Les séduisantes promesses du « smart beta »
Les séduisantes promesses du « smart beta »
Par Eric Leroux
Ce nouveau concept de gestion, qui vise à mieux gérer les risques de marché, est désormais ouvert à tous les épargnants.
« La gestion smart beta part du constat que les marchés d’actions, via les indices pondérés par la capitalisation, ne sont pas toujours efficients », explique Bruno Taillardat chez Amundi. / Adam Gault/Ojo Images / Photononstop
Depuis plusieurs années, le discours vantant les mérites de la gestion indicielle par rapport à la gestion active - soit s’en remettre à des indices boursiers, soit au savoir-faire d’un gérant pour sélectionner les titres - se succèdent et ont permis de démontrer qu’il valait presque toujours mieux miser sur les indices que sur les hommes.
Aujourd’hui, les sociétés de gestion vont encore plus loin : elles transforment les indices eux-mêmes pour les rendre encore plus performants et moins risqués. Le petit nom de cette approche ? La gestion « smart beta », que l’on pourrait traduire par création de valeur (dans le jargon financier, cela représente tous les gains supérieurs à ceux du marché) intelligente.
« Longtemps chasse gardée des investisseurs institutionnels, cette approche est aujourd’hui à portée des épargnants individuels », indique François Millet, responsable produits ETF chez Lyxor AM tout en précisant que « c’est plutôt, encore aujourd’hui, un produit de banque privée recommandé pour une clientèle avertie ». Elle se décline sous de multiples formes : CPR AM vient ainsi de lancer un fonds conciliant smart beta, obligations et investissement socialement responsable, baptisé Smart Beta Crédit ESG.
« La gestion smart beta part du constat que les marchés d’actions, via les indices pondérés par la capitalisation, ne sont pas toujours efficients », explique Bruno Taillardat, responsable smart beta et factor investing chez Amundi. Certaines valeurs, dont la capitalisation est importante, y pèsent en effet très lourd : environ 10 % du CAC 40 pour LVMH, 8 % pour l’Oréal, presque autant pour Total. Lorsque ces valeurs s’enrhument ou s’envolent, elles jouent un rôle important dans l’évolution de leur indice.
Réduction du risque
La gestion smart beta visant à mieux gérer les risques et à les diversifier, les concepteurs d’indices les reconstruisent donc à la demande, par exemple en accordant la même pondération à toutes les valeurs qui le composent. « Cela amène à des stratégies et des indices plus défensifs, qui performent mieux quand les marchés sont turbulents et qui profitent plus vite des hausses », poursuit M. Taillardat. Ce n’est toutefois pas une assurance contre les pertes : si le risque est réduit par rapport aux indices traditionnels, il n’est pas absent.
« Il est possible de décliner ce concept de multiples façons, afin de disposer d’indices plus intelligents, par exemple en ne retenant que les actions dont le cours varie le moins (« minimum variance » dans le jargon), ou celles ayant la plus forte solidité financière (« quality »), ou encore celles dont la valeur augmente le plus (« momentum ») », éclaire M. Millet. Les concepts de « smart beta » n’ont en fait, pour seule limite, que l’imagination des financiers.
L’obligataire aussi
S’il est historiquement décliné dans l’univers des actions, le concept de « smart beta » n’y est plus totalement confiné, puisque les gérants obligataires commencent aussi à s’en emparer. « Nous avons démontré que l’investissement factoriel prend également tout son sens dans l’univers des obligations, indique Jean-Marc Dumais, responsable des solutions obligataires chez Amundi. L’idée est aussi d’investir dans les marchés obligataires en réduisant les risques et l’intensité des pertes éventuelles, et ainsi de développer de nouvelles façons d’approcher ces marchés ». Une gestion qui est, aujourd’hui, principalement destinée aux investisseurs institutionnels, ou aux gestions sous mandat, pilotées par des professionnels.
Faut-il investir selon ces concepts ? Difficile de trancher, car en raison de la multitude de stratégies, les performances sont loin d’être homogènes, mais les professionnels se montrent confiants sur leurs résultats. Ils estiment toutefois que ce n’est pas une solution appelée à devenir universelle : « C’est une approche de diversification du portefeuille financier, estime M. Taillardat. Cela ne remplacera pas la gestion active, mais c’est un bon complément, car les cycles de performance sont différents ».
Pour les investisseurs plutôt avertis, la gestion smart beta pourrait donc être le chaînon manquant entre la gestion active (les fonds où des humains choisissent les valeurs) et la gestion passive (la réplication d’indices généralistes).