Accompagner les femmes excisées, un défi
Accompagner les femmes excisées, un défi
Editorial. Le nombre de femmes ayant subi cette mutilation génitale a doublé en France en dix ans. Des structure médicales pluridisciplinaires réparties sur le territoire viennent en aide aux victimes, mais il est également nécessaire de renforcer les actions de prévention.
Editorial du « Monde ». Bien que la pratique de l’excision ait quasiment disparu en France depuis une quinzaine d’années, grâce à une loi de 2004 et à une politique volontariste de prévention et de santé publique, le nombre de femmes adultes excisées y a doublé en dix ans, selon un rapport du Bulletin épidémiologique hebdomadaire publié fin juillet. 124 355 femmes seraient concernées, contre 62 000 une décennie auparavant.
Rappelons que l’excision (l’ablation du clitoris) est, au-delà de la coutume sociale, tribale ou religieuse évoquée par ses défenseurs, un acte de torture condamné par la loi dans presque tous les pays du monde. Cette mutilation génitale féminine entraîne hémorragies, infections, douleurs, complications lors des accouchements, et souvent des traumatismes qui resurgissent à l’âge adulte, voire le décès de la victime. La pratique n’en demeure pas moins courante et concerne plus de 200 millions de femmes sur la planète, selon l’Unicef.
En Afrique, de loin le continent le plus touché avec 80 % des cas recensés, la pratique est désormais illégale dans la plupart des pays, à l’exception notable du Mali et de la Sierra Leone. Pourtant cinq Etats d’Afrique de l’Ouest francophone se distinguent toujours par une pratique relativement importante de la mutilation (Sénégal, Côte d’Ivoire, Cameroun, Mali et Guinée, par ordre décroissant). Les autres principaux foyers d’excision sont l’Egypte, la Corne de l’Afrique et l’Indonésie.
Le deuxième pays concerné en Europe
La poursuite de la pratique de l’excision en Afrique francophone et les migrations des dernières décennies sont la raison principale de l’augmentation des chiffres en France. Soit les migrantes arrivent déjà excisées, soit les fillettes subissent l’ablation du clitoris pendant des vacances dans leur pays d’origine. La France est ainsi le deuxième pays pour le nombre de femmes excisées en Europe, après le Royaume-Uni et devant l’Italie, les Pays-Bas et l’Allemagne. 530 000 femmes seraient concernées sur le continent.
Le rapport du Bulletin épidémiologique hebdomadaire estime que la France est plutôt bien armée pour faire face à ce déplorable phénomène social. Une quinzaine d’unités médicales spécialisées sont réparties sur le territoire pour proposer un accompagnement aux femmes excisées. Contrairement à l’approche uniquement chirurgicale qui prévalait au siècle dernier, ces unités sont désormais pluridisciplinaires et proposent un accompagnement complet, notamment psychologique. Les femmes ont en effet des raisons très variées de consulter, et toutes ne vont pas jusqu’à faire réparer leur clitoris.
La forte augmentation du nombre de femmes excisées doit toutefois alerter et faire prendre conscience qu’il ne faut pas baisser la garde. Non seulement cet accompagnement médical doit prendre en compte le nombre de patientes potentielles, mais il est nécessaire de lutter contre l’excision des futures générations. Pour cela, il est important d’informer les familles récemment arrivées en France de l’illégalité de la pratique. Dialogue et éducation sont nécessaires pour lutter contre un phénomène dont ces fillettes sont victimes dès le plus jeune âge, y compris parfois contre le gré de leurs parents, qui découvrent la mutilation de leur enfant après un séjour estival dans le pays d’origine.
La Maison des femmes, située à l’hôpital Delafontaine, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), accueille une unité de prise en charge des mutilations sexuelles féminines, parmi la quinzaine existant sur le territoire français. / LIONEL BONAVENTURE / AFP