SNCF : l’accord sur l’organisation du travail suspendu à la signature de la CGT et SUD
SNCF : l’accord sur l’organisation du travail suspendu à la signature de la CGT et SUD
LE MONDE ECONOMIE
Un compromis direction-syndicats a été trouvé dans la nuit de lundi à mardi. Le texte est ouvert à signature jusqu’au 14 juin. La CGT et SUD, majoritaires à eux deux, peuvent le bloquer.
Si la CGT et SUD bloquent le projet d’accord, « il n’y aura pas de nouvelles négociations, prévient-on au gouvernement. L’accord obtenu cette nuit n’entrera pas en vigueur et il y aura des mesures unilatérales de la direction de la SNCF ». | BERTRAND GUAY / AFP
Le clap de fin est en approche. Alors que la SNCF connaissait, mardi 7 juin, son septième jour de grève consécutif, la direction du groupe ferroviaire et ses quatre syndicats représentatifs ont fini par trouver un compromis sur le futur accord d’entreprise.
C’est à 4 h 30, dans la nuit de lundi à mardi, que les derniers négociateurs sont sortis de la salle, au siège de SNCF Transilien, près de la gare Montparnasse, à Paris. Après deux mois d’échanges intenses, il a fallu dix-neuf heures de négociation pour arriver au bout d’un texte qui régira le travail des cheminots du groupe public à partir du 1er juillet.
Les syndicats ont jusqu’au 14 juin pour signer le document.
Est-ce que ce projet d’accord va conduire à l’arrêt de la grève ?
« Il y a un moment où, selon une formule célèbre, il faut savoir arrêter une grève », a rappelé François Hollande, le président de la République, mardi, dans La Voix du Nord.
« Il n’y a plus aucune raison qu’il y ait grève », a abondé Guillaume Pepy, le patron du groupe public ferroviaire, mardi matin, sur Europe 1. Le retour à la normale pourrait avoir lieu dès mercredi 8 ou jeudi 9 juin.
Mardi, la SNCF prévoyait que deux TGV et TER sur trois rouleraient, ainsi que la moitié des TER et un Intercités sur quatre. Le taux de mobilisation des grévistes continuait de faiblir, à 8,5 % des salariés, mais une majorité de conducteurs restaient mobilisés.
« Nous sommes allés au bout de notre mandat et avons amendé et amélioré le texte, dit Benjamin Raigneau, le négociateur de la SNCF. Il y a désormais une vraie visibilité pour nos cheminots sur le futur cadre social, avec l’ensemble des trois textes qui régiront le secteur ferroviaire : le décret socle, qui sera vite publié, la convention collective nationale, mise à la signature jusqu’à mercredi, et, désormais, notre accord d’entreprise. »
Au gouvernement, on se montre plus prudent. « On est optimiste, il y a un accord qui n’est pas la reconduction de l’accord précédent, ça a été très long à obtenir, mais la situation reste très fragile », confie une source proche de l’exécutif. En cause, la manière dont la CGT va accueillir l’accord négocié cette nuit.
La CGT et SUD signeront-ils ce projet d’accord ?
Selon nos informations, si Gilbert Garrel, le secrétaire général de la CGT Cheminots, a mené la négociation dans la salle de réunion, c’est Philippe Martinez, le patron de la centrale, qui était à la manœuvre. Il a été l’interlocuteur unique côté CGT et la négociation, cette nuit, s’est faite surtout avec la SNCF, sous le regard d’Alain Vidalies, le secrétaire d’Etat aux transports.
Mardi matin, il semblait acquis que l’UNSA et la CFDT, qui représentent près de 40 % des cheminots du groupe public, apporteraient dans la journée leur soutien au texte. A la CFDT, un porte-parole assurait mardi matin que le texte était conforme à celui négocié fin mai avec le gouvernement et qu’un communiqué suivrait dans la journée. A l’UNSA, on ne cachait pas non plus sa satisfaction concernant ce texte.
A la CGT, le discours était plus neutre. L’organisation « souhaite prendre le temps d’évaluer le texte », selon un porte-parole contacté par Le Monde. « La CGT ne semblait pas vouloir s’opposer à l’accord mardi matin, mais la situation à la SNCF est dépendante hélas du contexte national sur la loi travail. La grève à la SNCF reste la dernière arme dont dispose la CGT qui, au fil des jours, s’enfonce dans une impasse stratégique », estime-t-on au gouvernement.
Que se passera-t-il si la CGT et SUD refusent de signer ?
La position du premier syndicat du groupe est déterminante. Avec SUD-Rail, qui « consulte ses structures », le syndicat peut bloquer l’accord. Les deux organisations représentent 51,5 % du corps électoral du groupe public, plus que le seuil de 50 % nécessaire pour dénoncer un accord.
Cependant, si les deux syndicats bloquent ce texte, « il n’y aura pas de nouvelles négociations, prévient-on au gouvernement. L’accord obtenu cette nuit n’entrera pas en vigueur et il y aura des mesures unilatérales de la direction de la SNCF ».
De même, le premier ministre, Manuel Valls, attend de connaître la position des deux syndicats, avant de faire des annonces sur la future « trajectoire financière » du groupe SNCF et des mesures concernant la dette.
Sur quoi porte exactement le projet d’accord ?
Sur le fond, les débats ont été longs et pointilleux. « Normal, cela touche à la vie quotidienne de nos agents », justifie M. Raigneau, le négociateur de la SNCF. Selon lui, la direction a fourni explications et précisions techniques concernant, par exemple, la prise en compte (et les compensations qui vont avec) du travail de nuit, des trajets dans le temps de travail ou encore le régime juridique des contrôleurs, qui restera celui des « roulants » et non des « sédentaires », moins avantageux.
Le gros des débats a tourné autour de l’article 49, obtenu par la CFDT lors de sa négociation directe avec le gouvernement, fin mai. Cet article « a rendu folle la CGT ces derniers jours », confie un proche des négociations. SUD-Rail dénonce « l’introduction d’un régime dérogatoire qui permettrait à la direction de remettre en cause chaque disposition reprise dans l’accord », assure Eric Meyer, du syndicat.
Selon ce texte, si un chef d’établissement local souhaite déroger à l’accord d’entreprise afin d’améliorer sa compétitivité, en baissant ses coûts lors de la renégociation d’une convention avec une région par exemple, il pourra le faire si une majorité des signataires de l’accord d’entreprise sont d’accord au niveau national.
Autrement dit : si la CGT ou SUD-Rail refusent de signer l’accord d’entreprise national, ils seront ensuite sur la touche et ne pourront pas s’opposer à des dérogations locales. Lors des négociations, ces syndicats ont seulement obtenu une petite concession. « Avant une décision des syndicats signataires de l’accord national, les représentants du personnel de l’établissement pourront donner leur avis sur ce projet de texte. », indique la SNCF. Suffisant pour amadouer la CGT et SUD-Rail ?