Disséquer souris et grenouilles en classe est de nouveau permis
Disséquer souris et grenouilles en classe est de nouveau permis
Par Claire Ané
Saisi par le principal syndicat enseignant, le Conseil d’Etat a annulé l’interdiction de cette pratique, décidée voilà dix-huit mois par le ministère de l’éducation nationale.
Une large partie des dissections avaient été interdites par la circulaire de novembre 2014. | VIN CATANIA/AFP
Tremblez, élèves ; souvenez-vous, parents : la dissection de souris et de grenouilles va recouvrer droit de cité en classe. Le Conseil d’Etat a en effet annulé l’interdiction de cette pratique, établie par une circulaire du ministère de l’éducation nationale en novembre 2014.
Lire notre article de l’époque : Les élèves ne disséqueront plus de souris
La décision du Conseil d’Etat, datée du 6 avril, fait suite à un recours déposé par le premier syndicat d’enseignants du secondaire, le SNES-FSU. Il dénonçait la méthode, d’abord, puisque « la décision du ministère était arrivée très brutalement, sans débat avec les enseignants, obligeant des établissements à jeter leur stock d’animaux congelés », se souvient la secrétaire générale adjointe du syndicat, Valérie Sipahimalani, elle-même professeure de sciences de la vie et de la terre (SVT), principale discipline concernée par les dissections.
« La confrontation au réel est essentielle »
Sur le fond, le SNES reproche à ce texte de s’appuyer sur une mauvaise interprétation de textes, notamment de la circulaire européenne « relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques ». Et il dénonçait ses effets : alors que le programme de SVT de seconde préconise de « mettre en œuvre un protocole de dissection pour comparer l’organisation de quelques vertébrés », la circulaire a considérablement réduit l’éventail des possibles : « Sont autorisés les animaux disponibles dans le commerce : les poissons, ou encore les cailles, et côté mammifères, les lapins, mais ils sont gros, chers, difficiles à trouver non éviscérés », explique Valérie Sipahimalani.
Le ministère avait aussi invité les enseignants à faire découvrir autrement l’anatomie animale, grâce à des modèles de souris en plastique et des logiciels de dissection virtuelle. « Nos collègues n’en disposent pas dans les classes, probablement pour des questions de coût », lui oppose Valérie Sipahimalani.
Surtout, « la confrontation au réel est essentielle dans l’enseignement des sciences expérimentales », défend le SNES dans son communiqué. Et sa représentante d’insister : « La dissection permet aux élèves d’expérimenter, concrètement, le fait que des animaux d’aspects différents à l’extérieur présentent de fortes similitudes à l’intérieur, et d’ainsi comprendre que ces espèces ont un ancêtre commun, qui est aussi celui de l’homme. »
A l’entendre, la dissection a aussi une portée presque philosophique. « Elle confronte à une étape que notre société a escamotée, ce moment où l’animal n’est plus vivant et pas encore un morceau de viande. Cela engage la responsabilité des élèves, et leur questionnement : cet animal qui a été tué pour l’expérience a-t-il souffert ? C’est parfois l’occasion de réaliser que ce qu’ils mangent a été vivant, et de rendre les élèves plus respectueux du contenu de leur assiette. » Une conclusion que ne renieraient pas forcément les adversaires de la dissection en classe, très virulents sur les réseaux sociaux depuis que le communiqué du SNES, mis en ligne discrètement lundi sur le site du syndicat, a été diffusé par l’Agence France-Presse et plusieurs médias.
Vallaud-Belkacem fait « confiance aux enseignants »
Quelle forme prendra le retour de la dissection en classe ? Rien n’est moins clair. Prenant acte de la décision du Conseil d’Etat, la ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem, a appelé mardi matin sur RMC « à faire confiance aux enseignants : il y a ceux qui utiliseront cette pratique et puis les autres », tout en « avouant » qu’elle-même était « quand même favorable à la protection des animaux, qui allait jusqu’à la fin de la dissection des souris ».
« Tous les enseignants ne sont pas favorables à la dissection, elle est rare, et ceux qui choisissent de le faire en débattent avec leurs élèves, confirme Valérie Sipahimalani. C’est toujours marquant, et ceux qui ne souhaitent pas participer sont libres de rester au fond de la salle. Même si souvent, leur curiosité scientifique les pousse finalement à venir observer. »
Concrètement, la dissection se pratique essentiellement en classe de seconde, parfois en première S, avec souvent trois groupes : l’un dissèque des souris, l’autre des sardines, le dernier des grenouilles, et l’ensemble des élèves compare ensuite l’organisation interne de ces vertébrés. « L’éducation nationale a bien avancé sur ces sujets, comme la société, salue l’enseignante. Il n’est plus question de faire des expériences sur des animaux vivants, alors qu’il y a une trentaine d’années, certains décervelaient des grenouilles en classe. »