, députés et ambassadeurs ». Un bien de luxe, donc, mais qu’il faudrait « démocratiser » pour qu’il ne soit plus considéré comme un « mouton de privilégiés », estimait Khadim Guèye, conseiller technique du ministre de l’élevage et des productions animales, lors de la foire bisannuelle du regroupement des éleveurs intensifs de Thiès, en janvier.
A cette occasion, la Fenafo déclarait d’ailleurs travailler à l’homologation d’un label qui permettrait d’exporter le ladoum. La première phase de collecte des données de caractérisation étant terminée, la fédération espère achever le processus au cours de l’année. En attendant de brouter l’herbe ailleurs, le ladoum sera en tout cas du festin pour cette Tabaski au Sénégal.