« Interdire la circulation des véhicules anciens revient à vouloir chasser les pauvres de Paris »
« Interdire la circulation des véhicules anciens revient à vouloir chasser les pauvres de Paris »
Contrôlons la pollution des véhicules dans la capitale, mais ne sanctionnons par les propriétaires de voitures anciennes, qui sont souvent les Parisiens les plus pauvres, demande le réalisateur François Margolin.
L’affaire prêterait plutôt à sourire si elle n’était symbolique d’une attitude et d’un choix politiques. La Mairie de Paris a ainsi décidé d’interdire, à partir du 1er juillet, la circulation dans la capitale des véhicules âgés de plus de vingt ans. L’argument : ils pollueraient beaucoup plus que les autres.
Le problème est que rien ne prouve que l’âge d’un véhicule implique un taux de pollution élevé. Le mien, une Mini ancien modèle − et réellement tout à fait « mini » −, mise en service en 1989, ne pollue pas plus qu’une Twingo ou une 208 neuve. Son dernier contrôle technique le prouve, s’il en était besoin.
La pollution automobile est en effet, la plupart du temps, liée à la puissance du moteur, à la taille et à la cylindrée plutôt qu’à l’âge, surtout si le véhicule est bien entretenu. L’argument ne tient donc pas.
« Salauds de pauvres ! »
Pourquoi alors une mairie « de gauche » cherche-t-elle à sanctionner les propriétaires de véhicules anciens ? Je crois que la cause est à la fois plus profonde et plus grave.
Deux catégories de citoyens automobilistes en sont les victimes. D’un côté, les plus pauvres, qui n’ont pas les moyens d’acheter un nouveau véhicule et qui le réparent tant bien que mal car il leur est nécessaire pour aller travailler. De l’autre, les conducteurs de voitures anciennes qui préfèrent leurs formes à celles, standardisées, des modèles actuels.
Cette décision signifie donc plusieurs choses.
La première est que l’on cherche à chasser les pauvres de Paris en les obligeant à prendre les transports en commun, dont tous ceux qui les connaissent bien savent qu’ils ne sont ni fiables ni rassurants. Qui va en effet imaginer qu’une serveuse de restaurant va rentrer chez elle, seule, en RER, en lointaine banlieue, à minuit et plus ? « Salauds de pauvres ! », comme disait Jean Gabin dans La Traversée de Paris.
La deuxième est que l’on cherche à renouveler le parc de voitures en obligeant un grand nombre de gens à acheter un nouveau modèle et donc à favoriser les grands groupes de l’industrie automobile. Mais qui peut, aujourd’hui, acheter un véhicule à 30 000 ou 40 000 euros, électrique, bien sûr ? Certainement pas les classes populaires.
La troisième est que l’on cherche à faire comprendre qu’il ne peut y avoir de plaisir à conduire une automobile.
Or, désolé de l’avouer, il peut y avoir du plaisir à conduire, et pas seulement par égoïsme ou pour rendre malade ses concitoyens.
J’aime conduire
Comme des millions de gens, en France et dans le monde, j’aime conduire, et je pense même que la voiture donne de l’indépendance et de la liberté. C’est le sentiment que j’ai ressenti le jour où j’ai obtenu mon permis et je crois toujours que posséder un véhicule permet de vivre à son rythme, sans se soucier d’horaires contraignants, et de découvrir le monde.
Je sais que l’idée n’est plus très répandue, en particulier chez une partie de nos dirigeants politiques, mais je crois aussi qu’on ne gouverne pas en se fiant aux statistiques.
Pourquoi alors devrais-je arrêter de conduire ma Mini, cette petite voiture qui fait la joie des enfants lorsqu’ils l’aperçoivent et que les groupes de touristes asiatiques mitraillent de photos ?
Contrôlons la pollution des véhicules, d’accord, mais n’instaurons pas de règles contraignantes, aux conséquences stupides et liées à des critères d’âge qui n’ont pas grand-chose à voir avec le problème.
Aimer conduire et préférer une voiture ancienne à une voiture moderne n’est ni « de gauche » ni « de droite ». C’est un choix qui a à voir avec la liberté et qui, contrairement à certaines idées en cours, n’empiète pas sur la liberté des autres.
Gentrification
Et puis, surtout, arrêtons cette politique de gentrification de Paris qui consiste, depuis plus d’une dizaine d’années, à uniformiser la population de la capitale, en en chassant les couches sociales les plus défavorisées et les immigrés, et en la transformant en une ville pour étudiants, oisifs et touristes.
La hausse du prix des appartements et des loyers a fait son travail d’exclusion. Mais les décisions prises par la Mairie pour restreindre systématiquement l’accès des véhicules depuis les banlieues populaires du nord et de l’est de Paris ont fait le reste.
Chers élus de Paris, ne tombez pas dans le panneau qui consiste à accroître les inégalités sociales sous prétexte de lutte contre la pollution !
Il y a aujourd’hui d’autres problèmes autrement plus importants à régler, y compris si l’on veut faire baisser le taux de particules fines. Revenez sur cette décision stupide et injuste qui, si elle est appliquée, ne nous fera plus rire.
François Margolin
Réalisateur, producteur et scénariste