Le Salon de l’automobile de Pékin, qui s’est ouvert le 25 avril et fermera ses portes le 4 mai, a perdu de son folklore. En cherchant bien, on trouvera certes plusieurs copies de Mercedes, des plagiats de Land Rover, une simili Golf ou une pseudo Peugeot 2008, mais ce sont autant d’exceptions. L’automobile chinoise n’est plus ce qu’elle était et s’en porte bien ; les marques nationales ont gagné onze points de parts de marché en deux ans face aux constructeurs étrangers.

Les berlines conçues par les entreprises locales, dont certaines ont choisi des dénominations hautes en couleurs – BYD, pour Build Your Dreams (« Construisez vos rêves »), Great Wall (« Grande Muraille ») ou Red Flag (« Drapeau Rouge ») – sont encore un peu pataudes, mais l’émergence des SUV de gabarit moyen a changé la donne. Ces voitures surélevées, à l’allure vaguement baroudeuse, sont devenues la nouvelle passion des consommateurs et la providence des constructeurs locaux, prompts à jeter leur dévolu sur un segment où chacun peut saisir sa chance.

Le SUV Geely Emgrand GS. | Geely

Les SUV chinois ne cherchent pas l’originalité, mais leur présentation est impeccable. Feux à LED, vitres fumées, teintes bicolores, flancs creusés pour donner du mouvement, lignes découpées au cordeau, accostages rigoureux des éléments de carrosserie, souci inédit des proportions et de l’équilibre des formes. Seule la calandre, généralement massive et sculptée à grand renfort de chromes, vient rappeler que le premier marché mondial de l’automobile n’a pas tout à fait renoncé à son penchant pour le bling-bling.

Le recrutement de designers étrangers

Cette évolution est – en partie – imputable au recrutement de designers étrangers. Peter Horbury, ancien patron du style de Volvo et désormais chargé de celui de Geely (propriétaire de la marque suédoise), découvre l’excitation de la création ex nihilo. « Pas d’héritage à prendre en compte ni d’ADN de marque à restituer : c’est à nous, ici et maintenant, de jeter les fondations de l’identité stylistique de Geely », se réjouit le designer britannique, dont l’entreprise présente pas moins de trois SUV au Salon de Pékin, dont l’Emgrand GS. « La pression est forte, il faut aller très vite ; une voiture réalisée en argile à l’échelle 1 apparaîtra sous forme de prototype six mois plus tard, ce qui est incroyablement rapide », assure-t-il.

Le SUV Senova X35. | Fred Dufour/AFP

Un peu plus loin, le jeune designer italien Andrea Mocellin, transfuge de Pininfarina, jette un regard circulaire sur le stand de la marque Senova pour laquelle il a contribué à dessiner le très élancé concept-car Offspace, préfiguration d’un futur véhicule. « C’est très stimulant de travailler pour ces nouvelles marques. Tout est à construire et la gamme s’oriente vers des modèles d’avant-garde, surtout électriques », assure-t-il.

Les avancées les plus visibles se situent aussi à l’intérieur de l’habitacle. Ainsi, les nouvelles Dongfeng CX-3 et Changan CS95 sont dotées d’écrans tactiles de belle dimension et de systèmes d’information et de divertissement tout à fait comparables à ce que propose une voiture étrangère fabriquée en Chine. Les planches de bord ont perdu de leur côté vieux jeu et se tapissent de matières « moussées », certes moins avantageuses que la plupart des modèles de concurrence, mais qui leur permettent de soutenir la comparaison. Et, à la demande générale, on trouve aussi des capteurs de pollution…

Des améliorations dans le design et la qualité

Les firmes chinoises, associées depuis des années à des constructeurs étrangers dans le cadre de joint-ventures fort profitables, ont été à bonne école. Parmi les autres, qui n’ont pas bénéficié de cet avantageux cousinage, certaines ont appris très vite et accumulé assez de savoir-faire pour franchir un palier supplémentaire, y compris pour concevoir des véhicules hybrides rechargeables et électriques.

« Les améliorations se situent dans tous les domaines, constate Bruno Vanel, responsable du plan produit Renault en Asie. Le design et la qualité perçue, bien sûr, mais aussi les motorisations, qui se sont adaptées aux normes avec de petits moteurs turbocompressés. Reste à savoir si cette frénésie de nouveaux modèles conçus dans des délais très courts sera compatible avec un haut niveau de fiabilité. » De même, tous les constructeurs chinois n’ont pas progressé au même rythme ; certains ne doivent leur survie qu’au soutien financier des autorités locales.

Le stand du constructeur Changan. | Fred Dufour/AFP

En s’installant sur la partie la plus dynamique du marché et en tirant les prix vers le bas (les SUV chinois se négocient l’équivalent de 12 000 à 20 000 euros environ), les marques nationales ont visé juste. Elles flattent l’orgueil patriotique de certains consommateurs et captent la nouvelle clientèle des villes du centre et de l’ouest du pays. Celles où, désormais, se concentre l’essentiel des Chinois qui achètent une automobile pour la première fois.