Balades au cœur de Berlin
Balades au cœur de Berlin
Par Thomas Doustaly
A pied ou à vélo, deux itinéraires pour apprivoiser le centre de la capitale ; entre mémoire, histoire, musique et architecture.
Au printemps et en été, il y a à Berlin des journées de soleil épatantes, chaudes, longues, accablantes parfois. Mieux vaut alors changer ses plans, renoncer aux musées ou au clubbing à outrance pour profiter de l’air libre. On peut, bien sûr, s’enfuir au palais de Sanssouci, à Potsdam, pour arpenter les terrasses de vignes du parc rococo construit par Frédéric II de Prusse. On peut aussi embarquer pour un « Brückentour » en bateau sur la Spree et ses canaux, et découvrir Berlin autrement. Pourtant, sans s’éloigner de Mitte et du cœur de Berlin, à pied ou en vélo, deux promenades s’offrent à vous, qui ensemble permettent d’embrasser le meilleur de la ville, entre mémoire, musique et architecture.
Tous les chemins mènent au Tiergarten
Flamants roses dans le Zoo de Berlin, au sud du Tiergarten. | Manuel Cohen
Un Parisien légèrement ethnocentré pourrait voir le Tiergarten comme un équivalent miniature du bois de Boulogne qui aurait été déplacé au jardin des Tuileries pour occuper le centre de la capitale allemande. Sauvage et un peu « louche » quand vient la nuit, Tiergarten est essentiel à Berlin. Tout part de lui, revient à lui, tourne autour de lui. En 1987, Wim Wenders l’a dit en images de cinéma, dans Les Ailes du désir, qui faisait de la Siegessäule – la colonne de la victoire coiffée de son ange doré – un emblème de la ville. Monument nationaliste inauguré en 1873 par un Guillaume Ier qui venait d’écraser la France, la colonne a aujourd’hui la grâce sereine d’un hymne à la paix. Par temps clair, il faut en gravir les 285 marches pour admirer Berlin vu du ciel. La porte de Brandebourg est à l’est, Charlottenburg à l’ouest, reliés par la Straße des 17. Juni, qui charrie toute l’histoire allemande. Frédéric de Hohenzollern, le premier roi de Prusse, fit tracer au début du XVIIIe siècle cet axe aujourd’hui emprunté par les athlètes bigarrés du Marathon de Berlin qui courent chaque année en septembre – parfois sans le savoir – dans les pas des parades militaires nazis ou soviétiques.
La colonne de la victoire, située au centre du Tiergarten. | FORGET-GAUTIER/SAGAPHOTO
Une fois descendu sur la terre ferme, deux options s’offrent aux marcheurs. D’abord on peut se perdre dans Mitte, vers le nord. A partir du palais du Reichstag, restauré par l’architecte Sir Norman Foster après la réunification, on passe devant l’ambassade de Suisse avant d’arriver sous les fenêtres d’Angela Merkel, à la chancellerie fédérale, au 1 de la rue Willy-Brandt. S’il est l’heure de déjeuner, on peut choisir le charmant Paris-Moskau. On passe ensuite devant deux musées. La gare de Hambourg, désaffectée, est devenue le Musée d’art contemporain de Berlin. Plus loin, le très beau Muséum d’histoire naturelle, à découvrir si le temps se gâte. Avant de terminer la balade dans un joli parc, le Volkspark Humboldthain, il faut s’arrêter au croisement de Bergstraße et de Bernauer Straße, au Mémorial du mur de Berlin. Le souvenir des Allemands de l’Est qui payèrent de leur vie leur besoin de liberté y est poignant.
Des vagues de verre et de béton
Alternative plus exhaustive et plus facile – moins de 5 kilomètres –, la balade d’est en ouest au sud de Tiergarten s’achève au zoo de Berlin et commence au Mémorial aux juifs assassinés d’Europe. Depuis 2005, les 2 711 stèles de béton imaginées par Peter Eisenman en souvenir des victimes de la Shoah symbolisent la volonté des Allemands de regarder en face l’horreur du passé nazi. On peut se perdre dans ce dédale chargé de spiritualité, ouvert et libre d’accès vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La visite, gratuite, du centre de documentation situé sous le monument, met des chiffres et des images sur la Shoah. En face, dans le parc, le Mémorial aux homosexuels persécutés pendant la période nazie s’inscrit dans la même recherche d’émotion au service de l’histoire. C’est un cube gris et froid dans lequel est percée une lucarne, par laquelle on découvre le film d’un baiser, au ralenti, entre deux hommes. Cet « hymne à l’amour » est particulièrement à propos dans Tiergarten qui – encore aujourd’hui – est un lieu de rencontres.
La Philharmonie de Berlin, sur la Potsdamer Platz, a été construite en 1963. | TORRIONE Stefano/hemis.fr
De la mémoire à la musique, il n’y a que quelques pas. La Philharmonie de Berlin, inchangée jusque dans les détails du vestiaire ou de la signalétique depuis son inauguration en 1963, est le chef-d’œuvre de l’architecte allemand Hans Scharoun. La simple balade rend mal justice à la force du geste architectural. Pourquoi ne pas entrer et réserver une place pour un concert ? Peu importe le chef, il faut entendre une fois dans sa vie le meilleur orchestre du monde, le célèbre Orchestre philharmonique de Berlin, jouer dans ses murs. On repère la Gemäldegalerie pour une visite ultérieure, car il faut au minimum une demi-journée pour profiter de la richesse des collections de peintures de cet équivalent berlinois du Louvre.
La façade de la Shell-Haus, achevée en 1932, dont les ondulations s'inspire des mouvements de l'eau. | DR
Avant d’arriver au Bauhaus-Archiv par les berges du Landwehrkanal, on s’arrête au Mémorial de la Résistance allemande, caché dans une cour, et on lève les yeux pour découvrir les vagues de verre et de béton de la Shell-Haus, achevée en 1932, rare exemple d’architecture contemporaine épargné par les bombardements à la fin de la seconde guerre mondiale. Grande histoire encore – mais tout est grand à Berlin – avec le Bauhaus : la révolution esthétique lancée par ce courant majeur de l’architecture et du design marque encore notre temps. Le Bauhaus-Archiv est un petit musée qui permet d’en saisir l’essentiel. Si la pluie s’invite, on peut se réfugier dans un café du Bikinihaus, pour grignoter un morceau face au zoo. Ou choisir d’entrer dans la partie contemporaine de l’église du Souvenir, juste en face. Moins connue que le clocher étêté par les bombes qui lui fait face, cette église octogonale est éclairée de 20 000 vitraux conçus par le Français Gabriel Loire. On y dit la messe, mais c’est aussi l’endroit idéal pour entendre un concert d’orgue ou une Passion selon saint Matthieu, de Bach. A Berlin, la musique n’est jamais loin.
Carnet de route
A visiter
Siegessäule, la colonne de la victoire. Attention, il faut monter 285 marches ! D’avril à octobre, du lundi au vendredi de 9 h 30 à 18 h 30. Entrée : 3 euros. Tiergarten, Altonaer Straße 1, 10557 Berlin.
On rejoint le palais de Sanssouci en 33 minutes avec le train régional, RE1 (Direction Brandenburg Hbf) depuis la gare centrale de Berlin (Berlin Hbf) à Potsdam Park Sanssouci. Toutes les informations sur les parcs de Berlin : www.spsg.de
Le « Brückentour » (tour des ponts) dure 3 heures 30, et c’est une bonne introduction à la ville. Informations : www.sternundkreis.de
Où dormir
Les appartements du Gorki sont à la fois très centraux et ultra-confortables, pour un séjour seul ou en famille. A partir de 195 euros. Gorki Apartments, Weinbergsweg 25, Berlin, 10119. Tel. : +49-30-48-49-64-80. www.gorkiapartments.com
L’hôtel NH Collection Friedrichstrasse est idéalement situé juste à côté de la station de métro S-Bahn/U-Bahn Friedrichstraße, non loin de la porte de Brandebourg et de Checkpoint Charlie. Réservations : +34-91-398-46-61. http://www.nh-hotels.fr/