L’Inde impose un « bouton d’urgence » sur tous les téléphones mobiles
L’Inde impose un « bouton d’urgence » sur tous les téléphones mobiles
Par Morgane Tual
Cet outil s’adresse principalement aux femmes, qui peuvent l’activer pour alerter les secours en cas de danger.
A partir du 1er janvier 2017, tous les téléphones vendus en Inde devront être équipés d’un « panic button », un dispositif permettant d’alerter immédiatement les secours en cas de problème. Le décret, signé par le ministre des communications et des technologies d’information, Ravi Shankar Prasad, a notamment pour intention de venir en aide aux femmes victimes de violences.
« Si une femme a un problème, elle peut simplement appuyer sur le bouton du téléphone et elle recevra immédiatement de l’aide », avait indiqué en décembre, alors que cette idée n’était encore qu’au stade de projet, la ministre des femmes, Maneka Gandhi. En 2014, 337 000 cas de violences faites aux femmes ont été rapportées aux autorités, selon les derniers chiffres officiels, dont 36 000 viols. Une augmentation de 9 % par rapport à l’année précédente – et ces statistiques ne prennent pas en compte toutes les violences non déclarées.
Le bouton d’urgence ne sera pas exactement le même selon les modèles. Les constructeurs de smartphones devront soit créer un nouveau bouton, soit configurer le bouton « power » qui, pressé trois fois consécutives, enverra un signal de détresse. Sur les téléphones plus anciens, il faudra appuyer longuement sur la touche 5 ou 9. A partir du 1er janvier 2018, tous les téléphones devront également être équipés de la technologie GPS, afin de que les coordonnées géographiques de l’utilisateur puissent être envoyées automatiquement aux secours.
Le gouvernement n’a toutefois pas donné plus de détails sur le fonctionnement de ce système : va-t-il envoyer un SMS aux secours ? Lancer un appel ? Et quelle plateforme sera contactée, puisque l’Inde compte quatre numéros d’urgence différents ?
Personnes âgées et activistes
Le principe du bouton d’alerte n’a rien de nouveau, même s’il est loin d’être massivement utilisé, en Inde comme ailleurs. Certains téléphones disposent de fonctionnalités similaires, comme certains mobiles Samsung qui permettent de configurer l’envoi d’un message d’alerte à un contact, qui peut contenir sa position GPS, des photos et du son de la situation en cours.
Plusieurs applications permettent aussi d’installer un système de ce type, comme EyesOnMe ou Iudame, le dernier s’adressant notamment aux personnes âgées, qui peuvent prévenir immédiatement leurs proches et les secours en cas de malaise. Ainsi, les différents boutons d’alerte existant visent des publics différents : même Amnesty International a lancé le sien, à destination des activistes, pour qu’ils puissent informer leurs contacts en cas d’arrestation.
Après les attentats qui ont frappé la France le 13 novembre, la question de ces boutons d’alerte a été soulevée à nouveau, pour répondre à la saturation des lignes de secours et optimiser leur réponse. Lors d’un « hackathon » organisé à Paris en janvier sur cette thématique, plusieurs projets allant dans ce sens ont ainsi été proposés.
Fausses alertes
En Inde, le bouton d’alerte n’est pas non plus une première… L’entreprise Uber en avait intégré un dans son application en février 2015, après l’arrestation d’un chauffeur accusé d’avoir violé une passagère. Mais le système n’a été déployé dans aucun autre pays depuis.
Reste à connaître l’efficacité de ce type de dispositif, et sa faisabilité à grande échelle. Dans un pays comme l’Inde, imposer d’équiper tous les téléphones d’un bouton d’alerte, et notamment d’un GPS, paraît difficilement réalisable pour des questions de coût, souligne la journaliste Shruti Dhapola dans les colonnes de l’Indian Express :
« Acheter un smartphone équipé d’un GPS est inaccessible pour beaucoup. (…) Alors que les femmes des classes moyennes et hautes pourront se permettre d’acheter les gadgets les plus sophistiqués pour leur sécurité, la majorité des femmes en Inde, notamment dans les petites villes ou les zones rurales, ne le pourront pas. »
Qui plus est, beaucoup de détails pratiques restent à régler, notamment en cas de fausse alerte : en devant être le plus accessible possible, le bouton risque d’être déclenché par mégarde et donner quelques frayeurs aux proches, voire déplacer les secours en vain – les utilisateurs de Samsung utilisant cette fonctionnalité en savent quelque chose.