Comment la Belgique est devenue la plaque tournante du terrorisme en Europe
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La capitale belge a été touchée, mardi 22 mars, par des attaques terroristes, qui ont fait au moins 31 morts (dont les trois kamikazes) et 270 blessés. Depuis mardi, la rédaction du Monde.fr tient un direct sur l’évolution de la situation et notamment sur les avancées de l’enquête. Voici les questions qui ont été le plus fréquemment posées jeudi via les commentaires de ce direct.

Comment se fait-il qu’Ibrahim El-Bakraoui, condamné en 2010 à neuf ans de prison, était dehors ?

Condamné par le tribunal correctionnel de Bruxelles à neuf ans de prison pour avoir tiré en 2010 sur des policiers à la kalachnikov lors d’un braquage, Ibrahim El-Bakraoui avait bénéficié dès l’an dernier d’une libération conditionnelle, sur décision prononcée par le tribunal d’application des peines, alors que la direction de la prison où il séjournait y était opposée. El-Bakraoui est néanmoins soumis à certaines contraintes : interdit de se rendre plus d’un mois à l’étranger, il doit s’entretenir tous les mois avec l’assistant de justice.

En juin 2015, El-Bakraoui est pourtant arrêté à la frontière turco-syrienne puis expulsé vers les Pays-Bas le 14 juillet. Selon le président turc, alimentant la controverse au sujet des failles des autorités judiciaires belges, les autorités belges auraient alors été informées qu’il pouvait s’agir d’un combattant étranger mais ont ignoré les avertissements et l’ont, par la suite, relâché.

Le ministre de la justice belge fait valoir qu’Ibrahim El-Bakraoui était alors « un criminel de droit commun en liberté conditionnelle ». Mais l’arrestation de l’intéressé à la frontière syrienne fragilise beaucoup son argument. De plus, si les autorités belges ont été informées, pourquoi Ibrahim El Bakraoui, avec ou sans lien avec le terrorisme, n’est pas renvoyé en prison en Belgique vu qu’il ne respectait pas les termes de sa libération conditionnelle ?

Est-il vrai que Salah Abdeslam communique avec Mehdi Nemmouche du fait de la proximité de leurs cellules ?

Vous avez été nombreux à nous interroger sur cette information de la proximité des cellules de Mehdi Nemmouche, l’assaillant du Musée juif de Bruxelles, et de Salah Abdeslam. Il est vrai que les deux hommes sont tous deux dans le quartier de haute sécurité de la prison de Bruges. Toutefois, nous n’avons aucune confirmation d’une « proximité » de leur cellule, et l’information semble assezimprobable. Les médias qui ont évoqué cette rumeur usaient d’ailleurs largement du conditionnel, ce qui tend à montrer son manque de véracité.

Interrogé à ce sujet jeudi matin par des journalistes, l’avocat de Salah Abdeslam, Sven Mary, a expliqué que cette supposée communication entre les deux djihadistes est « matériellement impossible ».

Les attentats de Bruxelles ont-ils changé la donne concernant l’extradition de Salah Abdeslam, du fait de sa potentielle participation à leur préparation ?

Jusqu’aux attentats de Bruxelles, la question de l’extradition de Salah Abdeslam n’était posée par personne. Les autorités belges soutenaient l’exécution, dans les meilleurs délais, du mandat d’arrêt européen lancé par la France dans le cadre de l’enquête sur les attentats du 13 novembre 2015. Mais depuis le drame de mardi, la position belge change, notamment au regard des soupçons d’implication de Salah Abdeslam dans ce double attentat.

La question de la participation directe ou indirecte du djihadiste dans les attentats de Bruxelles a été soulevée par le ministre de l’intérieur, Jan Jambon. S’il est avéré qu’Abdeslam a effectivement un lien avec ce nouvel attentat, la justice belge pourrait revoir sa position au sujet de son transfèrement vers Paris, qui semblait une simple formalité jusque-là.

Un changement d’attitude qui repose à la fois sur des critères politiques – l’émotion liée aux attentats du 22 mars – et plus techniques. Il existe des causes de refus d’extradition obligatoires et facultatives. Parmi les causes obligatoires, il y a le fait qu’une personne ne peut pas être remise à un autre pays membre de l’Union européenne si elle a déjà été condamnée pour les mêmes faits.

Y a-t-il eu des tirs à l’aéroport, avant les bombes ?

Dans leurs témoignages, plusieurs rescapés de l’aéroport ont fait état de coups de feu avant qu’aient lieu les explosions. Et un témoin, notamment, a rapporté avoir reçu une balle dans la hanche. Dans son communiqué de revendication, l’organisation djihadiste Etat islamique (EI), a de son côté évoqué des « fusils-mitrailleurs ».

Malgré tout, dans son compte-rendu concernant l’avancée de l’enquête mercredi, le procureur fédéral belge a déclaré qu’aucune arme, ni de poing ni de guerre, n’a été trouvée à l’aéroport. Si l’hypothèse des tirs ne peut être totalement exclue du fait des témoignages, pour l’heure, aucun élément de l’enquête ne nous permet de nous avancer sur la question.

A-t-on des informations sur la nature des explosifs découverts, leurs composants, leurs provenances ?

Le procureur fédéral belge a révélé, mercredi, les résultats de la longue perquisition effectuée, la veille, dans un appartement squatté du quartier de Schaerbeek, dans le nord de Bruxelles : « quinze kilos de TATP, 150 litres d’acétone, 30 litres d’eau oxygénée ainsi que des détonateurs et une valise remplie de clous et de vis ».

Le TATP ou peroxyde d’acétone est un explosif artisanal obtenu en mélangeant, dans des proportions précises, de l’acétone, de l’eau oxygénée et un acide (sulfurique, chlorhydrique ou nitrique). C’est un explosif puissant et très instable, prisé par les djihadistes de l’organisation Etat islamique qu’ils surnomment « la mère de Satan », et dont les composants se trouvent facilement dans le commerce.

Certains médias belges relaient l’information que les centrales nucléaires étaient dans un premier temps visées. Y a-t-il eu un renforcement de la sécurité autour de ces centrales ?

Quelques heures après les attentats survenus à Bruxelles, la sécurité des deux centrales nucléaires belges a, en effet, été renforcée et le personnel « non essentiel » évacué. Le porte-parole de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire affirmait mardi que « les sites nucléaires de Belgique, qui étaient déjà en vigilance accrue, font l’objet de mesures complémentaires ». Les deux sites étaient sous surveillance depuis les attentats de Paris et de Saint-Denis.

Que sait-on du contenu du testament d’Ibrahim El-Bakraoui ?

Ce « testament » est en fait un enregistrement retrouvé sur un ordinateur abandonné dans une poubelle située à proximité de la rue Max Roos à Schaerbeek, une commune bruxelloise où des perquisitions ont été menées mardi après les attentats. Dans ce document, Ibrahim El-Bakraoui affirme « être dans la précipitation », « ne plus savoir quoi faire », « être recherché de partout » et « ne plus être en sécurité », selon le compte-rendu qu’en a fait mercredi le procureur fédéral belge.

Il ajoute que « s’ils s’éternisent, ils risquent de terminer à côté de lui dans une cellule ». Il s’agit sans doute d’une référence à son complice des attentats de Paris, Salah Abdeslam, interpellé le 18 mars. Mais il n’est pas non plus exclu que ce « lui » face référence à un certain Mohamed Bakkali, interpellé le 26 novembre près de Verviers, dans le cadre de l’enquête belge sur les attentats de Paris. Les policiers ont en effet retrouvé dans le « testament » une mention de son nom, indiquait une source policière jeudi matin.

La trace de Bakkali, 28 ans, avait été trouvée à Auvelais et à Schaerbeek, deux endroits où ont séjourné les terroristes de Paris. C’est chez Bakkali aussi qu’avait été saisie, en décembre, une vidéo d’une dizaine d’heures montrant les allées et venues d’un haut responsable du Centre de recherche nucléaire de Mol. Selon le quotidien La Dernière Heure, ce sont les frères El-Bakraoui qui auraient récupéré la vidéo devant le domicile du directeur.